Cinéa (1921)

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cinea 11 M NOTES JT Voici que les films français sont de plus en plus jolis. C'est très ennuyeux. Ne criez pas au paradoxe et comparez sincèrement cette production contemporaine dont vous êtes si fiers à l'ancienne série de nos comédies cinématographiques d'avant-guerre. Ce musée des horreurs, quasi oublié maintenant, c'était plus près du bon chemin que les « chefs-d'œuvre » d'aujourd'hui. Sans ambition sérieuse, sans adresse et sans travail respectable, les monstres de naguère tendaient pourtant à intéresser la foule, et trouvaient dans leur simplicité des formules directes, presque justes, qui, développées et humanisées, pouvaient établir la personnalité de notre race dans l'art du cinéma. Malheureusement, cette époque de la pellicule comportait une part d'erreurs dans laquelle on s'obstina, et quand éclata mondialement — en pleine guerre — la preuve de notre infériorité, la révolution trop brusque amena l'anarchie du genre. Toutes les tendances, toutes les imitations s'implantèrent. Les films russes, anglais, italiens, américains servirent tour a tour de modèles. Aucun ne fut dans la mesure où il le fallait, aimé ou tenu à l'écart. Actuellement sévit le plus grossier pastiche de la cinégraphie américaine. Remarquable en elle-même et incomparable jusqu'à nouvel ordre, elle devait servir de modèle, d'enseignement, de conseil. On la décalque. Que devient dans cette copie niaise le sentiment vigoureux des Ince, des Griffîth, des Fitz Maurice et l'art des interprètes qu'ils ont modelés et animés ? La hantise de la perfection technique est la pire maladie que pouvait craindre le film français, si handicapé par ailleurs. On songe au studio, à la photographie, à l'émulsion de la pellicule, à la chimie du maquillage, à bien d'autres choses, et ce serait très bien, mais on ne songe qu'à cela et on oublie que ces outils de constructeur ne sont intéressants que si l'on a quelque chose à construire. La prétention ne manque pas chez nos metteurs en scène qui tous sont certains d'être des auteurs. Sur quels sommets éblouissants s'égarent-ils V Dès qu'ils sont à l'œuvre, ils disparaissent et nous ne savons plus rien d'eux et de leur pensée, si tant est qu'ils en aient une. « C'est le génie », disent-ils, comme dans le Midi on dit pour s'excuser de tout : « Té, c'est le trctcassin I » Du génie V Du génie ? Ils ne savent pas lire. Ils se déclarent poètes, et le prouvent en nous promenant inlassablement parmi d'harmonieux paradis à jamais déserts. J'aime mieux en somme la franchise du cinéma italien qui compose d'impeccables cartes postales (en couleurs aussi, cela ne tardera pas), mais qui ne dédaigne pas d'intéresser le spectateur à ce qui se passe dans ces cartes postales. A défaut de l'art américain, que l'on s'en tienne donc, ici, aux séduisantes bonhomies du film latin. Mais que dis-je ? La technique américaine domine tout Je vous dis que nos meilleurs films, ceux du moins qui nous ont fait croire au progrès national dans cet art universel, sont uniquement la jonglerie froide et raffinée de la grande « manière » des transatlantiques. Imitation aussi vaine que totale. Ce n'est pas de là que sortira une idée française. Ni de ces huit ou dix artificiers savants, ni de leurs innombrables disciples ingénus. Il y aurait d'amusantes choses à conter sur ceux qui emploient les trucs à tort et à travers. Les caches, les fondus, les surimpressions, les décentrations d'iris, l'ouverture et la fermeture de l'œil-de-chat, tout cela est si amusant, n'est-ce pas ? Alors, sans raison autre que déraisonner copieusement, nos as font évanouir l'image du héros au milien d'une scène, ferment moelleusement l'iris sur un détail insignifiant que rien n'incitait à isoler, casent au lointain le plus lilliputien des actes émouvants et transforment en « premier plan « gigantesque le visage morne de la jeune première qui transpire sous le maquillage. Cela se voit tous les jours. Cela c'est la grande pitié du cinéma de France. Oubliez donc cette science étrangère dont vous ne savez pas vous servir. Ayez une pensée, une idée, un scénario à la rigueur, et vous trouverez ensuite la façon de l'exprimer. Vous ne pouvez pas ne pas la trou ver. Vous aurez peut-être même la chance de découvrir une forme originale. Cela vaudra mieux que de parodier ce que vous ne comprenez pas, ce génie d'autrui qui vous va comme un gibus et des escarpins à un roi nègre tout nu. • Joachim Gccsc/uet. — Le poète Joachim Gasquet qui vient de mourir était un homme. Il avait un rythme en lui qui faisait penser à Lamartine. Il se sentait tellement Français! Mais son meilleur poème n'était-ce pas lui-même ? Ne le cherchez pas dans ce qu'il a signé. Trouvez-le dans ce qu'il a suscité. Des littérateurs, des peintres, des comédiens sont nés de son enthousiasme. Ce tribun d'Ingres et de Cézanne reconnut, révéla et parfois inventa de jeunes talents. Le Salon d'Automne lui doit beaucoup. Son épique ronde à travers la peinture le conduisit un jour à la peinture animée. Il comprit. Il aima. Il commença à batailler. A la cohorte, maintenant forte et nombreuse, des intellectuels cinéphiles, il apporta son loyalisme de Gaulois provençal et son âme de chef. Animateur, il eût créé là aussi. Je me souviens d'un soir où il évoqua tant de possibilités du blanc et noir. Il y avait avec nous l'admirable peintre Fauconnet que son art synthétique menait peu à peu à l'écran. Fauconnet est mort. Gasquet est mort. 11 préparait joyeusement une tragédie qui devait s'appeler : Le Sourire Ecrasé. Et cela peut servir de titre à cette fin de poète : Le Sourire Ecrasé... # Metteur en scène, si j'ose m'exprimer ainsi, est une laide expression. Mais Canudo se trompe en nous offrant écraniste. Je n'ose insister pour lui proposer cinéaste, qui me plait. J'aimerais aussi qu'on adoptât, pour préciserle rôlede ces artisans, le terme: tourneur. Mais beaucoup de cinégraphistes français ne supportent pas qu'un de leurs aines s'appelle tourneur et ait réussi mondialement, via New-York. Louis Delluc.