Cinéa (1921)

Record Details:

Something wrong or inaccurate about this page? Let us Know!

Thanks for helping us continually improve the quality of the Lantern search engine for all of our users! We have millions of scanned pages, so user reports are incredibly helpful for us to identify places where we can improve and update the metadata.

Please describe the issue below, and click "Submit" to send your comments to our team! If you'd prefer, you can also send us an email to mhdl@commarts.wisc.edu with your comments.




We use Optical Character Recognition (OCR) during our scanning and processing workflow to make the content of each page searchable. You can view the automatically generated text below as well as copy and paste individual pieces of text to quote in your own work.

Text recognition is never 100% accurate. Many parts of the scanned page may not be reflected in the OCR text output, including: images, page layout, certain fonts or handwriting.

0 cinea conçoivent pas l'art sans un sujet, se préoccupent plus de la chose exprimée que du mode d'expression; ils ne goûtent la musique que si elle comporte des paroles ou un titre propre» à diriger leur rêverie; ils voient avant tout dans la peinture le modèle représenté, la ressemblance physique ou psychologique des personnages. Un art uniquement tourné vers la recherche de modalités d'expression, comme celui d'un Rodin, ou des maîtres expressionnistes, les laisse froids. Et ce qui est vrai de la plupart des individus lest de (on.s les publics. Or, le cinéma est essentiellement un art collectif, fait pour un public : 11 y faut donc un sujet. Le documentaire le plus exact, présenté comme tel, intéresse et n'émeut pas. Lancez un canoë à travers les rapides, le public le regarde avec intérêt; s'il porte le message qui doit sauver l'héroïne, il le suivra haletant. Un film récent nous montrait un homme tué par un crocodile. C'était un inconnu, un anonyme; l'épisode avait pour seul objet d'indiquer que les crocodiles sont des animaux dangereux. Le public restaitfroid; si on lui avait donné une raison d'attacher quelque importance à la vie ou à la mort de cet homme, chaque bond aurait fait palpiter la salle. Puis donc qu'il faut un sujet, le choix en est-il indifférent? Je le nie. L'artiste a un devoir envers le public; il est responsable de la qualité des émotions qu'il provoque ( «... l'émotion, même religieuse, dit Rémy de Gourmont, est humiliante lorsqu'on la demande aux littératures... », disons d'une manière générale : aux œuvres « ... sans art et sans beauté. ») Si nous jugeons ainsi ceux qui éprouvent une émotion de qualité médiocre, que dirons-nous donc de ceux qui la provoquent? Entre leurs mains, l'art se prostitue. Quand je vois La Fleur dans les La puissance d'illusion de l'homme est infinie. Tous les ans, l'Académie des Sciences reçoit Vingt=cinq démonstrations du Postulat um d'Euclide, et les maisons d'éditions sept mille scénarios de films. ruines, Pour l'humanité, Les Proscrits, La Charrette Fantôme, Fièvre, L'Homme inconnu, El Doraclo (j'en passe) je sens une âme qui parle à mon âme; quand se déroule devant moi tel film de confection — à épisodes ou autre — avec ses appels banals et mécaniques à la pitié, à la terreur, à la sensualité, à la tendresse, j'ai l'impression d'être allé chercher chez une fille un frisson artificiel. Que le cinéma soit l'art du mouvement, cela encore est incontestable; faut-il cependant proscrire absolument l'immobilité, exiger que tout, jusqu'au décor, danse autour des personnages? Revenons à la musique, puisqu'il y a tant de parenté entre les deux esthétiques; l'un des moyens d'expression de la musique est précisément le silence (Cf. Beethoven : Scherzo de la 9e symphonie, Variations op. 126; Wagner : marche funèbre du Crépuscule, etc ). Le rôle que le silence joue en musique, l'immobilité le joue à l'écran. Mais il faut qu'elle soit exceptionnelle et voulue (allez voir, la semaine prochaine La Ville pétrifiée). Autrement dit, le cinéma ne doit se servir de décor inerte que pour faire mieux ressortir le mouvement qui est son domaine normal. A ce point de vue, ce que dit M. Epstein des gros plans, de la nécessité d'en limiter la durée, est tout à fait juste. Reportons-nous encore à l'esthétique de la musique : l'expression ou le geste en gros plan, c'est le thème joué « en dehors » confié au trombone, au cor, aux violons doublés. Le procédé est d'un effet puissant, mais rapidement monotone. Je n'estime pas, avec M. Epstein, que la décomposition du geste constitue le domaine propre de l'écran. Le cinéma est capable de le faire, y excelle même, tout comme la littérature peut donner des œuvres poussées, fouillées, susceptibles d'une minutie d'analyse que ne comporte ni le théâtre ni la poésie Personnellement j'éprouve une délectation morose à relire Adolphe ou La Lettre Rouge, ou certaines œuvres de M. Marcel Proust; mais n admettre que cette voie me paraîtrait terriblement exclusif. Et en fin de compte, je crois qu'au cinéma je préfère encore l'œuvre lancée d'un élan : Pour sauver sa race, Une aventure à New York, Fièvre. En un mot, je crois qu'il y a une certaine antinomie entre les deux objectifs que M. Epstein assigne au cinéma, le mouvement et l'analyse J'ajoute que cette antinomie n'est peut être qu'apparente et je serais heureux qu'une œuvre réussie m'obligeât à reconnaître mon erreur. Enfin, je m écarte encore du subtil cinégraphe quand il prétend soustraire l'écran aux lois communes de l'art. Et je refuse d'admettre que le tempérament du cinéaste, ou même de l'opérateur doive s effacer devant celui de l'appareil. Je suis persuadé que deux films de G ri f fit h tournés avec des appareils différents porteront une marque commune bien plutôt qu'un film de Griffith et un de M. René Navarre tournés avec le même appareil L'équation personnelle s'affirme même en science; les expériences d'un Léon Foucault, d'un William Crookes, d'un Fizeau, d'un Jean Perrin — je cite au hasard — ou encore les explorations d'un Stanley, d'un Brazza, d'un Nansen, sont choses signées aussi bien qu'un tableau de Delacroix ou d'Ingres, qu'un film de L'Herbier, de Delluc, de Fitzmaurice, de Tourneur. En science comme en art, la machine est un serviteur, et les moyens d'action une fois assurés, c'est l'homme qui compte. Mais, j'ai tort de discuter ainsi les solutions; il est excellent que là où M. Epstein en voit une, j'en voie une autre; il serait encore meilleur que notre discussion en suggérât au lecteur une troisième. Ce qui est intéressant, c'est de poser les problèmes plus que de chercher â les résoudre : Je connais, sur le cinéma, peu d'ouvrages qui en posent autant, de manière aussi pénétrante, aussi vivante aussi philosophique que M. Jean Epstein; et peut-être, après tout, aurait-il suffi dédire cela. Lionel Landry. Le snob est plus utile à la m a : civilisation quel' antisnob, \ m m j que le critique qui, eau \ froide ou eau tiède, lance m ■ ■ sur les enthousiasmes la \ m ■ : douche de sa colère ou de m m de sa blague. M M M Rémy de GOURMONT.