Cinéa (1921)

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12 cinea M M A U FUMOIR par Marcel LéVesque M M V I I Dans la fumée lourde la discussion montait : — La vérité, c'est que vous autres, Latins, vous êtes pourris de littérature! déclara Patchkine, le compositeur. Même en musique, nos camarades font île la littérature quand ils ne prétendent pas réaliser du Rembrandt ou de l'Angelico. — La vérité, la vérité... c'est que chaque art devrait rester à sa place I trancha Forestier. — L'art moderne, renchérit Paroi, prétend aujourd'hui exprimer indifféremment la peinture et la musique par la poésie, et inversement... — A la rigueur, déclara Rossif, le mouvement moderne je le comprends en littérature. Dans les arts plastiques, je le comprends déjà moins: mais au ci né T.. . le cinéma ou plutôt la projection cinématographique est rapide et vous ne pouvez pas obliger le public à comprendre instantanément des choses obscures... l'effort est seulement possible ?vec le livre dont on peut relire un passage, le méditer, le reprendre, l'interpréter... comme par exemple l'exige Rimbaud et les modernes qui en découlent. — Quel jargon pour un académicien! souffla Maurice à Propelse. Celui-ci intervint : — Permettez-moi, maître, de n'être pas complètement de votre avis : Les modernes, en un raccourci puissant, remplacent par des heurts d'images de longues phrases inutiles : le cinéma peut admettre ce procédé. A dire le vrai, les mots ne sont que les grossiers symboles d'une réalité dont les nuances ne sont pas entièrement exprimables ; or, l'écran est peut être l'interprète le plus fidèle de la pensée humaine, car il peut exprimer de l'homme autre chose que ce dont il a une conscience précise, comme dit Han Ryner (et moi je l'applique au cinéma) 1 écran a pour lui : « le sourire, l'attitude, le geste, le serrement de main, le baiser, il a les mouvements et les attouchements qui disent des spontanéités et des mystères, du profond et du non analy sable... », bref tout ce qui est vraiment humain et n'appartient pas seulement à un seul langage phonéticoanalytique, mais pourrait être compris à chaque étage de la Tour de Babel. — BravoT cria ingénument Maurice. — Bis! ajouta Forestier. — C'est une conférence... murmura Paroi. — N'est-ce pas de tout cela qu'est fait, en somme, le silence si éloquent des amoureux? acquiesça Rossif. Yand continua : Le mal provient évidemment de ce que signalait dernièrement Billy. — Hello? demanda W. K. Thornton en prenant son verre. — Nos scénarios ne tiennent pas suffisamment compte de cette propriété merveilleuse de l'écran : ils sont conçus peu visuellement, toujours trop compliqués, et ne laissent presque rien à l'expression de la « nature » des comédiens; or, malgré tout, c'est encore cela qui est le plus « photogénique ». — Parbleu! affirma Chanteroy (de l'Odéon), mais en France, on ne redoute qu'une chose : la vedette! Enfin, Thornton, ajouta-t-il en se tournant vers l'Américain, le meilleur du succès de vos compatriotes ne provient-il pas de l'exploitation intelligente de la Star? — L'Etoile est le pivot! confirma Billy. — Ah! triompha le comédien... eh bien, en France, sitôt qu'un artiste commence à être aimé du public, il devient un objet de la méfiance générale des professionnels et il ne trouve pas un éditeur assez commerçant pour le défendre : on le tient à l'écart ou on lui jette un « ersatz » dans les jambes.,, tel un cheval de course que l'on cesserait d'entraîner sous prétexte qu'il rcr trop bien... — Sans doute, mon vieux, approuva Forestier; mais il y a une nuance, le cheval de course ne coûte pas plus de picotin s'il arrive au poteau... tandis que l'artiste! — Il y a une fortune à faire en France, pourla compagnie qui saurait exploiter un consortium de vedettes, déclara Billy. — Eh bien, faites là, répliqua Forestier. Je ne dis pas... déclara W. KThornton, hochant la tête. — Il n'y en a pas, de vedettes! jeta Paroi. — Chez nous, jamais Chariot ne serait parvenu à s'exprimer, renchérit Chanteroy, jamais aucun éditeur n'aurait consenti à lui fournir les moyens de réaliser une seule de ses productions sur le vu du scénario ; car il ne s'y trouve pas « d intrigue », selon la formule française, tout est dans le détail... — Et le détail seul est pictural... c'est ce que je disais, intervint le peintre Vigneux. — Si vous étiez à la tête d'une grosse industrie, peut-être hésiteriezvous avant de vous lancer dans des aventures et penseriez-vous aussi à suivre, malgré tout, le goût du public, remarqua Rossif. — Mais qui le connaît? demanda Paroi. — Et, d ailleurs il change sans cesse, remarqua Forestier. — Nous a-t-on assez « corné les oreilles» avec l'amour du public pour le naturel et la simplicité au cinéma. — Il n'y a pas d'art véritable, au ciné, sans cela, dit Yigneux. — Mais croyez-vous que le spectateur soit si entiché de naturel et de simplicité? L'expérience nous apprend que le public aime apercevoir la difficulté surmontée par l'artiste, il aime voir l'effort... c'est pour cela que les rôles de composition font plus particulièrement se récrier d admiration les spectateurs avertis. Au théâtre, les plus gros succès d'artiste sont allés aux comédiens qui, dans une même soirée, ont pu se faire applaudir sous deux aspects vraiment divers... et cela sans autre effort souvent qu'un peu d'ingéniosité dans le maquillage; mais là, le public discerne mieux la volonté de l'artiste,