Cinéa (1921)

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cmea 13 sent l'effort d'art et y applaudit. C'est cette mentalité que flattent les acrobates et les jongleurs lorsqu'ils soulignent la difficulté de leur travail en ratant à dessein de façon répétée l'exercice capital qui, finalement réussit impressionne plus profondément les spectateurs et déchaîne d'autant mieux leur admiration. — Eh mais, approuveriez-vous cette sorte de cabotinage? demanda Rossif. — Certes non, répondit le comédien; mais écoutez ceci : Robert-Houdin, dans ses « Mémoires », raconte qu'ayant créé un automate il le présentait aux spectateurs, émerveillés du mécanisme qui fonctionnait sous leurs yeux avec un bruit compliqué de déclics et d'engrenages. Il voulut supprimer ce bruit inesthétique qu'il considérait comme une imperfection, Il travailla de longs mois pour parachever sa mécanique et la rendre aussi silencieuse qu'un mouvement d'horlogerie; puis, fier du résultat, il présenta de nouveau son chef-d'œuvre au public... mais il eut alors la surprise de constater que celui-ci ne se récriait plus d'admiration ; car ce qui l'étonnait était bien moins le travail exécuté par l'automate lui-même, que le mécanisme compliqué qui l'actionnait. L'illusion créée était trop parfaite, aussi... l'illusionniste crut-il devoir remettre les rouages inutiles et bruyants, pour retrouver son « effet » antérieur. — Evidemment, dit Vigneux. — C'est un fait, constata Forestier. — Mais du public ou de l'artiste, lequel doit suivre l'autre? demanda Maurice. — On doit faire l'éducation du public, insista Vigneux ; il n'y a pas lieu de tenir compte de ses goûts puisqu'en fait il n'a pas voix au chapitre. — On impose ce que l'on veut imposer, le tout est de vouloir, continua Perlier. Le secret du succès mondial de Chaplin est d'avoir su ce qu'il voulait et d'avoir précisé de fois en fois sa formule : sa force est de nous présenter des types généraux. Chacun de ses scénarios, de ses gestes, de ses pensers enfin, tend inconsciemment, peut-être et de par son génie propre en général. Il est arrivé à établir la synthèse d'un caractère, en procédant par l'effet inverse de « l'analyse visuelle » de menus faits, qu'il décomposait de plus en plus, de même qu'il décomposait de plus en plus les situations de la vie. Il se garde d'user d'un thème de vaudeville, comme on le fait chez nous, car c'est se limiter, limiter son expression et sa puissance comique. Il faut renoncer à ce lieu commun que les films américains ne comportent pas « d'histoire », il y en a toujours une; mais très simple, réduite à sa plus simple expression « à l'état de support strictement néces saire ». Chaplin a compris que le comédien de cinéma devait être non pas un interprète, mais un poète se créant une vie à l'écran et y traduisant une conception de l'existence. Comme le disait Paroi citant Gauthier, Charlie pousse jusqu'au bout la logique de l'absurde, traitant avec une fantaisie outranciére une donnée vraie et psjchologique. Le rire n'a pas de plus grand ennemi que l'émotion, et c'est pour cela que jamais les spectateurs ne veulent remarquer la double signification des gestes de Chariot mais il est humain avec des côtés d'abandon et de grâce plaisante ou de plaisanterie gracieuse... Son Idylle aux champs a toute la grâce d'une bucolique et c'est une rêverie de poète : c'est le roman du rêveur éveillé, de l'éternel coureur d'idéal qui trébuche sur les réalités... rêveur candide que guette malicieusement la vie pour le remettre dans la réalité avec un coup de pied au derrière... C'est pourtant ce qui déchaîne le rire du public; car, comme dit Bergson, le rire est loin de s'inspirer d'une pensée bienveillante ou même d'équité... — Est-il bavard le petit bougre T remarqua Forestier, et il cite ses auteurs! Maurice continua : — Le meilleur scénario peut être saccagé par l'animateur, ou inversement; et dans les dernières productions de Chaplin on reconnaît le cerveau qui a monté toute la machine, jusqu'à ses moindres nuances. Son grand mérite est d'avoir établi du rire, au cinéma, un étalon qui peut nous servir de critérium; Chariot y est poète et le plus grand des poètes comiques vivants, et comme les vrais poètes, il a le don en plus de l'intelligence... je crois qu'il demeurera classique, comme Molière ou Shakespeare... — Simplement! conclut Forestier. — Quel enthousiasme! mon jeune ami, constata 1 académicien en prenant congé; il faut bien qu'il y ait quelque chose de vrai dans vos observations pour vous enflammer à ce point... d'ailleurs, je suis retourné le voir, et... en réfléchissant bien... il m apparaît en effet que Chariot... nous en reparlerons, ajouta-t-il en tournant sur ses talons... — Merci pour lui, murmura Patchkine. Il est plein de bonne volonté, cet homme, lui répondit Yagneux-Labrousse... — Maurice le fera, pas vrai? demanda le chroniqueur au jeune bachelier en lui tapant familièrement sur l'épaule. Les groupes se formaient autour des pardessus. Chanteroy aillait l'académicien à mettre sa pelisse. — En somme, lui dit celui ci avecun sourire de remerciement, en somme, par l'exercice de son art si différent de celui du théâtre, le comédien de cinéma, ne subirait pas cette sorte de déformation professionnelle qu'on reproche avec une souriante indulgence à son confrère le comédien de théâtre... — Le comédien est souvent le même... mais la déformation est pire! mon cher maître ; songez qu'en sortant de sa loge, le comédien de théâtre, lui, y laissait ses oripeaux et ses accessoires de carton; mais le comédien de cinéma accoutumé de « tourner » dans des milieux authentiques, avec de luxueux accessoires, se trouve désobligé (son travail fini) d'abandonner .sa somptueuse limousine; car il se croit encore le maître de l'admirable château sur le perron duquel il vient de serrer la main de son cousin le roi du Mazout!... à force de tourner au cinéma, le cinéma lui a tourné la tête! — Juste retour, conclut l'académicien avec un sourire,., et, comme ils étaient arrivés sur le trottoir, chacun après un dernier adieu s en fut de son côté. Marcel Lévesqui . Films usages pour amateurs et particuliers, depuisOJOcentimes. BAUDON = SAINT"LO 345, rue Saint-Martin, PARIS Téléphone : ARCHIVES 491 7