Cinéa (1921)

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Cinéa. Fondateurs : Louis DELLUC et A KOUM.wniT Cinéa. Envoyez lettres, mandats, abonnements b Lonis DEI.LI l< . D SPECTACLES \ Le sujet de Lorsqu'on aime (Gymnase), condamnait cette pièce à n'être supportable et, pour ainsi dire, réussie, qu'à la condition d'être manquée par un homme de grand talent. C'est André Pascal qui l'a manquée. Et l'audace de cet essai devient, sinon maladresse, assurément naïveté Les péripéties se succèdent sans raison, sans excuses. Les personnages emploient cette langue, non: ce parler, qui sonnait juste dans le Caducée; mais ici ce n'est plus d'un meuble à vendre, d'une piqûre à administrer qu'il s'agit; et, en fait de mots de l'âme, nulle vétusté platitude ne nous est épargnée. Or, comme ça se passe dans le grand monde (?) et que ce sont des duchesses et des généraux qui émettent cette littérature, on dirait de fols qui se feraient annoncer pour monter dans le métro. M iraele.qu'Arquillière émeuve, que Jeanne Provost charme, Germaine Gallois, Rolla-Norman ont de l'éclat, mais point de naturel. Et Môssieu André Calmettes, avec vingt défauts de plus que M. Raphaël Dutlos, enseigne sans une défaillance la façon de jouer la comédie comme on n'a pas le droit de le faire. • La Couronne de carton, en s'installant au Nouveau-Théâtre semble n'avoir rien voulu conserver, ou le moins possible, de la mise en scène de Lugné-Poe. Je crois que c'est dommage. Je crois que l'atmosphère, à l'Œuvre, était exceptionnellement dépouillée, cristalline. Mais cette pièce prétentieuse reste adorable. Plus neuve, plus concise et plus gonflée que le Pêcheur d'Ombres, plus poétique, la Couronne reste une merveilleuse volupté de l'esprit, quand le Pêcheur ne l'est que du sentiment Quelle humanité ici, brillante, frissonnante, trépidante î • VéraSergine, dans L'Aiglon (SarahBernhardt) est délicieuse, aux moments de simplicitéet de gaminerie, admirable, à ceux d'inquiétude et de douleur, mais dans l'acte de Wagram elle manque peut-être d'abondance; Jacques Grétillat habille de la plus goguenarde rondeur cet impardonnable grognard d'opérette; et tous les autres personnages paraissent falots et sans grandeur dans cette œuvre où presque tout n'est qu'éloquence. Et puis, n'est-ce pas, c'est trop célèbre : on attend chaque scène, et, sitôt jouée, on pense d'elle : tiens I c'était un sketch... Raymond Payelle. LES PAGES DE MA VIE par Fedor Chaliapine On baissa le rideau et moi je continuais à rester immobile, comme si j'étais en pierre, jusqu'à ce que le metteur en scène, tout blanc de colère, commence à me distribuer des gifles en arrachant de mon corps le costume du gendarme. Tel que j'étais à moitié nu, on me chassa dehors dans le jardin et quelques instants après on me jeta mes vêtements par la fenêtre. Dans un coin perdu du jardin, je me rhabillai machinalement. Puis je m'en allai. Je pleurais. Je me retrouvai après chez Kamensky, je ne sais comment. J'y suis resté deux jours dans une cave ayant peur de sortir dans la rue. Il me paraissait que tout le monde, la ville entière, même les vieilles ménagères qui étaient en train d'étaler leur linge dans la cour, tous enfin, étaient au courant de ma triste aventure. Enfin, je me suis décidé de rentrer à domicile et ce n'est qu'alors, chemin faisant que je me rappelais soudainement que cela faisait déjà trois jours que je n'étais pas allé à mon bureau. Ma mère me demanda d'où je venais. Je répondis par un vague mensonge quelconque. Elle hoche tristement la tête et me dit : Sûrement on va te chasser de l'Ouprava. On est déjà venu demander deux fois pourquoi tu ne te montre pas. Le lendemain je me présentai quand même au bureau et je demandai au stepan, le gardien, ce que l'on allait faire de moi. — Mais ta place est déjà prise par un autre, mon petit, répondit celui-ci. Je restai quelques instants immobile, puis je rentrai lentement chez moi. Dans ma famille, les affaires n'allaient pas du tout : mon père buvait de plus en plus. Chaque jour il rentrait ivre-mort. Ma mère s'épuisait aux lourds travaux de ménage en ville Je continuai de chanter dans le chœur de l'église, mais cela ne rapportait pas beaucoup et puis ma voix, avec l'âge, avait perdu son timbre enfantin, sans avoir acquis encore la gravité d'une voix d'homme. On m'avait suggéré l'idée de faire une demande au greffe du Tribunal Civil pour obtenir une place de scribe. Contrairement à toutes mes prévisions je fus nommé commis aux écritures et me voici de nouveau dans une pièce étroite, toute remplie de fumée de cigarettes, en train de recopier les arrêts du Tribunal. Ici les fonctionnaires n'étaient pas en veston ou en redingote comme à l'Ouprava, mais en uniforme aux multiples boutons dorés. Tout autour avait l'air très distingué, sévère et grave, j'en ressentais un grand respect pour toutes ces choses solennelles et importantes, mais au fond de mon cœur j'avais le pressentiment que je ne resterai pas longtemps dans ce temple de Thémis. Ici pour la première fois dans ma vie, je goûtai le plaisir de boire du café, un breuvage complètement inconnu pour moi jusqu'alors. On se le procurait chez les gardiens au prix de cinq kopeks la tasse. Comme je ne touchais que quinze roubles par mois je ne pouvais me payer ce luxe tous les jours. Mais je m'arrangeai pour travailler des heures supplémentaires en remplacement de nus camarades, ce qui me rapportait cinquante kopeks de plus pour chaque séance et ainsi je pus bientôt boire presque autant de café que le chef de bureau en personne. Ce chef était un personnage très important. Il avait l'air très bien avec ses cheveux gris, sa moustache fine et une petite barbiche, toujours soigneusement taillée. Il avait une voix magnifique, sonore, une vraie voix de théâtre et c'était un vrai plaisir de l'entendre prononcer les paroles même les plus insignifiantes. Je parle de lui avec autant de détails, car jusqu'à ce jour je n'ai pu comprendre comment cet homme aux manières si distinguées put me mettre à la porte si grossièrement. Comme je n'arrivais pas à recopier tout ce qu'on me confiait pendant les heures de présence au bureau, j'emportais le reste à mon domicile pour y achever ma tâche. (A suivre) L. Valter, trad.