Cinéa (1922)

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14 cinéa bourg, auquel il a suggéré lidée de me loue* .son théâtre pour deux soirées par mois, en m 'abandonnant la scène deux ou trois jours pour les répétitions générales, moyennant un loyer assez mince, et surtout un pourcentage sur les abonnements. 10 septembre 1888. — M. Georges de Porto-Riche a lu hier aux artistes sa comédie en un acte, que nous jouerons bientôt. Ça s'appellera Marié. Je trouve le titre un peu vaudeville, mais M. de Porto-Riche pense à un autre: La Chanee de Françoise. 10 mai i889. — Concourt m'a fait l'autre jour le grand honneur de m'inviter officiellement à ses dimanches du Grenier ; cependant, j'ai décliné son invitation, et comme il me pousse à lui dire pourquoi, je lui rappelle que l'année dernière, un soir, chez Daudet, on parlait de Porel devant moi, fort aimablement, mais avec l'espèce d'ironie voilée que je distingue toujours chez les auteurs s'occupant de leurs comédiens. Quelqu'un rappelait certaine soirée où Porel, assis au piano, leur avait longtemps parlé musique, chantonnant et jouant sous l'amusement discret de l'assemblée, et je dis à Goncourt que cette petite leçon n'a pas été perdue ; ce soir-là, je me suis juré de toujours rester à ma place, et que moi, on ne me ferait jamais asseoir « au piano ». Il y a en effet, chez les auteurs dramatiques, une sorte de franc-maçonnerie contre les directeurs et les comédiens; j'imagine une revanche inconsciente de la tyrannie souvent un peu lourde qu'ils subissent au cours des répétitions de leurs pièces. 20 novembre 1889. Ancey nous raconte ce soir qu'étant jeune homme il rima un sonnet à l'éloge de Delaunay. Le célèbre comédien lui répondit, le priant d'aller le voir, et l'éternel jeune premier lui dit : « Tenez, asseyez-vous là et commencez.» Ancey récite tant bien que mal ses vers, puis Delaunay se lève : « Oui, ce n'est pas mal, mais il y a les intonations », et il se met tranquillement à déclamer à son tour son propre éloge, avec un art consommé en lui demandant : « Quand vous présentez-vous au Conservatoire ? » 25 novembre 1889. — Ce soir, rue Blanche, nous avons la visite de deux nouveaux venus, Tristan Bernard et Pierre Véber, deux jeunes journalistes de beaucoup d'esprit qui crayonnent, chaque semaine, au Gil blas, une revue d'actualités illustrée par Jean Véber, Le Chasseur de chevelures, d'un brio étincelant. 14 janvier 1890. — Je vais demander son article à Jacques Saint-Cère, qui longtemps secrétaire de Paul Lindau, journaliste et directeur de théâtre là-bas, est l'homme le plus informé des choses d Allemagne. Saint-Cère me dit qu'il s'agit d'une pièce en trois actes sur l'hérédité, dont le titre serait en français : Les Revenants. L'auteur, Henrik Ibsen, un peu exilé de son pays (il habile Munich), est déjà considéré chez nos voisins comme l'un des plus grands dramaturges qui se soient révélés depuis longtemps. 30 mai 1890. — Nous avons joué Les Revenants hier soir. Je crois que l'effet a été profond chez quelquesuns ; pour la majorité de l'auditoire, l'ennui a succédé à l'étonnement ; cependant, aux dernières scènes, une angoisse véritable étreignit la salle. Je n'en puis parler que par ouï-dire, car, pour mon compte, j'ai subi un phénomène encore inconnu, la perte à peu près complète de ma personnalité ; à partir du second acte, je ne me souviens de rien, ni du public, ni de l'effet du spectacle, et le rideau tombé je me suis retrouvé grelottant, énervé, et incapable de me ressaisir pendant un bout de temps. 2 juin 1890. — Je me préoccupe tout de suite, après le retentissement, décidément considérable, des Revenants, malgré l'incompréhension du public et les plaisanteries hostiles de Sarcey, de frapper un second coup avec une autre œuvre d'Ibsen. J'ai entre les mains le Canard sauvage que Lindenlaub, un rédacteur du Temps, et Armand Ephraïm m'ont apporté ; cela me paraît révéler une autre face du génie du maître : à la grandeur pathétique des Revenants s'ajoute une vie pittoresque, une étrangeté particulière Nous aurons, avec Grand et la petite Meuris, deux interprètes uniques pour les personnages de Gregers et d'Hedwige. 24 janvier 1891. — Le Théâtre-Libre a eu tantôt encore les honneurs de la tribune à la Chambre, avecla question « Elisa ». Le député de la Seine, Millerand, prenait la défense intelligente et énergique de l'œuvre d'Ajalbert, disant qu'il avait assisté chez nous à la répétition générale, et qu'il ne s'y était produit aucune manifestation; qu'on aurait pu admettre, pour des représentations publiques, la demande de quelques modifications du dialogue des filles au premier acte, mais que la censure ne les a pas même exigées, et que le motif de l'interdiction est simplement libellé : contexture générale. Et comme l'orateur donne lecture de quelques fragments, il se déclare chez nos vertueux parlementaires un accès de pudeur comique. Après avoir cité Sarcey, Faguet, Jules Lemaître, La Pommeraye. Eel1 mond Lepelletier, Henri Fouquier.j qui, dans leurs comptes rendus plus ou moins élogieux, n'ont même pas songé à soulever la question eie bienséance, Millerand affirme que l'œuvre loin d'être immorale, est un généreux cri de pitié, un acte d'accusation contre la société que Ion peut estimer violent, mais d'une portée supérieure. 30 juillet 1891. L'affluence des I manuscrits est telle que je n'en ai pas I loin de cinq cents entassés élans ma I petite chambre du fortin de Camaret. I J'ai attaqué le tas et, hier soir, comme I je travaillais assez avant dans la | nuit, je suis tombé sur .rois actes, l'Envers d'une sainte, el'un M. Charles Watterneau, qui m'ont elonné un coup ele fièvre et empêché de dormir le reste de la nuit J'ai écrit à ce monsieur pour lui dire mon impression et que, bien entendu, sa pièce él retenue pour l'année prochaine. 2 août 1891. — J'ai décidément de la chance cette année. Voici un nouveau manuscrit, l'Amour brode, d'un M. de Weindel, qui me donne son adresse à Vienne (Autriche), une o vre remarquable, une espèce de Jeu de l'amour et du hasard, mordant et tragique, annonçant un vrai auteur elramatique. Camaret, .', août 1891. — A l'instant où j'achevais une lettre pour l'auteur de l'Amour brode, lui elemandant s'il avait autre chose à me faire lire, m'en arrive une de M. François de Curel, 83, rue de Grenelle, à Paris, ironique et joyeuse, qui m'annot que, puisque je désire lire autre chose, j'ai en ce moment chez moi trois manuscrits de lui, signés de noms différents et que le troisième s'appelle la Figurante. J'ai justement lu cette pièce hier soir, elle m'avait parue fort remarquable;sans m'offusquer du stratagème, je lui réponds que, bien entendu, je jouerai l'hiver prochain, pour commencer celle de ses trois œuvres qu'il choisira, mais qu'à mon avis l'Envers d'une sainte me paraît la plus importante et la plus sûre pour des débuts éclatants au Théâtre-Libre. 13 janvier 1893. — Strindberg.pour sa tragédie de Mademoiselle Julie que nous allons jouer, avait écrit une assez longue préface pleine de choses curieuses ; il m'a paru utile ele la faire imprimer et distribuer à nos spectateurs. Ce sont d'intéressantes suggestions sur les décors plantés de biais, la suppression ele la rampe, les éclairages du haut, évidemment d'influence allemande et que depuis longtemps j 'avais recueillies à l'étranger. André Antoine