Cinéa (1923)

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cinéa Ciné a chez Eve Francis sg^^oOî) C'est entre deux actes de Terre Inhumaine, qu'Eve Francis me reçoit. Dans sa loge, tendue de violet, règne une douce atmosphère, moite et pénétrante, créée sans doute par les fleurs écarlates qui, en gerbes, ornent une tablette. Peu de bruit; peu de monde. C'est dans la plus grande simplicité qu'elle m'admet et me parle. Tout de suite on parle cinéma. Et, d'un tout petit effort, elle fait la transition. Elle veut bien oublier quelques minutes le grondement des coulisses et des applaudissements pour se plonger dans ses souvenirs. En effet, elle n'a gardé de sa carrière cinématographique que des plaisirs précis, vifs, agréables. Elle veut bien se rappeler Fièvre, qui la tint pendant trois semaines dans ce labeur personnel qu'exige un rôle de composition. Tous et toutes vécurent et eurent, en artistes passionnés cette fièvre que leur inocula l'animateur Louis Delluc. Elle en conserve une impression tenace, un peu comme une eau-forte que l'on a trop regardée, et elle s'y voit, s'y juge, s'y reconnaît. Puis, ce fut El Dorado et l'enchantement de l'Andalousie. Le rôle que lui confia Marcel L'Herbier l'enthousiasma. Elle s'amusa à être, elle, femme du Nord, une de ces brûlantes Espagnoles, aux châles si vivement colorés. Elle le prit tout entier, ce rôle, d'une seule brassée et se l'adapta. Elle ne refusa rien à sa nature, et fut tour à tour la danseuse, la mère, la folle, la sacrifiée; elle fit claquer au-dessus de sa tête les castagnettes de buis, naturellement, comme ayant fait cela toute sa vie. Intuitive, enfin, et compréhensive, elle fut l'océan agité entre le flux et le reflux qu'y créa Marcel L'Herbier. Par la suite, elle devint cette Femme de Nulle part que nous savons être d'un peu partout. Elle fut la femme usée, vieillie avant l'âge, lasse d'amour, le phare expérimenté qui prévint le naufrage de vingt jeunes années. Dans ce soliloque d'une âme nul à-côté; c'est, me dit-elle, directement qu'elle a frappé en elle sur la corde sensible. La voix grise un moment, s'est tue et repart maintenant plus chaude et sonore. Le théâtre l'appelle. Après les beaux combats qu'elle engagea et les belles victoires remportées avec l'Homme à la Rose, L'Annonce à Marie, Rosmersholm, à l'Œuvre, et Natchalo aux Arts. Mais le deuxième acte de Terre Inhumaine la réclame. Elle s'empresse. Elle est aujourd'hui théâtre, demain elle sera cinéma. Elle frappe ainsi d'une main souple aux deux portes, et avec la même sûreté. L'aumône d'art qu'elle en retire est du même bonheur et il se peut qu'aprèsdemain des projets se réalisent.. . Le deuxième acte est commencé. Jaque Christian y. EVE FRANCIS dans La Fête Espagnole.