Cinéa (1923)

Record Details:

Something wrong or inaccurate about this page? Let us Know!

Thanks for helping us continually improve the quality of the Lantern search engine for all of our users! We have millions of scanned pages, so user reports are incredibly helpful for us to identify places where we can improve and update the metadata.

Please describe the issue below, and click "Submit" to send your comments to our team! If you'd prefer, you can also send us an email to mhdl@commarts.wisc.edu with your comments.




We use Optical Character Recognition (OCR) during our scanning and processing workflow to make the content of each page searchable. You can view the automatically generated text below as well as copy and paste individual pieces of text to quote in your own work.

Text recognition is never 100% accurate. Many parts of the scanned page may not be reflected in the OCR text output, including: images, page layout, certain fonts or handwriting.

cinéa 23 DON JUAN et FAUST de Marcel L'Herbier Il est donné à tons, aujourd'hui, d'applaudir en secret une des plus belles œuvres du Cinéma Français. Rarement avions-nous si vivement ressenti, le poids douloureux de ce silence obligatoire, protocolaire, qui suit la représentation en public de nos films. Pourtant Marcel L'Herbier, avec Don Juan et Faust venait d'atteindre un sommet. Qu'il nous soit permis, d'attirer l'attention de nos lecteurs sur l'intérêt et l'excellence du sujet. Trop de films, étrangers ou français, même des meilleurs, se sont chargés d'exalter la stupidité du scénario. « Ce n'est jamais que du cinéma » pensait le public complaisant. Et celui-ci conservait à juste titre une préférence muette, polie, pour les soirées de théâtre ou de bonne lecture. Un équilibre néfaste régnait dans son esprit : Don Juan, va le détruire. Du souvenir éclairé des vieux textes, Marcel L'Herbier a sorti de la vie. D'images légendaires, il a fait jaillir de la passion frémissante. C'est là, croyons-nous, son plus noble effort intellectuel. Que des person Le dernier festin de Don Juan nages tels que' Don Juan et le Docteur Faust puissent agir sous nos yeux avec une logique sentimentale aussi frappanteque celle de nos héros modernes les plus insignifiants, n'estce pas un remarquable et probant résultat? Il était permis de craindre que l'Ecran ne fut pas assez large pour eux, maisils l'ontagrandi d'euxmêmes, sous la poussée géniale de l'auteur, ils l'ont mis à leurs dimensions, qui sont celles de l'art et de la pensée. Une impression d'unité solide se dégage de ce chef-d'œuvre qu'on ne pourrait tronquer et qu'il faut voir en commençant par le début. Il faut s'être attardé, pendant une lente et délicieuse première époque, à contempler l'adolescence de Don Juan, sa grâce juvénile, sa maladresse déjà passionnée, avant d'attaquer la seconde, rapide et tourmentée. L'appa» rition du masque de Jaque Catelain, après que les ans ont passé, est un accord de douleur, pareil à ceux par lesquels éclatent les allégros symphoniques. Jamais deux rythmes visuels n'ont été plus admirablement opposés, l'un dans sa grâce délicate, l'autre dans sa vigueur désespérée. Don Juan et Faust est riche d'enseignements philosophiques . Ce n'est pas seulement l'œuvre d'un artiste, c'est aussi et surtout celle d'un penseur. Une minute d'amour, un regard d'enfant pur, un parfum, un sourire ont suffi à déterminer une existence entière. Rien n'est plus profond ni plus vrai. La vie est l'œuvre d'un instant. Rien n'est si cet instant n'a pas fécondé l'âme Dans le cœurvierge de Don Juan l'amour avait tout envahi. Frappé par la première douleur, tout cet amour, détourné de son but véritable, devient un fleuve de désir, un torrent de débauche. Entraîné par ce flot sorti de lui-même, Don Juan ne s'appartient plus et, à l'heure suprême où l'image véritable de l'aimée lui apparaît, il ne peut plus la reconnaître. Ce n'est que régénéré, purifié à nouveau par le remords et l'abnégation qu'il se retrouvera et la reconnaîtra. Logique, implacable, cruelle et puissante, cette pensée profonde n'est plus une simple esthétique : c'est de la bonne psychologie. Jean Tedesco.