Cinéa (1923)

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cinea L'Accompagnement Musical au Cinéma Le rôle que doit jouer l'accompagnement d'un chant est multiple; il peut servir : 1° A soutenir le chant, soit note pour note lorsque le morceau est écrit pour un chanteur inexpert, soit en donnant simplement des indications générales de rythme et de tonalité (Dans une musique comme celle de Schœnberg , par exemple, ce rôle n'existe d'ailleurs plus); 2° A créer une atmosphère ; 3° A dire ce que le chant ne dit pas. Le problème de l'accompagnement d'une danse se déplace un peu. 1° Il doit soutenir le geste en indiquant le rythme ; à noter qu'à ce point de vue la danse est restée très asservie à la musique très en arrière du chant; on pourrait, non pas renoncer délibérément à danser en mesure, mais ne laisser subsister entre musique et danse qu'un rapport de mouvement général, ne point faire doubler le rythme de la danse par celui de la musique, les contrepointer simplement entre eux; 2° De même que pour le chant, plus encore, la partition crée l'atmosphère d'une danse; 3° Rarement, trop rarement, elle exprime ce que le geste n'exprime pas. Passons maintenant au cinéma; les trois objets de l'accompagnement se retrouvent plus ou moins marqués. 1° En ce qui touche le rythme, il ne saurait être question de créer une correspondance stricte entre une action forcément irrégulière, dont les temps forts sont séparés par des intervalles inégaux, et un morceau de musique. En général, on ne recherche cette correspondance que dans les parties du film où l'image est déjà animée d'un rythme régulier (scènes de danse, défilé de soldats). Encore se heurte-t-on à des difficultés lorsqu'il y a des coupures, alternances d'un passage de rythme régulier à un autre de rythme lâche ; comment retomber juste sur les temps forts? Certes je ne méconnais pas tout ce que représente d'ingéniosité le visiophone, l'intérêt que peut présenter, dans certains cas, l'établissement d'une correspondance exacte. Mais je n'en sens pas la nécessité et j'estime très suffisant que la musique s'attache à représenter l'atmosphère de la scène; 2<> Cet objet, à mon sentiment capital, peut être conçu de diverses manières, selon qu'on s'attache à l'atmosphère générale de l'action ou à l'atmosphère particulière de chaque passage. Le dernier parti me paraît dangereux. La possibilité de changer de décor à tout moment, d'entrelacer à l'infini les actions concomitantes aboutit parfois à un morcellement fatigant de visions ; faut-il transporter ce morcellement dans la musique? Tout au contraire, il semble que l'accompagnement musical puisse se charger d'établir l'unité, constituer un fond dont le déroulement continu — tandis que l'image saute du présent au passé, du Klondyke à la Floride, des salons misérables aux taudis somptueux (ou le contraire) — nous rappelle la donnée directrice de l'œuvre. Prenons un exemple : chacun se souvient d'El Dorado; comment concevoir l'accompagnement musical des scènes où Sibilia danse, tandis que son enfant est malade? A quoi servirait-il que la musique nous répétât ce que nous dit l'image, que tantôt nous sommes dans une maison de danses, tantôt auprès d'un lit de souffrance? Plus subtil serait le parti selon lequel l'accompagnement, contrariant l'action, rappellerait à chaque tableau la contre-partie, l'envers du drame; mais ne vaudrait-il pas mieux attribuer à la musique un rôle plus général, lui demander non point d'accentuer les sutures; mais de les effacer, inviter le musicien à évoquer, par les moyens propres à son art, une atmosphère adéquate à la situation d'ensemble (de doubles thèmes analogues ont souvent été traités en musique; est-il utile de rappeler le bal des Capulet, dans le Roméo et Juliette, de Berlioz; et, de Bach la cantate : Vous verserez des larmes et le monde sera dans la joie? Ajoutons que le parti d'accompagnement général, sans recherche de coïncidence exacte entre les mouvements de la musique et de l'image, facilite l'utilisation de la musique existante seule ressource possible dans la plupart des cas. Mais il faut l'utiliser telle qu'elle est écrite, ne point amputer les morceaux de leur tête et de leur queue, pour faciliter les raccords et ne point imiter ces chefs d'orchestre effrayants qui, dans un allegro de Beethoven ou de Franck, entrelardent une sonnerie de trompette ou un roulement de tambour qu'ils estiment commandés par la situation! 3° Par contre, le parti non encore essayé qui consisterait à employer l'accompagnement pour révéler ce que peut dire l'image ne sera possible que lorsqu'il existera des accompagnements spéciaux, des classiques de l'écran et un public parfaitement averti. Moyennant ces conditions, il deviendrait inutile, par exemple, d'interrompre le mouvement d'une scène pour y introduire un rappel; un thème musical — d'autant mieux saisi qu'il se détachera d'un accompagnement volontairement effacé et cherchant à envelopper, à encadrer, plutôt qu'à exprimer directement — y parviendra parfaitement. Et l'on pourra se dispenser de nombre de sous titres, ne plus cisailler l'image pour y introduire de vilains textes, utiles mais déplaisants, lorsque la musique se chargera de nous révéler l'intérieur des êtres — le bouillonnement contenu d'un homme physiquement immobile — l'indifférence profonde de quelqu'un qui manifeste avec véhémence. Tout ceci est prématuré; nos enfants nous considéreront comme des enfants de n'y avoir point songé. Lionel Landry.