La Revue du cinéma (1928 - 1929)

Record Details:

Something wrong or inaccurate about this page? Let us Know!

Thanks for helping us continually improve the quality of the Lantern search engine for all of our users! We have millions of scanned pages, so user reports are incredibly helpful for us to identify places where we can improve and update the metadata.

Please describe the issue below, and click "Submit" to send your comments to our team! If you'd prefer, you can also send us an email to mhdl@commarts.wisc.edu with your comments.




We use Optical Character Recognition (OCR) during our scanning and processing workflow to make the content of each page searchable. You can view the automatically generated text below as well as copy and paste individual pieces of text to quote in your own work.

Text recognition is never 100% accurate. Many parts of the scanned page may not be reflected in the OCR text output, including: images, page layout, certain fonts or handwriting.

DU CINEMA se voir sur l'ecran. Vous vous decouvrez alors en hberte, ll ne vous est plus possible de rien redresser, de rien cornger ; ces qualites farouches qui vous interessent si peu la s'etalent, et disparait tout ce que vous croyiez mettre en relief avec talent. Alois on nt, on crie, on fond en larmes. Vous avez ete mis a une epreuve terrible. Apprenez maintenant a marcher, a ne pas grimacer, a ne pas vous trahir, a vous tenir enfin : votre bonheur est perdu, jusqu'a ce que vous puissiez de nouveau agir sans vous surveiller. All ! elle devait joliment avoir confiance en sa beaute, la jeune fille de tout a l'lieure, en etre sure, si elle n'a pas commence par noyer lc travail de son frere pendant qu'il dormait. Oui. Vous pouvez admirer sans discretion, sans prudence jalouse, ces fees presque palpables, ces dieux dechaines avec qui vous entretenez tout de suite et encore logtemps apres, des amities secretes. Et comme l'enchanteur qui les a eus sous sa baguette peut etre heureux, un peu fier n'est-ce pas ? et peut-etre venge, quand il sent que ce qu'il a fait va aller troubler des millions d'etres. La puissance du cinema est immense; mais nous rions dans notre coin en songeant a ce que deviendrait 1'humanite si elle savait se servir de ses yeux et si du jour au lendemain, le Cinema n'etait plus harcele, empnsonne. Car les forts le diminuent seulement par raison, par elegance ; les faibles par defaillance, par contrainte, par misere. Nous laissons les cretins, les impuissants dans leur sotte tranquillite, leur lamentable tourment. Mais il y a la toute une autre question dont nous ne parlerons qu'une autre fois. Si le cinema a amene chez des ames primitives ou troubles les egarements les plus extravagants, il provoque plus frequemment chez ses victimes une exaltation inoffensive ou une intoxication et des manies peu graves (I). Mais tout le monde salt ca. Je ne m'etendrai pas non plus aujourd'hui sur la bienfaisante influence que le cinema americain a eu sur les femmes en les rendant exigeantes pour leur beaute et leur sante physiques, en les incitant a les cultiver et a les parfane, — pour pouvoir finalement en etre fieres. Le moment n'est pas venu encore de parler des signes que le cinema a inventes et invente sans cesse. Signes tous les jours renouveles, abandonnes, signes maladroits, signes fugitifs qui ont pourtant passe l'ecran pour aller chez les homines enrichir ou remplacer bien des paroles de reconnaissance ou de comphcite. Ce que je saisis avec plus de complaisance chez autrui, ce sont les petites tranformations soigneusement cultivees et mesurees qui parfois meme sont, on sont devenues, inconscientes; — des tics legers, des scrupules nouveaux, des souhaits confus qui se laissent a peine soupconner dans une attitude, sur un visage, dans un appel retenu. Mais ces choses echappent rarement a quelqu'un (|ui, en jeune age, une belle apres-midi, s'abandonna corps et ame aux effets surnaturels du rectangle magique. Le devel ment de ma vie a ete, depuis ce moment, presque conpletement bouleverse, — a tel point que je ne puis plus me rappeler maintenant ce que j'aurais du devenir sans cette transfiguration. On n'excusera peut-etre ces details que si j'en donne d'autres sur mon education. Je vais alors vous dire que c'esl dans les salles obscures que je me suis laisse tout montrer, tout traduire, tout reveler. J'y ai eu parfois d'intenses ses, provoquees par les images les plus diverses. J'ai surtout ete soul de vie, de toutes les vies qui passaient devant moi, de tous les personnages que je ne serai jamais. J'ai aussi etc irresistiblement grise par d'inexplicables suites d'images d'une atmosphere flattant confusement ma non moins confuse sensibilite; meme par un simple geste qui avait pu etre accompli spontanement, en toute liberte. C'est au cinema que j'ai appris la merveilleuse facilite des choses, des actions les plus insolites. C'est au cinema que j'ai forme l'inutile severite que j'ai maintenant pour mes differents desirs, que j'ai etudie quelle valeur un acte devrait atteindre pour valoir la peine d'etre accompli. Les films m'ont egalement enseigne a dejouer les dangereux effets d'une porte qui s'ouvre trop facilement, d'une parole imprudente, d'un geste indicateur, d'un besoin intrepide de se meler de ce qu'on ne faisait que regarder. J'abandonne mes experiences (?) personnelles. Avez-vous pense a ce que toute une salle ressent qu nd une Greta Garbo, une Clara Bow, un John Gilbert, un George O'Brien (par exemple) prend tout a coup possession de l'ecran? a toutes les ondes d'amour, de jalousie, de regrets, de haine, de pitie, de renonciation, de complaisance qui cnculent aussitot et se melangent parmi les spectateurs? Oh! j'aurais honte de continuer plus longtemps a, non pas expliquer, m meme devoiler, mais essayer de declancher chez quelques personnes une attention precise sur les mysterieux effets des films sur les etres. C'est l'imposante confusion qui se degage de cet enchantement que j'admire par dessus tout. II ne faut surtout pas meler le cinema a la vie. Conservons le monde qui apparait sur l'ecran comme un ciel qu'on pourrait peut-etre bien gagner — le plus tard possible, pour ne pas risquer de le perdre. (I) Voir a la fin de ce numero un document assez caracteristique. (a suivre) JEAN GEORGE AURIOL.