Cinéa (1921)

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cinen 19 Les Pages de ma Vie par Fédor Chaliapine ^ : Quand même, durant l'absence de mes parents je réussissais à démonter le châssis de la fenêtre et tous les trois nous commençâmes à errer à travers les rues de la ville, sans oublier de rentrer à l'heure voulue, au logis. Alors le châssis de la fenêtre était replacé au même endroit et tout se passait très bien. Le soir lorsque les feux étaient éteints cette chambre close me faisait peur énormément. Les sombres histoires de Kyrillowna, la meunière me revenaient à la mémoire et je Iremblais littéralement d'angoisse. Malgré la chaleur étouffante qui régnait à l'intérieur, nous nous enfonçâmes sous la couverture et ainsi, silencieux, sans bouger, tremblants de peur, nous restions immobiles pendant des heures entières. S'il arrivait à quelqu'un parmi nous de tousser ou de respirer fortement, il était immédiatement rappelé à l'ordre par les autres. — Chut!... Ne bouge pas!... Silence!... Et c'était pour nous une joie sans pareille d'entendre enfin les pas de maman et sentir ses mains ouvrir la poi te d'un geste calme et précis. Cette porte donnait dans un couloir mi-obscur qui faisait partie de l'escalier de service de l'appartement d'une générale. Un jour, m'ayant rencontré dans le couloir, la générale m'arrêta et se mit à me parler avec beaucoup de bienveillance. Ensuite elle me demanda si je savais lire. — Non. — Eh bien, viens me voir. Mon fds t'apprendra à lire. Je me présentai chez elle et son fils. un collégien de seize ans, immédiatement, comme s'il eut attendu cette occasion depuis longtemps, se mit à m'apprendre à lire. J'appris à lire assez rapidement, ce qui causa un grand plaisir à la générale, et bientôt elle prit l'habitude de me garder chez elle et de me faire lire à haute voix pour elle. Mais c'est alors que quelque chose d'inexplicable se produisit : après avoir achevé la lecture d'une page il fallait aborder la suivante et je n'arrivais pas à comprendre si c'était en avant ou en arrière qu'il fallait la retourner. Je ne sais comment cela se faisait, mais toujours après avoir feuilleté les quelques pages en des directions opposées je tombais juste sur la page que je venais de lire. La générale m'expliqua longuement et d'une façon très compliquée comment il fallait retourner les pages. Je répondis que j'avais parfaitement compris tout, mais je ne sais comment il m'arriva encore cette fois-ci de me tromper et d'avoir devant moi de nouveau la page lue précédemment. Alors la générale se fâcha et me traita d'imbécile. Mais même ce moyen énergique ne put aider, et arrivé à la dernière ligne de la page j'hésitai quand même ne sachant au juste comment la retourner. Je finis par fondre en larmes et je crois n'avoir jamais pleuré aussi sincèrement. Ces larmes ont probablement ému la générale car elle me dit : — Cela suffit. Assez de lecture !... Dès ce jour je cessai mes visites chez elle. Peu de temps après je trouvais quelque part le livre des aventures du prince Bora et j'y appris avec une grande stupéfaction que Bora réussit à mettre en fuite toute une armée de cent mille hommes rien qu'avec un simple balai. — Ça, c'est un vrai héros! pensaije, si j'avais pu faire la même chose aussi!... Tout plein d'ardeur et animé par le désir de réaliser des exploits inouis, je sortais dans la cour et commençais à poursuivre les poules de nos voisins qui me battaient copieusement en récompense. Je prenais beaucoup de plaisir à la lecture; je lisais chaque bout de papier qui tombait sous mes yeux. Une fois je trouvais un billet rédigé ainsi : « ... Prière pour la bonne santé de Jeraxa, Ivan, Eudoxie, Fédor, Nicolas, Eudoxie... » Ivan et Eudoxie, c'étaient mon père et ma mère, Fédor, c'est moi, Nicolas et Eudoxie, mon frère et ma sœur. Mais qu'est-ce que c'est que ça, Jeraxa? Ce nom inconnu me paraissait mystérieux et celui qui le portait devait être ou un sorcier ou un bandit légendaire. A la fin je me décidai de demander à mon père : — Papa, qu'est-ce qu'est Jeraxa? Mon père me répondit brièvement: Je travaillais au village jusqu'à l'âge de 18 ans. Puis je partis en ville. Là je fis tout : porteur d'eau, balayeur, dwornik jusqu'à ce que le pristane (1) Tehirikoff m'embaucha comme ouvrier. (A .suivre) L. Vai.tkk, trad. ( 1 1 Officier de police dans, la Russie de l'ancien ré