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CHEZ
». W. GRI FFITH
Par GERMAINE VULAC
Au moment où le succès du Lys brisé du Pauvre amour et rfu Roman de la Vallée Heureuse montre la maîtrise d'exécution du cinéma américain,on lira avec intérêt cespages écrites par Mme Germaine Dulac, le metteur en scène de La Cigarette, Malencontre, etc., revenue récemment de New-York où elle visita le studio de D. W. Grif/ith, créateur d'Intolérance et du Lys brisé. L. D.
A NewYork, au cœur même de la ville, à quelques mètres de Broadway, dans le centre actif des grandes aflaires, à New-Jersay,de l'autre côté de l'Hudson, à Long-Island, par delà la rivière de l'Est où s'alignent les usines, dans les coins les plus vivants, les plus remuants de la cité géante, sont les studios où s'élabore et se réalise la pensée cinégraphique américaine. De vrais usines aussi ces studios, avec leur règlement de travail, leurs procédés de fabrication, leur outillage parfait de production intense, leur grouillement de travailleurs bien répartis. Une impression d'impersonnalité pour l'individu et de réussite pour l'œuvre. Un machinisme de la pensée merveilleux et moderne.
Les images mouvantes, afin d'atteindre leur grande perfection.demandent-elles donc le concours de plusieurs cerveaux réunis et divisés en rouages selon une discipline industrielle, et ne peuvent-elles servir, comme la sculpture, la peinture, la littérature et la musique, la pensée d'un unique artiste ?
Si New-York s'allonge, s'étend à l'infini, il est un point où les rues et les usines s'égrènent, où les maisons s'espacent au lieu de se serrer les unes contre les autres, où les rumeurs 8 apaisent, et où les grandes routes blanches bordées d'arbres conduisent vers d'autres lieux... Un mille, deux milles, trois milles, New-York disparaît. C'est la nature calme, méditative, avec de petits cottages dispersés qui invitent au repos. Pourtant, il existe un studio si l'on suit l'une de ces grandes routes blanches... Dix milles, vingt milles, trente milles sont franchis, longs espaces dénudés, parcs ombreux...
« Le studio de M. Griffith, s'il vous plait. »
11 faut quitter la route, prendre un
chemin qui s'enfonce dans la solitude, plus loin encore des passants. De l'eau... L'Hudson semble un lac immense. On ne voit plus l'autre rive. Une petite presqu'île. Le fleuve élargi en baie entoure la terre. Une grille. « Propriété privée. » — Une maison de campagne près de laquelle un hangar s'élève entouré de servitudes. Au bas du jardin, une jetée.
— Le studio de M. Griffith ?
— C'est ici.
En vain vous chercheriez la grande usine industrielle. Vous êtes dans la maison d'un artiste qui , dans le calme, échafaude son œuvre. — On entre —
CONSTANCE TALMADGE
dans le rôle de la Fille de la Montagne d'Intolérance
(Episode de Bahvlone)
le silence. — Pourtant des gens sont là. — Ils parlent à voix basse dans le recueillement de la pensée. — Les plafonds sont hauts. Une grande cheminée de bois évoque les heures où l'on se chauffe après la chasse, après la pêche. Et l'on est pris par une émotion semblable à celle qui devait autrefois étreindre les fidèles admis à pénétrer dans le home du grand homme de Bayreuth. Le génie de Griffith ne rayonne-t-il pas sur le cinématographe moderne, comme celui de Wagner, il y a peu de temps encore, sur la musique ?
— M. Griffith, s'il vous plait ?
— M. Griffith a dû partir pour Philadelphie î
Le maître de la maison est absent, mais sa présence occulte règne dans cette demeure qu'il vient de quitter.
— Voulez-vous voir le studio ?
Un petit couloir sombre. Etle grand
atelier. — Aucun bruit. — L'opérateur est auprès de son appareil. Dans un décor, solide comme les murs d'une salle habitable, qu'éclairent des lampes à arc réparties suivant une méthode personnelle, évolue une toute jeune femme. — Une ardeur surhumaine fait briller ses yeux. — On dirait qu'elle répète sous le regard du maître... Le maître, pourtant, est loin. — « Miss Carol Dempster, explique-t-on. C'est pour une étude de maquillage et de costume. » La recherche personnelle et constante. On s'attendait à l'atmosphère d'un studio, on trouve celle d'un atelier d'artiste.
Ici une maquette : le village en miniature de ll'ai/ Doivn East... Mais avec quel art une branche d'arbre en relève le factice, avec quelle étude les appareils électriques sont distribués pour atténuer ou rehausser le relief de carton. Ce n'est pas là un décor en réduction, c'est un effet travaillé, mûri, dont on reçoit une impression.
Miss Dempster a fini. Un jeune homme, un tout jeune homme aux grand yeux noirs a pris sa place. Sa bouche, son corps essaient d'interpréter par des traits aigus un caractère. Richard Barthelmess.en même temps que le maquillage, étudie une expression. Richard Barthelmess... le Chinois du Lys brisé, quelle foi est en lui I II ne parle pas, mais dans ses yeux qui vous fixent passe la flamme d'une activité morale intense. Il a toujours l'air de réfléchir.
Un regard alentour. Comme les masses de lumière sont ici tamisées, choisies .
Voici Ralph Graves qui se met à parler de Griffith avec admiration. — Qui donc disait que Griffith était absent. Griffith est présent. Ses artistes sont animés de sa pensée même. Ils en sont le prolongement vivant.
11 est tard. Les lampes du studio s'éteignent. On revient dans le hall à la grande cheminée.
« — Voulez-vous voir la salle où M. Griffith réunit ses artistes ? »
Une grande pièce carrée aux larges fenêtres. Au fond une table de bois, deux sièges. En face une rangée de chaises. C'est le temple du travail médité où Griffith, plusieurs semaines avant de descendre au studio pour réaliser son film, inculque sa volonté