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à ceux qui en .seront les interprètes. Volonté faite de l'orée et de persuasion, qui prend l'âme de l'acteur, la pétrit, la l'orme avant de la jeter vibrante dans l'œuvre. Ah î dans cette salle carrée, que nous sommes loin de l'usine I Le cinéma serait donc comme les autres arts, l'expression d'un artiste î
Une volonté, une réflexion, l'œuvre à l'aire, non pas,' le film à sortir coûte que coûte... L'œuvre qui doit mûrir... La préparation à longue échéance non pas la réalisation hâtive.
Griffith n'était pas là... On croyait l'avoir rencontré. Quand on le voit on le connaît déjà.
Une poignée demain cordiale. Des yeux qui semblent par habitude, en vous saluant, chercher ce que vous avez en vous de capacités ignorées et mystérieuses. Un grand homme, très grand, très mince, aux traits violemment accusés. Il va justement retrouver ses artistes dans la grande salle carrée. Carol Dempster, vive et nerveuse, Richard Barthelmess toujours renfermé dans son silence ardent, Ralph Graves, fort sportif et sain, s'apprêtent déjà vibrants à recevoir la parole qui va galvaniser ce qu'ils portent en eux d'énergie sensible, pourles conduire palpitants audelà même de leur force expressive.
Et commence l'échange des mots.
Il y a douze ans que Griffith débuta dans le cinéma. 11 était auteur dramatique. Un des premiers il comprit que l'art muet pouvait matérialiser certaines formes de sensations décrites mais non senties de la pensée, inaccessibles au théâtre, au roman, à la peinture, et il s'y consacra.
Dégager le cinéma des autres formes de l'art, lui révéler sa propre voie, sa propre grandeur, sa propre personnalité, tels furent l'effort et la réalisation de Griffith qui fut toujours un novateur et non un disciple. A lui nous devons la découverte des premiers plans qui isolent 1 expression. de ce jeu intérieur qui visualise par l'attitude, par l'opposition, letréfond de l'âme, si différent du jeu dramatique ; cette étude des images floues qui fondent, estompehteertainstraits; ces projections irisées ou dégradées en une même teinte qui encadrent l'écran ; les tentatives de taches colorées sur le noir de la photographie. Griffith est celui qui crée et que l'on suit. Le cinéma lui doit toute la force de la technique actuelle.
« — Estimez-vous que le directeur
de films doit être le seul auteur de
l'œuvre ? »
Griffith sourit : « — J'achète une idée, mais je la transforme, je la découpe moi-même. »
Et Griffith n'ajoute pas que d'une pâle nouvelle, que d'une pièce stricte dans ses mots et son armature dramatique, il amplifie l'idée, pour la recréer en une vie nouvelle riche de réalisme de prolongements et de symboles.Oui toute œuvre qnivâudra au
fa
v^ir?
ALFRED PAGET (Balthazar)
et SEENA OWEN (La Princesse)
dans Intolérance.
cinéma par la sensibilité et la force doitémaner d'une seule volonté. L'évidence en est claire. A un peintre on n'imposera pas un sujet dont un artisan esquissera préalablement les traits, pour ne lui laisser que la coloration des formes dessinées. Son tableau entier doit résulter d'un choc de sa sensibilité. En industrie un procédé de division est applicable même nécessaire, mais non en art ! Il était naturel que Griffith qui est un grand artiste, doué d'une émotivité profonde, s'évada des coutumes générales et prouva que la grande œuvre cinématographique est individuelle comme toutes le» œuvres belles. Et Griffith parle de ses films. Né en
cinea
1880 à La Grange (Lentucky), il débuta en lî)08 par Les Aventures de Dolly. En douze ans il fit plus de quatre cents films («Les uns mauvais » ajout et-il avec bonhomie) et dont les plus beaux furent La Naissance d'une Xation. Intolérance. Le Lys brisé et Way doivn east.
Une même idée philosophique semble le dominer: celle du progrès de l'évolution humaine, toujours retardée par les forces brutales de la réaction. C'est le thème d'Intolérance et sur une variante celui du Li/s brisé. Le Chinois et la pauvre petite girl des bas-fonds de Londres sont frères, bien que de races différentes, par l'égalité de leur évolution spirituelle. Mais toutes les puissances de l'obscurantisme fort de leurs droits de tradition représentés par le Boxeur se dressent contre leur union pour l'anéantir, comme Cyrus le Barbare détruit Babylone la Civilisée, dans Intolérance.
... Et Griffith parle de la musique, de la musique qui guide la mesure des images à l'écran. Il sait toujours en mettant en scène le chant des instruments qui correspondra à l'action qu'il règle. Aussi n'est-on pas étonné, quelques instants plus tard, quand on visite les grandes salles de projection de travail, de trouver la place de l'orchestre, et devoir un piano et des pupitres de musiciens. Musique de l'esprit, musique de l'œil ; le cinéma doit être un rythme, sans dissonance. Aussi Griffith veut-il imposer aux cinémas du monde entier qui prendront ses films les compositions harmoniques qui doivent les accompagner.
Miss Carol Dempster, Richard Barthelmess, Ralph Graves s'impatientent dans la grande salle carrée . C'est l'heure du travail. Et Griffith va vers eux.
Tandis que, dans la brume, s'estompent la grande maison de campagne solitaire, le hangar élevé, les laboratoires perfectionnés, alignés le long de la baie et prêts à lancer les productions du Maître aux quatre coins du monde, les arbres qui cachent les constructions en plein air faites pour Way doivn East, les immenses usines ou se fabrique le « film » paraissent une hérésie, une offense au septième art que l'industrie tuerait, si des hommes, de grands artistes comme Griffith n'apportaient pour le défendre l'air pur du travail solitaire, la grandeur et le culte de la pensée.
Germaine Dulac.