Cinéa (1921)

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12 cinea MM3& EN A M Ê RI 5 U E MJ&M La question à l'ordre du jour est celle de la moralité. Elle vient de faire un pas redoutable dn fait que l'Association Nationale de l'Industrie du Cinéma a adopté en principe le texte d'un projet de bill instituant une censure qui aura tout pouvoir pour interdire : les scènes comportant un appel exagéré à l'instinct sexuel — les scènes faisant allusion à la prostitution ou à la traite des blanches — celles relatives à l'amour illicite, ou tendant à rendre le vice aimable et la vertu odieuse, celles où l'on exhibe du nu, des personnes insuffisamment vêtues, des scènes de bains, des danses excitantes — celles où l'on tue, où l'on vole, où l'on prend des stupéfiants, où l'on raille la police, la religion, la propriété, la famille, etc., etc. Lorsque ce bill sera en vigueur, nous vous aurons vus pour la dernière fois, o jambes d'Irène Castle, genoux de Nazimova, cuisses de Maë Murray, reins de Mabel Normand, hanches d'Annette Kellermann, flancs de Theda Bara, seins de Betty Blythe, dos d'Harriett Hammond, épaules de May Allison î L'auteur de cette admirable guillotine, le Dr Wilbur F. Craft, a eu l'occasion d'exposer des idées dans Shadowland — cet exquis magazine où l'on voit tant de beaux paysages et tant de jolis corps. Avec un libéralisme, un fair plaij parfaits, notre confrère à ouvert ses colonnes au Lamarzelle américain, qui, parmi quelques sottises historiques (il déclare par exemple que la décadence d'Athènes et de Babylone date du jour où la femme nue y a pris, dans l'art, une place prépondérante T) laisse comprendre, mieux qu'il ne l'explique quel est le danger qu'il redoute. Le maniement de toutes les formes d'art en relation avec l'instinct sexuel (en admettant qu'il en existe qui ne le soient pas) exige en effet un tact, une mesure dont on manque essentiellement en Amérique. A ce point de vue le problème se pose delà même manière que pour l'alusol. Nous autres français, habitués à ne demander au vin, à la liqueur, qu'une gaieté aimable, une lévitation factice et momentanée de l'esprit, nous n'arrivons pas à concevoir que pour un Yankee, même cultivé et policé, il n'existe pas de milieu entre l'eau claire et l'ivresse bestiale. En ce qui touche les rapports des sexes, la guerre, en démolissant nombre de barrières conventionnelles, a déchaîné une tempête dont nous ne pouvons nous faire une idée, et dont la production cinématique subit les remous. La très discutée Reine de Saha fournit un premier exemple, et nos lecteurs ont pu mesurer de visu les costumes de Betty Blythe. Le dernier film d'Allen Hollubar, l'Homme, la Femme, le Mariage, sous prétexte de montrer l'historique du problème sexuel, exhibe une série comparative d'orgies depuis l'âge depierrejusqu'à nos jours. C'est la méthode allemande, l'impudeur pédante : on croit voir paraître sur la scène une femme nue qui chausse un pince nez et vous lit de l'Havelock Ellis. Bien que le Lys Doré comporte également des scènes risquées et devète agréablement le corps délicieux de xMaë Murray, il y a autre chose, et notamment un parti imprévu, original, tiré d'une donnée plutôt banale. Mais les deux productions les plus remarquées de ces dernières semaines sont dues à John S. Robertson et à Cécil B. de Mille. Le premier a tourné, d'après deux nouvelles de Sir James Barrie (l'auteur de l'Admirable Çriehton que l'on a joué à Paris) un film intitulé Tommi] le Sentimental. L'esprit singulier, charmant, poétique, de l'écrivain écossais y est précieusement conservé. L'auteur du scénario — Joséphine Levett — et le metteur en scène ont travaillé en absolue collaboration d'interprétation estparfaite, homogène : la manière dont Gareth Hugues a composé le rôle de Tommy évoque certaines des meilleures créations de Henry Walthalletde Richard Barthelmess. Quel effet un tel film, où le génie écossais apparaît sous son aspect peut être le pi us caractéristique et le plus difficile â saisir, produiraitil sur le public français ? Il n'est pas aisé de l'imaginer. Le film de Cécil B. de Mille est basé sur une pièce d'Arthur Schnitzler, le dramaturge autrichien, qui a eu le plus grand succès en Amérique, et dont le titre pourrait, semble-t-il, se traduire : Les expériences d'Anatole. Ces expériences étaient initialement, au nombre de cinq, et se localisaient en Autriche ; depuis lors elles ont été transportées en Amérique et ne sont plus que quatre, nommées respectivement Gloria Swanson.Bébé Daniels, Wanda Hawley et Agnès Ayres, Anatole lui-même étant Wallace Reid. Malheureusement le charme morbide, délicat et sceptique de la pièce viennoise s'estquelque peuévaporé lors de la transcription, ce qui n'empêche pas YVallie Reid d'être un excellent acteur, Gloria Swanson de se déshabiller le plus exquisement du monde pour traverser le ruisseau que le magnétiseur hindou lui fait voir dans son salon, et Bébé Daniels de gagner, d'une manière tout aussi plastique, l'argent qui permettra de faire opérer son père malade (ou son mari.ee point n'est pas encore définitivement arrêté). On notera la pudeur qui a fait naturaliser Yankees les personnages autrichiens. Elle s'exerce sur les filins allemands — sur Carmen dont les revues spéciales n'indiquent pas la provenance, ne nomment pas les acteurs, sauf naturellement Pola Negri, que l'on est convenu de dire polonaise — sur Déeeption, donton parlesimplement comme d'un film importé; étant donné qu'ily estquestion d'Henri VIII, tout le monde peut croire que c'est d'Angleterre, sauf â changer d'avis en voyant la mâchoire un peu trop teutonne d'Henny Porten. Mais cela n'empêche pas que ces films passent, se vendent, font de l'argent, et que les revues en parlent, alors qu'elles n'ont jamais dit un mot d'aucun film français, anglais ou suédois. A quoi l'on nous répondra que nos éditeurs n'ont jamais eu réellement envie d'exporter des films en Amérique ; qu'ils considéreraient comme un résultat très satisfaisant de faire interdire l'importation des films étrangers, et d'obliger tous les français à ne plus voir â l'écran que Giffolette. Que faire à cela ? Lion kl Landry.