Cinéa (1921)

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cinea O DIALOGUE £) Elle. — Oh! je voudrais danser; — je voudrais parler au monde avec ce langage muselé qu'un corps bondissant invente dans l'espace! — L'éloquence du geste me paraît plus féconde, elle raconterait mieux mon âme illimitée que ce verbe immobile dont Hermès est le dieu. Les mots m'apparaissent mesurés, conventionnels, ils demeurent enfermés dans les limites étroites de la syntaxe, où, esclaves, ils n'ont plus qu'un recours : tomber dans le domaine public. Je vois au contraire dans la Danse toute une infinité de modes d'expression, — ses possibilités sont innombrables. Les gestes, propriété exclusive de la pensée qui les conçoit, s'esquissent dans l'air... ils s'y évanouissent invisiblement et aussitôt d'autres les perpétuent... les remplacent... leur Voix ne s'éteint pas... leur immatérialité leur prête une manière d'éternité... Lui. — Mais puisque vous appréciez l'expression silencieuse de la Danse, n'avez-vous donc jamais songé au Cinématographe qui est une autre expression silencieuse de la Pensée? Elle. — Non; pour moi le cinématographe représente essentiellement la Vie, la vie dans tout ce qu'elle a de mélodramatique, de brutal, d'instantané, de démocratique, tandis que la Danse réunit en elle toutes les qualités aristocratiques de l'Art; elle est surnaturelle, elle est de la vie transposée, dépouillée de son réalisme, et, elle s'élève, aérienne, avec magnificence, vers la plus parfaite expression de la Beauté muette. Lui. — Si les mots ont aujourd'hui pour vous si peu de prix, si vous appréciez le mutisme — il me semble que le cinématographe devrait décidément vous contenter I — Qu'y a-t-il de plus sourd qu'un spectateur de l'écran? Par déduction, qu'y a-t-il de pins muet qu'un interprète de cinématographe ? Ki. le. — Le champ est trop petit. . Un interprète de cinématographe qui parlerait le mutisme que j'aime en sortirait à chaque instant! Notre Ame, c'est à la fois un bond, un agenouillement, une cambrure, c'est un saut vers l'Impossible, c'est une course éperdue, c'est un arrêt brusque, c'est une succession de mouvements irréguliers que l'appareil de prises de vues ne peut enregistrer sans vingt fois se déplacer, sans couper tour à tour bras, jambes ou nez! Il ne peut saisir, et souvent en la déformant, qu'une fraction de cet infernal mouvement de l'être humain. M S III. K. \KKM IS MAURIÏ7 STILLER Considérez, je vous prie, la Douleur, l'Amour ou la Joie comme des sentiments primordiaux, comme des Thèmes, et voyez sur ces thèmes quelle vaste symphonie un corps qui danse est capable d'orchestrer; c'est incommensurable. ... Nos mouvements et nos pauses transposent les plus simples harmonies de l'âme, les airs les plus populaires, les plus primitifs du cœur en une multiforme et multipliable vie musicale ! Ne croyez-vous pas qu'avec nos lignes mobiles et nos membres flexibles notre transformation est prodigieusement incessante... de même qu'avec les traits de notre visage et ses expressions, notre transfiguration est miraculeusement perpétuelle. Lui. — Vous parlez de visage? d'expression? Je vous arrête, car il est certain qu'un bon objectif est plus apte à enregistrer la vie extérieure et même... intérieure d'un visage que n'importe quel œil... fut-il le vôtre, qui a su pourtant voir dans la danse une indemnité et une variété d'expressions qu'il m'a été rarement permis de percevoir, même avec de bonnes jumelles !. .. Elle. — Avec ou sans jumelles alors vous n'avez pas vu les Suédois danser. J'ai admiré parfois la somptuosité, la vaillance, la grâce naïve des Russes. — Je me suis inclinée devant l'Art sévère, religieux d'Isadora Duncan. J'ai aimé les féeriques danses de couleurs et de lignes que nous ollre la grande magicienne Loïe Fuller. — J'ai pensé devant les Ballets Suédois! Ils nous ont apporté leur âme neuve, leur jeunesse audacieuse, quelque chose de serein, de fort, d'intelligent; Leur esprit s'est révélé sain, clair, net, très franc, très limpide. Tout de suite ils ont su nous être infiniment sympathiques. Dans chacune de leurs créations, ils ont fait preuve d'un goût très subtil, très sûr. L'Homme et son désir, entre autres, est une des œuvres les plus parfaites que nous ayons eu la joie d'admirer et je déplore de rencontrer encore des êtres qui, par snobisme ou parti-pris, ne louent pas l'atmosphère exceptionnellement heureuse que M. Rolph de Mare a su répandre autour de cette œuvre et qui ne veulent pas reconnaître en Jean Borlin un très surprenant modeleur de beauté plastique. — Lui. — Je suis satisfait de vous avoir amenée à parler delà Suéde, car pour vous convaincre de la valeur esthétique du cinématographe je comptais justement vous emmener voir certains films suédois. Nous sommes tous las du film américain ou la fortune roule sur une