Cinéa (1921)

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cinea IL Y AVAIT... IL Y AVAIT... MAIS IL Y A "EL DORADO" I. Le film psychologique. Le véritable film français est jusqu'à présent le film psychologique. Marcel L'Herbier a fait le premier film psychologique avec Rose-France date eapitale dans l'histoire du film français. Pour la première fois, en effet, nous avons vu un film profondément, essentiellement français, un film original. Original dans sa eoneeption, original dans son exéeution. On a reproché à Roue-France le manque d'action, c'est qu'on ne l'a pas compris. A ce compte-là on pourrait reprocher un pareil manque d'action à la Bérénice de Racine, et à Sagesse, de Verlaine. Il y avait de l'action dans RoseFrance, non une action extérieure, mais une action intérieure, infiniment intéressante, poignante et douloureuse. Rose-France exprimait de la vie, non de la vie superficielle, fantastique, rapide, mais de la vie profonde, nuancée, véritable. Le but de l'art est l'expression de la vie, les beaux films américains valent parce que leurs interprètes expriment par leur talent la vie de l'âme. RoseFrance aussi exprimait la vie de l'âme. C'est pourquoi c'était une œuvre d'art, et elle l'exprimait par des moyens nouveaux, c'est pourquoi c'était une œuvre originale. Je demande à revoir Rose-France. * * * Louis Delluc lui aussi a vu, ou a senti que le film qui convenait le mieux à la France était le film psychologique, et il nous a donné Le Silence. Vive les artistes qui cherchent, qui nous donnent du nouveau, et ne refont pas sans cesse les choses déjà faites. Le Silence est un film parfaitement original. Cette extériorisation de la pensée du personnage principal, pensée complexe ou le passé se compénètre avec le présent, m'apparaît comme une des choses les plus audacieuses et les plus difficiles à réaliser que l'on ait encore tentée au cinéma. En effet, ce n'est pas une simple évocation de souvenirs qui nous est présentée, mais l'auteur s'est efforcé de traduire dans quelle mesure les souvenirs et les sentiments actuels s'influencent les uns les autres dans la conscience de son héros. Le Silence nous montre que le cinéma peut rendre les plus fines complications psychologiques et il ouvre ainsi aux auteurs un champ d'études aussi immense et aussi profond que l'âme humaine. * * * Promêthée banquier, de Marcel L'Herbier, m'apparaît aussi, quelque contradictoire que cela puisse sembler, comme un film psychologique. De cet instantané dramatique se dégage une psychologie aiguë, les caractères des personnages se dressent devant nous avec une telle netteté que la suite rapide d'événements qui se succèdent nous apparaît d'une logique fatale, et n'a besoin d'aucune explication. Elle trouve sa raison suffisante dans le libre jeu des différents tempéraments. Jean Cocteau dans le Coq et l'Arlequin, écrit : « Les musiciens impressionnistes ont cru que l'orchestre de Parade était pauvre parce qu'il était sans sauce ». Je pense qu'il en est de même de beaucoup de critiques et de spectateurs. Ils ont cru que Promêthée banquier était pauvre, parce qu'il n'y avait pas de sauce. II. Le film philosophique. Certains pensent que c'est aussi une manière française. En tous cas voilà une manière que je n'aime guère. A mon sens elle n'a pas encore produit une seule belle œuvre. Que le cinéma puisse faire penser profondément cela est évident, mais la pensée doit se dégager logiquement de l'expression de la vie, ce n'est pas la vie qui doit, avec effort, se plier à l'expression de la pensée. Et puis, que sont au juste ces films profonds ? Le plus souvent ils consistent en une idée toute simple, banale, primaire, traitée d'une manière compliquée, obscure, sans raisons. Se laissant tromper par les apparences, le public admirera peut-être, j il prendra pour une œuvre profonde | ce qui n'est qu'une élucubration prétentieuse et boursouflée. Au résumé, aura-t-il appris quelque chose? — Rien du tout. — Et qu'aura-t-il vu ? Le plus souvent une œuvre de mauvais goût ou la forme cherchant à remplacer le fond, fera du film une longue suite d'images forcées, lourdement symboliques, reliées entre elles par d'interminables sous-titres grandiloquents. Est-ce à dire qu'il ne puisse pas y avoir de bons films philosophiques? Certes non. Il peut y en avoir. Mais le véritable film philosophique sera juste le contraire de ce que nous avons vu jusqu'ici. Il consistera en une idée profonde traitée de la manière la plus simple L'idée aura l'importance, la forme ne fera que traduire l'idée. III. El Dorado Je viens de voir £7 Dorado. Enthousiasme, enthousiasme, enthousiasme. Marcel L'Herbier a fait le plus beau film que j'ai jamais vu. Toute l'âme latine est dans ce film. Mais il n'y a pas que l'âme latine. El Dorado, c'est l'aboutissement de toute la culture européenne. C'est le point de jonction de toutes les vertus artistiques du passé et des plus extrêmes audaces d'aujourd'hui. Le passé est vivant dans une œuvre vierge et de sa combinaison avec le présent naît l'œuvre la plus magnifique que le cinéma ait produite. Eve Francis, que j'ai toujours tenu pour une très grande artiste, dépasse là toutes ses créations antérieures. Elle vient de porter l'expression cinégraphique à un point qu'aucune femme n'avait encore atteint. Je reparlerai de ce film plus longuement, ainsi que de tous ses autres interprètes tous parfaits, mais je tenais à crier au plus tê)t mon admiration aux deux triomphateurs du jour, Marcel L'Herbier et Eve Francis. Jacques-Henry Lévesquk.