Cinéa (1921)

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cmea 19 Les Pages de ma Vie par Fédor Chaliapine De la déchirure qui se format sur ma nuque le sang coula à flots, je m'enfuis précipitamment. A la maison on m'a battu de nouveau « parce que je ne voulais rien f...» mais je déclarai carrément « Faites de moi ce que vous voudrez mais jamais je ne retournerai plus à cette école ». On me répondit que j'étais un « sale animal », « un trou » et autre chose, puis mon père décida que je n'arriverais jamais à quoi que ce soit et me plaça comme apprenti chez le cordonnier Tonkov mon parrain. J'avais été déjà quelquefois chez lui en visite avec mon père et ma mère et je m'y plaisais beaucoup. Il y avait dans l'atelier une grande armoire vitrée et on y voyait disposés sur des rayons en un ordre parfait les différents ustensiles et des morceaux de cuirs de formes différentes. Le cuir sentait bon, et les jolis ustensiles proprets donnaient envie de jouer avec. Tout en général était très amusant. C'est surtout la femme de Tonkov qui me plaisait le plus. En m'envoyant chez le cordonnier Fonkor, mon père me fit cette dernière recommandation : — Apprend à bien faire les chaus sures. C'est un métier très avantageux. Tu pourras y gagner beaucoup d'argent ; nous en avons bien besoin. Je me mis au travail avec beaucoup de zèle. En somme, cela me plaisait beaucoup mieux que les règles de la grammaire et les tables de multiplication dont on encombrait ma tète à l'école. Fonkor avait l'air très respectable: grand, large en épaules, la tète ornée de cheveux crépus, il portait toujours une chemise blanche et un vaste pantalon de satin. Il me reçut d'une manière très aimable. — Repose-toi aujourd'hui. Regarde ce que nous faisons. Tu commenceras ton travail dès demain. Je dormis mal toute la nuit. Un désir irrésistible de travailler me dominait et à l'aube, vers six heures du matin j'étais debout, attendant avec . les autres les ordres de mon nouveau maître. On me donna d'abord un verre de thé avec un morceau de pain et ensuite le patron me donna quelques premières indications au sujet des cuirs, des semelles etc. J'étais plein de bonne volonté, mais à mon grand étonnement cela n'allait pas du tout. Et puis j'avais sommeil n'ayant presque pas dormi presque toute la nuit. A la longue on s'aperçut autour de moi que je ne réussissais pas à exécuter ma tache convenablement et mes nouveaux camarades se mirent à m'encourager par des coups assez énergiques dans le dos et ailleurs. Heureusement le patron était mon parrain et les ouvriers étaient au courant de ma situation dans la maison mais quand même ils avaient la main dure. Malgré tout, le sort n'a pas voulu que je devienne cordonnier. Bientôt je tombai malade, c'était assez grave, je me rappelle les heures de délire, les visions fantastiques qui assiégeaient mon cerveau malade, mon séjour à l'hôpital et, enfin, la convalescence. Lorsque je fus complètement rétabli mon père me mit de nouveau chez un cordonnier, mais cette foisci chez un autre. 11 trouvait que mon parrain était trop gentil pour moi et qu'il ne m'apprendrait rien de sérieux. Chez le cordonnier Andreev c'était tout à fait différent. Malgré que je connaissais déjà un peu mon métier je fus désigné pour laver le plancher de la boutique, aller au marché avec la patronne, porter l'énorme panier tout chargé de victuailles... Bref— c'était une vie de chien. On me battait impitoyablement. Ce que je ne peux pas comprendre encore c'est comment j'ai pu survivre à tout ce régime. Mais au moins j'appris assez convenablement mon métier et au bout d'un certain temps j'étais déjà capable de faire moi-même de petites réparations. J'aimais surtout être envoyé chez les clients pour leur porter les commandes. Des fois je recevais 5-10 kopeks de pourboire. Alors je m'achetai un morceau de pain blanc et je le mangeai avec mon thé. J'avais toujours faim. Le patron nous nourrissait bien. Seulement comme j'étais le plus jeune, je touchais au plat le dernier, lorsqu'il n'y restaitpresque rien. Ce {qui était dur c'est surtout la veille des Fêtes de Noël : on travaillait alors 20 heures par jour : de ô h. du matin jusqu'à minuit. Je ressemblais à un squelette à cette époque. Je n'en pouvais plus et aux approches du printemps je déclarai à mon père que j'avais mal aux jambes, que je ne pouvais plus travailler et je profitai de quelques égratignures sur mes pieds pour prouver à mon père ce bien fondé de mes prétentions. (A suivre) L. Valter trad.