Cinéa (1921)

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cinea 11 — La robe rose, les bas gris, les souliers de daim, la robe de tulle noir, le manteau violet, les gants blancs, le diadème, le kimono, les mules fourrées, le tailleur bleu... Et comme si elle eût, jusqu'à cette minute, par un effort nerveux, commandé à la nature, elle se met tout soudain à transpirer sans contrainte et s'en va vers sa loge en psalmodiant : — Le manteau violet, le tailleur bleu, les mules fourrées, le diadème, les bas gris... En suivant de l'oeil cette mince silhouette, ce corps tout à l'heure cabré, à présent mou et ballant dans le pyjama de soie, je me demande une fois de plus : « L'appât du gain, du succès sur toile, la coquetterie du risque quotidien, peuvent-ils suffire à enchaîner une jeune femme, des années durant, à cette existence? Il y a l'amour du métier, je sais bien, et aussi l'esprit de rivalité, oui. Mais quoi encore?» Un bout de dialogue, entre deux jeunes actrices de cinéma, me revient : — Ça ne vaut pas le théâtre, et on s'éreinte, disait l'une. — Ça se peut, répondait l'autre. Seulement, au ciné on se voit... Peut-être faut-il chercher un peu de ce narcissisme délicat dans la manière de penser, de dire familière à certaines étoiles du cinématographe. L'une des plus notoires vedettes italiennes, et des plus belles, se critique, se maudit ou s'admire sur l'écran, comme s'il s'agissait d'une autre personne, avec une sorte de candeur hallucinée : — Vous avez vu la Piccola fonte '? me disait-elle. Vous trouvez que c'est bien? Dans le jardin, quand elle se traîne contre le mur et la porte, elle a des attitudes, des gestes de bras qui sont beaux... N'y aurait-il pas, chez celles qui consacrent à 1 écran leurs jeunes forces, la fleur périssable de leur visage, une sorte de fanal isme amoureux, qu'elles vouent à ces « doubles » mystérieux, noirs et blancs, détachés d elles-mêmes par le miracle cinématographique, libres à jamais, complets, surprenants, plus pleins de vie qu elles-mêmes, et qu elles contemplent en créatrices humbles, parfois ravies, souvent étonnées, toujours un peu irresponsables? Colette. Les Films Allemands en Suisse Romande £ Petit à petit, lentement mais sûrement ils ont envahi tous les écrans, enfoncé les portes les plus solides et pénétré partout. Ils sont généralement bien pensés, bien montés et bien joués; tous ceux que nous avons vus sont des manières de petits chefs-d'œuvre de mise en scène et d'interprétation. Le premier film allemand projeté à Genève après l'armistice était cette fameuse Duharrg, qu'interprétaient avec éclat le célèbre Emile Jannings, le meilleur tragédien allemand et cette étrange artiste, mi-polonaise, mi-allemande, Pola Negri. Dans ce film, d'un goût douteux, en dépit d'une mise en scène fastueuse,la France du xvme siècle était odieusement bafouée. Louis XV apparaissait, monumental, impotent, le visage couvert de pustules. Cependant, d'une façon générale, les mouvements de masses parfaitement ré glés ne laissaient rien à désirer, et de nombreuses scènes, telles celles du Tribunal Révolutionnaire et des exécutions en masse, avaient vraiment de l'allure. Ce film fut une révélation pour beaucoup, et il obtint un grand succès de curiosité dans toute la Suisse. Dommage, au fond, qu'il ne fût qu'un instrument de propagande dirigée contre la France des philosophes, paraissant gouvernée, d'après ce film, par une courtisane illettrée et capricieuse. En a-t-il été réellement ainsi? Nous eûmes, peu après, l'occasion de voir de nombreuses adaptations d'oeuvres françaises, puis vinrent des films de composition nettement germaniques et joués parles meilleurs artistes d'Outre-Rhin. Savez-vous que pendant six semaines la foule envahit littéralement l'heureux établissement qui avait pu s'assurer l'exclusivité de l'un d'eux : la Maîtresse du monde, œuvre moderne impressionnante jouée â la perfection par Mia May, véritable type de la femme allemande, blonde et grasse. Peu après, les cinés genevois que ce prodigieux succès avait « émoustillés » voulurent tous à tour de rôle offrir des films allemands en pâture â leurs spectateurs. Quelques titres sur cent: les Paradis artificiels, le Pogrom, le Poignard du Malaisien, le Golem, la Statue en marche, l'Amour d'un grand homme, le Bénéfice tles (/uatre diahles, etc. Les scènes macabres abondent, les crimes fleurissent à chaque tableau et vous pensez que les sujets ne sont pas à l'eau de rose. Tout cela fait vibrer, le cœur tressaille et l'imagination est frappée à coups redoublés. En avril dernier, nouvel émoi dans le landerneau cinématographiste, on annonce un film allemand d'une somptuosité inégalée: Anne Bolei/n. Il retrace la vie de la malheureuse épouse d'Henry VIII d'Angleterre. La mise en scène, comme toujours, est un régal pour les yeux. Mais le héros, Henry VIII, est représenté sous les traits d'un homme sensuel, sournois, irritable et sanguinaire, commettant les crimes les plus épouvantables avec le sourire au coin des lèvres, à la grande joie des favoris. On devine l'œuvre sournoise I Après la projection de la Dubarrij, le bon public qui ne connaît pas beaucoup son histoire générale s'est fait une singulière opinion de la France de Louis le bien-aimé. Après Anne Boleun, il a dû penser que l'Angleterre d'Henry VIII ne valait pas beaucoup mieux. Dernièrement encore, un autre établissement projetait des scènes de l'Invasion Française en Espagne. Vous devinez quel parti le metteur en scène a su tirer d'un tel sujet. Et une foisde plus le pauvre spectateur aurait pu murmurer : Tiens, tiens, mais les Français ne valent donc pas mieux que les Boches. — Et le fait est que les scènes d'horreur abondaient dans ce film, d'ailleurs joué avec fougue per le même Emile Jannings qui a brossé une effrayante silhouette d'un général de la grande armée. Aujourd'hui l'on nous promet un nouveau film allemand sur... Danton. Ainsi, après la France royale, ce sera au tour de la France de 1789 d'être traînée dans la boue par le germain effronté qui oublie sans doute un peu trop l'histoire de son pays. Elle fournirait assez d'anecdotes piquantes pour qu'un Français tente d'en visualiser quelques-unes â l'usage du public neutre qui vient d'encaisser, involontairement, tant d'insolences contre la France. F. Marcii.i.v.