Cinéa (1921)

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cinea 00 L'IRRÉEL 00 Lorsque Narayana fut projeté à Nice, le critique cinématographique d'un journal imprimé sur du papier rose et dont le titre m'échappe écrivit à peu prés cette phrase : « Lorsque M. Léon Poirier se déci» dera à supprimer de ses films la » nébuleuse dans laquelle ses per» sonnagessont plongés, il fera sans » doute de bons films ». Hélas! je ne ferai donc jamais de bons films, car l'irréel dans le scénario me paraît aussi indispensable que la lumière dans l'appareil de projection. Mais, d'abord, entendons-nous sur le mot irréel. Ce n'est pas chose facile, étant donné que l'irréel ne se définit pas — ou, du moins, ne peut se définir que par une négation : L'Irréel, c'est tout ce qui n'est pas réel — on n'en peut dire davantage. L'intangible, l'impondérable, l'invisible sont dans le même cas, ce qui ne les empêche pas de faire partie de chaque minute de la vie, c'est-àdire d'exister, au sens le plus précis du mot. Sous le prétexte que le ciel est incommensurable, les esprits «■ positifs » peuvent-ils le séparer de la terre où tout est mesure ? Supprimera-t-on de la Nature le Beau, sous prétexte que jamais personne n'en a pu l'extraire sous forme d'élixir? L\Art procédant de la vie naturelle, même lorsque la férule du « réalisme » il est condamné à la copier servilement, nourquoi vouloir en bannir l'irréel ? ROGER KARL Rôle d'Arnaut dans L'ombre déchirée. La Poésie, chanson de l'Irréel a travers les âges, a été de tout temps agréable aux oreilles humaines. Elle a changé de forme, mais on la retrouve toujours et partout. Musique, danse, peint ure, littérature ne seraient sans la poésie que des lanternes éteintes; chaque art, dés sa naissance, s'est toujours nourri du lait de l'Irréel. Or, la cinégraphie est un art qui vient de naître, plus qu'un autre, il a besoin d'irréel et c'est précisément en raison de son jeune âge qu'il faut lui donner en abondance cet aliment nécessaire à sa formation. Si vous voulez qu'il grandisse, qu'il embellisse, CI. Gaumont SUZANNE DESPRÉS Rôle de la Mère dans L'Ombre déchirée qu'il plaise, élevez-le donc dans la poésie — faute de quoi il risquera fort de rester mesquin comme un procédé sans cpie jamais lui pousse des ailes. Et qu'on n'aille pas dire la cinégraphie est l'art des foules, il faut donc la maintenir dans le domaine du vulgaire où la poésie n'a pas cours. Cette parole que j'ai entendue souvent, hélas I est un non-sens. Oui, le cinéma est le spectacle de la masse; oui, il faut qu'il touche le plus grand nombre : c'est là sa raison d être, c est à cause de cela qu'il est un grand moyen d'échange de pensées, un facteur puissant de progrès moral, par-dessusles frontiéressociales, économiques , intellectuelles, ethnographiques — et pour cela justement, il ne peut s'éclairer que d'une seule Lumière : la Poésie I. . Mlle MYRGA CI. Gaumont Rôle de Muriel dans L'Ombre déchirée Que MM. les commerçants se rassurent : ils n'ont pas de meilleurs alliés que les poètes... Ici, comme en toutes choses, il faut, bien entendu, faire intervenir le contrôle de la raison. Mais, cette réserve faite, je soutiens que le film poétique — je n'ai pas écrit esthétique — est celui qui « se vendra le mieux ». La foule lève toujours la tête avec plaisir : qu'un avion traverse le ciel, les badauds avec ensemble le regardent passer; qu'une émotion tendre s'inscrive sur lécran, qu'une image vraiment belle l'illumine, tous les cœurs battront, même si tous les cerveaux n ont pas compris et vous sentirez tous les spectateurs, communiant dans le profond silence de la salle obscure, ne plus former qu'un seul public. Messieurs les commerçants et les directeurs de salle qui entendez vous cantonner dans le « sens pratique», cette minute de silence, c'est le succès — recherchez-vous autre chose?... Enfin, nul art mieux que la cinégraphie ne peut par sa technique — non pas exprimer l'irréel, ce qui est impossible — mais en faire pressentir 1 existence. La « surimpression », le « fondu », le diaphragme, les jeux de la lumière et de l'objectif sont d incomparables moyens pour supprimer le temps, la distance, la limite, la forme, tous ces lourds voiles de réalité que les mots soulèvent avec peine... .,. Non, Monsieur le critique du journal rose, je ne renoncerai pas à l'Irréel parce que — comme je viens d essayer de m'en expliquer en quelques lignes je le crois indispensable, mais encore, aussi et surtout — ce qui ne s'explique pas — parce qu'il est Beau. Léon Poirier.