Cinéa (1921)

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cinea 13 I Amour de Chariot j Tous les critiques, maintenant, de tous les journaux de toute la terre admirent Chariot. Il mérite peut-être un peu mieux que cela. En Angleterre — août 1914 — je vis un premier film de lui. A trop rire tout entier j'essuyais les remarques désobligeantes de mes voisins. Alors j'eusse été stupéfait qu'on trouve en Chariot un génie triste. Un critique — j'ai bien oublié sa signature — de L'Opinion n'avait pas encore reconnu l'essence bergsonienne de ce comique. Les stocks de tartes à la crème pavaientles rires en plein visage. Vingthuit coups de revolver à bout portant déterminaient à peine un malaise qu'à pieds joints un saut dissipait par dessus le piano. Alors Chariot était souvent ivre et toujours grossier. Il n'était pas très honnête, non plus courageux, ni bien adroit. Il était rageur, sournois et sensuel. Comme dans les Evangiles de l'Enfance, les compagnons de jeu tombaient morts pour punition d'une légère farce. Le hoquet d'ivresse troublait les méditations sentimentales. L'amour au cœur, un amour de voyou à aussitôt soulever les jupes, et les coups de maillet à la tête réglaient ces suites d'évanouissements, Il y avait pas mal de morts d'hommes et une bouteille de whisky brisée. Il n'y avait pas de pitié, ni d'héroïsme Il y avait des noyades et des trahisons, de vilains marchés où tout le monde était dupe, des combines manquées. la raison du plus fort, des propriétaires de belles femmes trop costauds, des baisers où Chariot abordait knock-out. Il y avait le malheur. Ce malheur était entièrement ridicule. Tout ratait. On riait. Ce n'était même pas triste, puisque c'était bien fait. Et Chariot était si vulgaire qu'il ne portait pas à l'admiration. Les femmes, je me rappelle, l'avaient en horreur. Je l'aimais comme un vice. C'était une belle époque. Chariot s'est résigné. Il est moins malheureux et beaucoup plus triste. Comme il ne boit plus guère, il ne peut pas oublier les chagrins qu'on lui a fait. Sans alcool, il esta la merci des pires affaires de cœur. Presque honnête, dévoué et amoureux, il emploie maintenant le maillet et la brique à se frayer une vie sentimentale, et ces instruments grossiers servent mal une passion presque spéculative. Mais il a appris à lever des regards si douloureux que lescœurs des belles filles chavirent comme des barques trop chargées. Les femmes et lui se raille dans l'escalier. Trois fausses pistes convergent sous une table, ce qui fait trois syncopes Sauf lui, tout le monde se trompe de porte, de poche et d'adversaire. Les policemen .se prennent réciproquement au dépourvu . Alors il est naïf et même niais, chaque fois un peu davantage. N'ayant six ans fréquenté que les bars mal famés et les pâtisseries interlopes, sa séduction est maintenant d'un vierge. Il n'est pas même coupable d'amour inspiré. Tout se passe par hasard. Mais s'il s'agit de tirerait flanc ou de dîner à 1 œil, aussitôt il retrouve tous ses moyens, devient transparent et invisible, se dédouble, se montre pile sur son côté face, sourit et s'évanouit. La poursuite dé prennent en écharpe sur le palier. Sauvé par ruse, le visage de Chariot s'offre une somptueuse mélancolie qui estle luxe d'une sécurité conquise. La trêve après les batailles sert à souffrirait cœur. Une gravité distraite et désolée tombe comme le soir. Iris. Fin. Votre peuple, beau roi, n'est pas de critiques qui vous admirent. Nous sommes, prince pitoyable d'un conte en celluloïd, trois cents millions qui aimons votre cœur en nage des exigences de la passion. Jean Epstein.