Cinéa (1921)

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cinea LE COMMERCE DU CINÉMA Le cinéma a la chance d'être à la fois un art et une industrie. Le théâtre est d'ailleurs dans le même cas. Il faut que le commerce d'une chose aussi complexe satisfasse à la fois à l'art et à l'industrie. Par exemple, avant la guerre, le théâtre y arrivait â peu prés. Actuellement, on néglige le côté art pour ne penser qu'à l'industrie, et le résultat obtenu est quelque chose comme la mort du théâtre français. C'est ce qui arrivera au cinéma français, si l'on persiste dans la mauvaise voie. Et pour avoir cru gagner au moins de l'argent, on fera faillite. Mais ne nommons personne. Il y a évidemment des films commerciaux pour employer une formule chère aux loueurs et exploitants, c'est-à-dire des films aimablement insignifiants qui enchantent la plupart des exploitants , mais qui commencent à lasser le public. Si le printemps et l'été dernier ont été désastreux pour les recettes des directeurs de salles, ce n'est pas seulement à cause de la chaleur, du mauvais état de la finance ou des difficultés du traité dit de paix. C'est que leurs programmes sombraient dans une incroyable et monotone gentillesse. Films commerciaux, peutêtre, mais les salles se remplissent de nouveau, et cela parce que les films sont plus variés, parce que, â côté du film gracieusement banal, il y a le film inattendu et que le spectateur s'est plu à voir pêle-mêle, Le Lys de la vie, Les quatre diables. A travers les rapides, Les Proscrits, avec Le signe de Zorro, L'Atlantide, Une Fleur dans les ruines, Peppina, La Vieille, La perle de Broadway . • Au risque d'être une fois de plus taxé de paradoxe, j'affirme que les films non commerciaux doivent rapporter plus d'argent que les autres. Le docteur Caligari, film expres sionniste allemand que vous croiriez réservé à une élite ultra-cultivée, est en train de faire une carrière commerciale formidable. Pourquoi? Par ceque, au lieu de le montrer comme à regret, on le pousse, on le lance, on souligne sa valeur de phénomène et en quelque sorte de monstre. Prenons un exemple en France. Vous êtes persuadés que les agréables comédies d'Huguette Duflossont plus commerciales qu 'El Dorado. Eh bien, les comédies d'Huguette Duflos ne dépassent jamais un certain rendement, tandis que vous tirerez le maximum A' El Dorado, en le présentant comme le film qui ne ressemble à aucun autre. Tout le monde ira le voir. Et ce que je dis du remarquable film de Marcel L'Herbier s'applique à une douzaine d'autres productions dont il semble que les managers aient eu plus de honte que d'orgueil. • C'est la même erreur qui mène à tripatouiller certains films étrangers d'un caractère très original. L'habitude a été prise de les arranger pour le goût français. Folie! Laissez-les intacts, avertissez le public qu'il va assister à quelque chose de curieux, voire d'extravagant, et vous constaterez un extraordinaire mouvement d'intérêt. Je pense â La Charrette fantôme ou au Kid, qui perdraient beaucoup, quoi que vous en pensiez, â ne pas paraître dans leur intégralité. Etudiez donc la mentalité du spectateur. Il est avide d'inédit. Je me souviens que jadis les films de Gabrielle Robinne faisaient beaucoup d'argent . Cependant quelques cinémas donnèrent deux films que vous considérez certainement comme le contraire de la production commerciale : Le cycle des âmes et La mauvaise étoile. Eh bien, je vous jure que, pendant ces deux semaines, les films de Gabrielle Robinne parurent bien fades et passèrent un mauvais quart d'heure. • Il suffit d'avertir avec énergie le spectateur qu'il y a quelque chose de nouveau et il y courra. Croyezvous que l'on se serait précipité aux Ballets Russes s'ils nous avaient apportés les tutus de Coppèlia et aux orchestres négro-américains s'ils avaient réédité la sérénade deToselli! Naturellement, il faut que cela se sache II faut attirer l'attention de la foule. Si populaire que soit le sujet des Trois Mousquetaires, il faut tout de même les présenter avec un battage monstre. Après cela, si vous croyez qu'on peut tirer quelque .succès d'une œuvre plus spéciale sans faire du bruit, ne dites pas que ce film est anti-commercial. Dites que c'est vous l'anti-commercial, ce sera plus juste. C'est l'éternelle histoire du phénomène. Dans un village, du paysan qui a un mouton on dira : « 77 a un mouton . Il a donc dépensé tout pour l'acheter. » Et c'est tout. Mais s'il a un mouton à cinq pattes on s écriera : « Ahl çà, c'est prodigieux. Il a un mouton à cinq pattes. Il faut aller le voir. » Seulement, s'il a un mouton à cinq pattes et que personne ne le sache, personne n'ira le voir. Il faut le crier sur le toit. Remarquez que je n'entreprends pas de combattre le film moyen au profit du film original. Je parle à des commerçants, je sais les difficultés de l'exploitation cinématographique dans toutes ses branches et je cherche à en préciser les fautes. Je dis bien vite que si le lancement du filmphénomène (véritable mine d'or à qui saurait s'y prendre), est presque complètement négligé, le commerce du film moyen n'est pas beaucoup mieux servi. Les productions dites commerciales sortent comme elles peuvent moins par manque d'argent que par paresse ou incompréhension et vont à la dérive le long du courant, alors qu'on pourrait faire beaucoupplus pour accélérer leur marche.