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cinéa
II
théâtre, et de la littérature classique.
Voila pourquoi peut-être tant d'auteurs de scénarios se bornent à couder dans de longs romans et à adapter ces bribes éparscs à l'écran, plutôt que de créer de toutes pièces une œuvre adéquate à l'écran.
J'ai la conviction que c'est là une des raisons principales du progrès en apparence lent de cet art en Europe. Vos metteurs en scènes — pas tous, mais beaucoup — s'appuient un peu trop sur une vieille littérature qui, si elle est claire et délectable à la lecture, devient plus ou moins abstraite et fatigante lorsqu'elle se manifeste par l'écran. Car il est évident que quel que soit le soin apporlé à la rédaction des légendes accompagnant les images projetées sur la toile, elles n'ont pas un intérêt descriptif suffisant pour rendre la valeur, dans tous ses détails, d'une œuvre de Balzac, de Victor Hugo ou d'Alexandre Dumas par exemple.
Si je veux lire un livre, je préfère m'installer dans un bon fauteuil au coin de mon feu, une pipe entre les dents, mon chien à mes pieds et, à la portée de ma main, un verre de ... quelque chose, plutôt que de passer trois heures dans une salle, inconforblement assis, pour lire des bribes fugitives d'un livre que j'ai probablement lu dans ma jeunesse dans des circonstances plus propices à me le faire apprécier.
Aux Etats-Unis, nous pensons que l'art ci nématographique est un assemblage de manifestations scientifiques des temps actuels. Nous croyons qu'il doit s'exprimer avant tout par de l'action, du mouvement destiné à remplacer pour les yeux ce qu'est au tbéàtre la parole pour l'oreille. Nous le voyons plutôt visuel qu'intellectuel. Nous essayons de faire du cinéma une récréation pour la vue et, par elle, pour l'imagination plutôt
que de contraindre le Spectateur â un effort mental qui le fatiguerait. Dans ce but nous essayons de faire du cinématographe une spécialité bien affirmée. Nous évitons de couper et d'adapter à l'écran d'importantes œuvres littéraires. Nous créons tout simplement des scénarios qui expriment notre vie quotidienne qui se traduit par de l'action. Peut-être en mettons-nous quelquefois trop, mais qui peut le plus peut le moins, et peutêtre que graduellement nous arriverons à une juste mesure.
Et puis nous ne nous contentons pas de placer devant l'appareil du photographe des célébrités de l'art dramatique, comme cela semble être le cas en Europe et plus particulièrement en France. Chez nous des gens se sont spécialisés pour l'écran et on les croit mieux adaptés à la pratique de cet art large, aux coudées franches qu'est le cinéma, que les plus grandes étoiles de la scène théâtrale.
Nous concevons fort bien que, pour des raisons identiques, ceux de nos artistes de l'écran qui vous plaisent pour l'habileté avec laquelle ils se servent de leurs mains, de leurs jambes et de leurs traits mobiles, seraient, sans doute, moinsamusants ou moins gracieux, si, devant joindre la parole au geste, limités par l'exiguïté d'une scène sur laquelle sont braqués des milliers d'yeux, ils paraissaient devant vous gauches et gênés dans les entournures. A chacun son métier, comme vousdites.Chacunà sa place... les films seront bien tournés T
Pour me résumer, je crois pouvoir dire qu'en Europe le cinéma souffre de trop d'art dans le sens le plus intellectuel du mot et de pas assez d'art dans son sens technique. Je inexpliqué.
On prend une œuvre classique qui est pavée d'art d'un bout à l'autre. On choisit ensuite, pour la rendre visuelle, les artistes les plus renommés de l'Opéra, des grands théâtres, des artistes dont les noms encore sont synonymes d'art. Or, il me semble que tout cet art devrait être scindé et que seule devrait être conservée la portion nécessaire pour donner à l'ensemble du film ce cachet artistique qu'en France, mieux que partout ailleurs, on sait donner à toutes choses. Et puis, on devrait faire un effort plus grand vers un choix plus rigoureux des sites où se déroule l'action, dans la pratique des éclairages, de la photographie et de
la mise en scène. Il faudrait que l'on
s'efforce d'atteindre un degré plus haut dans l'application de la technique, au lieu de chercher presqueavant tout à grouper sur une affiche
des noms flamboyants d'artistes célèbres... au théâtre.
Je vous supplie de me pardonner si j'ai été trop franc etpar conséquent un peu brutal dans lexposé de mes opinions qui, d'ailleurs, sont celles de beaucoup de Français du métier qui s'intéressent à l'avenir de votre art cinématographique. Je l'ai fait en service commandé T
Et maintenant, je tiens à réfuter une opinion souvent émise devant moi depuis que je suis en France. On dit: « Il n'est pas surprenant que des films américains montés à coup de centaines de milliers de dollars soient quelquefois plus beaux que les films faits en Europe, où leurs créateurs n'ont pas à leur disposition les capitaux leur permettant de s'adonner à une telle prodigalité. » Laissezmoi répondre que ce n'est pas seulement parce qu'ils font donner la légion des dollars que les spécialistes américains atteignent quelquefois leur but. C'est aussi parce qu'ils dépensent l'argent à bon escient. C'est surtout, parce qu'ils ont fait de leur art une grande industrie soigneusement étudiée et développée au même titre que n'importe quelle autre grande industrie dont le progrès dépend essentiellement du groupement des meilleurs ingénieurs, des meilleurs contremaîtres, des plus habiles ouvriers et du plus parfait outillage que l'argent puisse acheter.
Et maintenant, chers amis de France, merci encore pour la chaude hospitalité dont vous m'avez honoré et dont je vous promets d'abuser dans l'avenir. Car je reviendrai, je reviendrai ! Charles Chaplin