Cinéa (1921)

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cinea a LE GOSSE a Dans l'art de Charlie Chaplin, ce que l'on saisit tout d'abord ce sont les procédés d'expression qui sont ceux de la pantomime anglaise, portés à leur perfection et aidés de toutes les facilités supplémentaires que donne le truquage photographié. Dans certains tilms, et non des moindres (Chariot patine. Chariot noctambule) il n'y a guère que cela, et c'est déjà fort amusant. Peu à peu on s'aperçoit que ces procédés servent à faire vivre pour nous un certain personnage très réel, très riche en sentiments humains où il y a quelque chose de Charlie Chaplin — ou plutôt de l'idée que Charlie se fait de lui-même — mais où aussi, comme dans toutes les grandes créations artistiques, chacun re trouve quelque chose de soi même : ce personnage, si vous voulez bien, nous lui réserverons le nom de « Chariot ». A qui Chariot s apparente-t-il? Son ancêtre direct, que peut-être luimême ignore, serait Panurge, dont il a l'esprit délié, l'amoralisme naïf, la peur naturelle des coups, la haine méprisante envers la brutalité, la souplesse et le prompt rétablissement sous les atteintes du sort, l'industrie multiple enfin — songeons à tous les métiers que nous l'avons vu entreprendre! Mais c'est un Panurge qui a lu Dickens — peut-être même (frémissons: Dostoïevski, qui a compris ce que valent la bonté, la pitié, l'émotion. Toutefois, il a lu aussi Bergson, et sait que les sentiments véritables ont leur siège dans la vie subconsciente; aussi n'a-t-il pas la raideur prédicante des personnages de Griffith. Sa charité n'est pas imprimée sur un écriteau; elle habite au plus profond de son cœur, y coexiste avec les désirs, les égoïsmes, les premiers mouvements plus ou moins douteux (rappelez-vous Charlot soulevant la grille d egout pour y /Si H^ %*S jeter le gosse encombrant). Enfin il a lu Jules de Gaultier, ou tout au moins les études que ce grand et subtil philosophe a inspirées à Benjamin de Cassères, et je ne connais pas meilleure illustration de la théorie du Bovarysme, meilleure démonstration de l'écart entre ce que nous croyons ou voulons être, et ce que nous sommes, que Chariot soldat. Ainsi conçu, ce personnage — ce Chariot qu'il est absolument essentuel de distinguer de Charlie Chaplin, son père spirituel — s'exprime par une langue directe, sans fignolages, sans recherches de néologismes, simplement en employant de manière parfaite les instruments existants. Les gens du métier, qui cherchent ce qu'ils pourraient imiter (il n'y a rien qui s'imite mieux que les néologisme» expressifs ; Claude Debussy hier, Marcel L'Herbier demain) sont presque déçus; mais le public rit, comme jamais il n'avait ri, et les blasés pour qui le spectacle des efforts vers le plaisant est en général une souffrance, rient aussi de ce comique à la fois si naïf et si savant, si préparé et si naturel. Il paraît que l'éditeur français de ce film l'a payé fort cher, et Ion pourrait supposer que c'est parce qu'il l'estime beaucoup. S'il en est ainsi, comment se fait il, d'une part qu'il en ait coupé un cinquième environ — et précisément la partie qui a eu le plus de succès en Amérique — d autre part qu'il croyait l'embellir en y introduisant quelques-unes des plaisanteries les plus bêtes qui aient sali un écran? Précisément parce que l'art de Charlie Chaplin procède de la pantomime, il comporte un minimum de texte. En ajouter, c est imiter cet entrepreneur de spectacle qui trouvait que Deburau avait bien du talent, mais que ce serait encore mieux s'il parlait. Lionel Landry.