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cinéa
s'appelle le port ou l'escale. Réduit à ses éléments essentiels — allez voir par exemple Santi Quaranta sur la côte d'Epire — il comprend le comptoir et le lupanar. Grossi, doublé d'une ville, c'est Marseille ou Gènes. Mais toujours les deux fonctions primordiales sont le commerce et la prostitution ; sitôt le navire à quai, le subrécargue se dirige vers les comptoirs des négociants et l'équipage vers les bouges des bas quartiers.
C'est qu'il leur faut du plaisir, et tout de suite. Ils ont risqué leur vie, mené une existence dure, claustrale, violente, pendant des semaines ou des mois; tout cela mérite une compensation. Et, au débarqué de chaque bateau, des femmes, partout les mêmes, car les invasions, la piraterie et les voyages ont unifié les races riveraines, attendent les matelots, prêtes à inventorier leurs sacs.
Ce sont là des joies rapides, sommaires, sans raffinements et sans nuances. Et si les désirs se heurtent, le conflit sera bref, violent, inarticulé, tout en regards, en gestes, commençant par la bourrade, s'achevant vite par le meurtre.
Mais le port n'est pas qu'une escale, c'est aussi une porte, par laquelle pénètrent, a travers laquelle s'aperçoivent des peuples étranges et divers. Et, comme dans les vers de
Henri Heine, les énumérations des géographies se matérialisent :
Au bord du Gange, à l'ombre des arbres
[géants, Drs hommes beaux et graves adorent la fleur
[du Loi its.
A leur tour, ces échantillons humains regardent la rive pour eux étrangère. Tout ne leur est point nouveau, mais presque tout leur est hostile. Ce qu'ils sentent, nous ne pouvons guère nous en rendre compte. Peut être leur âme dépaysée rêve-telle de la Fleur du Lotus; mais elle garde son secret aussi fidèlement que l'âme rudimentaire des guenons et des cacatoès que les matelots rapportent, perchés sur leur épaule, cependant que derrière eux, marche la congaï docile et mystérieuse.
Telle est l'atmosphère où se situe Fièvre et d'emblée, on voit que le drame doit être simple, rapide, direct, mais laisser entrevoir des arrière-plans infinis de rêves et d'associations d'idées.
L'interprétation en est admirable, chacun des acteurs apportant quelque chose de personnel, de riche et de profond. Mme Eve Francis fait vivre le type éternel de la femme vers qui revient le matelot; mais elle donne à cet être d'une vérité générale une âme individuelle forte, passionnée, un geste sobre et émouvant. Van Daële
semble sortir de la brume d'Islande ; avec ses yeux rêveurs, il apparaît nostalgique, presque dépaysé dans la fumée du bouge; mais lorsqu on en viendra aux coups, ce sera le Herserkr ivre de sang. Elena Sagrary, puérile, est énigmatique avec ce mélange émouvant de douceur et de dureté que les slaves nous apportent d'Asie. Modot est un inimitable requin de terre, un patron de bouge au relief saisissant, terrible. Je voudrais nommer tous les autres interprètes, car aucun n'est indigne de tels chefs de file; je les louerai tous en la personne du meneur du jeu, dont ils ont suivi l'impulsion ardente, la volonté île réalisation. Même un étranger au métier sent que ce film n'est pas la patiente juxtaposition de bandes méthodiquement tournées, mais une œuvre vivante, organique, conçue d'un seul jet et exécutée par une troupe dont l'âme collective était entraînée d'un même élan.
En écrivant ceci, en retrouvant dans mon souvenir le rythme brûlant de la présentation, je me sens pris moi-même ; les cinq ou six critiques de détail que j'avais notées s'évaporent, s'évanouissent. La fièvre se mesure au battement du pouls ; elle ne s'analyse et ne se dissèque pas.
Lionel Landry.
L'O PERATEUR
ET LUI AUSSI, IL EST PEINTRE !.
Je ne vous apprendrai rien en vous disant que l'on commence sur toute la terre, et même en France, à comprendre que le cinéma sera un art. La photo animée devient la cinégraphie. La cinégraphie devient un art, encore torturé par d'affreuses divagations et d'inévitables spasmes révolutionnaires, mais enfin un art qui, dans peu d'années, s'imposera à côté des autres moyens d'expression comme la peinture, le livre, la sculpture, la musique, et continuera sûrement à les supplanter dans la faveur universelle, puisqu'il a cette force supérieure d'être la seule langue universelle, la seule forme d'expression universelle, la seule tribune universelle.
Loin de nous l'idée de condamner ceux qui trop longtemps n'ont vu dans le cinéma qu'un moyen original
d'enregistrer des images. C'est à eux que nous devons de savoir que la machine à pellicule est un atelier d'art.
On est volontiers disposé à penser que le développement de cette lumière nouvelle a suivi la courbe normale. Et quand vous assistez à un film d'intrigue dramatique, vous le considérez certainement comme le perfectionnement des temps pas très anciens où les cinématographistes brodaient de hâtives variations sur les vieux mélodrames ou les romans de cape et d'épée.
Permettez-moi de penser qu'il en va autrement.
Pendant que d'ingénieux industriels démarquaient le répertoire théâtral ou romanesque, ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient. D'autres n'avaient pas plus qu'eux conscience de tra
vailler à un édifiée nouveau, mais faisaient œuvre plus sûre. Et ces artisans-là, c'étaient ceux qui s'attachaient uniquement aux dons d'enregistrement que possède le cinéma. Les opérateurs obscurs qui continuèrent leur apprentissage uniquement photographique ont fait beaucoup plus pour la synthèse visuelle de cet art de demain que les traducteurs turbulents d'une dramaturgie élimée. Enregistrer des images, mon Dieu, vous avez tous fait ça, et les millions d'instantanés que vous cueillez d'un kodak ingénu pendant vos vacances vous ont appris l'aisance et le charme du rôle d'enregistreur. Et quand vous voyez à l'écran, entre deux comédies sentimentales, les actualités de la semaine vous n'éprouvez aucun respect. Les funérailles marchent d'un pas saccadé, les coureurs à pied vous