Cinéa (1922)

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12 cinéa Réalisation de Détails La main du receveur de tramway se lève et saisit la poignée du signal de départ. Elle incline obliquement la corde, et la poignée ensuite sur la corde. Elle se lève encore, s'arrête, hésite. Soudain le poignet s'enroule arrachant le coup de cloche. Voilà, lumière et vérité données, du cinéma. De tels fragments contiennent toute l'émotion et l'indépendance cinématographiques. Le hasard vous a-t-il jamais fait regarder la peau à travers une loupe : ciel étrange, les constellations de pores, bleuies et brunes, respirent comme des branchies ; anémones noyées. Un cheveu s'horripile et dresse sa vie en marge. Cela qu'on ne peut ni écrire, ni dire, ni peindre, le cinéma l'expose avec tant d'adresse et d'affinité qu'il le trouve jusqu'exilé dans Balzac ou menti par la Loïe Fuller. Commercialement une histoire est indispensable, et un argument, même dans le film idéal, nécessaire pour enduire l'image de sentiment. La décomposition d'un fait en ses éléments exclusivement photogéniques est la première loi du film, sa grammaire, son algèbre, son ordre. Mais l'ordre toujours n'est rien sans amour. J'écris amour pour sentiment. Le sentiment ne peut jaillir, vulgairement, que d'une situation, donc d'une anecdote. Ainsi l'anecdote doit être ; mais, comme l'objectif bégaye dès qu'il y touche, elle doit être invisible, sous-entendue, exprimée ni par un texte, ni par une image : entre. De fait, qu'on passe de l'œil d'un homme à la ceinture d'une femme, cela dit, mais à l'endroit seul de la jonction, carrément un désir. Plus une scène tient de récit, moins elle a de chances de rendre à l'écran ; vice versa. Si le banquier doit se lever de son bureau et aller vers la porte, craignez d'en à la fois trop dire. Ce mouvement photographiera bien mieux divisé en trois et pris par ses éléments authentiques : par la semelle s'abattant sur le tapis, par le fauteuil reculant brusquement, par le mouvement du bras balancé dans la marche. Cette réduction en facteurs cinématographiques démasque naturellement dans un ridicule grossi les réalisateurs médiocres qui s'y risquent. M. Feuillade peut à la rigueur tromper l'œil dans une vue d'ensemble, mais quand il ose le plan rapproché, si banal, d'un échange de bagues par exemple, toute sa nullité cinématographique éclate Je ne veux pas me rappeler le nom du critique qui reprochait à un film français les vues détaillées à l'américaine d'un sifflet de locomotive ou des marchepieds du wagon . Ce critique ne savait pas épeler l'alphabet d'images lettres à partir desquelles seulement on pourra composer un jour des imagesmots, et beaucoup plus tard des images-phrases. Le film qui vise aux thèses sociales et philosophiques, hurle à la lune. La philosophie est une chose, l'écran une autre. Ce n'est pas avec un scénario hygiénique, mais malgré lui que Mme Germaine Dulac a fait La Mort du Soleil. Le jour où on aura reconnu qu'une comédie Mack-Sennett est incomparablement supérieure à tous les films de M. de Baroncelli, la conception du cinéma aura réalisé un grand progrès. Je cite M. de Baroncelli qui me paraît avoir négligé complètement, soulignant sa négligence d'une componction suédoise, l'élément photogénique, sauf dans le bon morceau de la procession du Rêve. Je juge le réalisateur sur ce qu'il montre de détails photogéniques bien montés Les gros plans de M. Marcel L'Herbier sont delà lumière solidifiée dans un état voisin de la tendresse. Le mari à tromper du Carnaval des Vérités a failli s'empaler sur l'objectif. La fête tout entière était une suite d'idéogrammes précis frôlant l'œil, belle phrase en pellicule, presque une strophe. Le bouge dans L'Homme du Large prenait les vi sages à la corde comme, en course, des tournants dangereux. Le flou complet de la danse (El Dorado) en arrive à photographier littéralement un rythme. Encore : la table, avant et après, du Bercail, le bas de la robe en marche dans Rose-France, beaucoup d'autres. Satellites emportés par la grâce de la nouveauté, les roues de La Roue, de M. Abel Gance feront date. Deux mains sur un clavier sont la Xme Symphonie, et, au début de J'accuse, la ronde dont on ne soutiendra pourtant pas la nécessité épisodique, est, un peu trop rouge, parmi les plus beaux morceaux de films qu'il y ait. Le Silence de M. Louis Delluc débute bien dans le courant d'air des vingt manières psychologiques d'ouvrir une porte et des vingt autres de la fermer. Dans tout l'appartement, à la suite de M. Signoret (qui jamais n'a été, ni ne sera moins mauvais) on se promène avec plaisir. Parmi les détails, épisodiquement nuls, que Fumée Noire groupe autour d'un fait-divers lui aussi heureusement annulé à la fin, le dialogue à la toilette et la conversation des cocktails sont du cinéma en plein cœur, mais de la photo à côté La cigarette de la Cigarette était ennuyeuse, mais qu'un disque y tournait bien. Mieux encore que la scène du taxi cédé et que le tir à la cible de Malencontre,La Belle Dame sans Àferci photographie la subtilité affectueuse de Mme Germaine Dulac. Le film échangé entre l'actrice et le comte, est aussi frileux et rusé, aussi bien capitonné et suspendu, et si moins fruit défendu et moins riche naturellement, peut-être plus intérieur et plus cinéma que le cinéma du silken Cecil. Je me rappelle encore une bien jolie moto dans L'Homme qui vendit son dme au diable, de M. Pierre Caron. Voilà quelques exemples, pas tous, naturellement. Jean Epstein