Cinéa (1922)

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12 cinéa UN CHEVEU DANS LES PELLICULES Le Don Juan que Marcel L'Herbier vient de présenter à quelques amis et collaborateurs est le plus riche, le plus équilibré, le plus sûr de ses films. Une ampleur harmonieuse, du cran, de la tenue dans la verve, et surtout un parti-pris de simplicité — de haute simplicité — font de cette œuvre une véritable œuvre cinégraphique. Quelques lenteurs dans la première époque, certaines lacunes de paysages,rendent plus laborieuselamise au point du roman de Don Juan, tel que le conte avec une remarquable minutie psychologique Marcel L'Herbier. La deuxième époque est toute en passion, en vitalité, en rythme : c'est ce que l'auteur a traité de plus magistralement depuis qu'il compose des films. Nous aurons mille et trois occasions de parler de Don Juan et de tous ses détails de prix. Jaque Catelain soutient allègrement son personnage écrasant. J'ai particulièrement aimé ses tendresses timides du début, la déclaration au portrait, le duel, la fuite, l'enlèvement d'Elvire, la fête, la bague, la rencontre d'Ana, la confession. Peu de comédiens peuvent autant î S'il y a de la virtuosité, je n'en sais rien. Je n'ai vu que l'élan, la vérité ardente, la sobriété dans le désordre sincère. Bravo ! Vanni-Marcoux est un Faust incomparable de puissance et de netteté. Son rôle est beaucoup trop court. Mais je crois que si même il restait sous nos yeux tout le long de quatre mille mètres de pellicules, son rôle semblerait encore trop court. Marcelle Pradot, plus fine que jamais dans ses atours de petite aristocrate (printemps et argent), est supérieure dans sa douleur finale, quand elle assiste à l'exaspération des faiblesses de don Juan. Le cinéaste a fait d'elle à ce moment des images étonnantes. Philippe Hériat, déjà si curieux dans El Dora do, a composé un Wagner qui pouvait se borner à être sensationnel — mais qui a du talent. Lerner est un Colochon varié, charmant, infiniment gai et fin. Johanna Sutter interprète Elvire avec de belles attitudes. Deneubourg, excellent dans la scène du duel, fait bonne figure dans le tourbillon de masques violentés où l'on est heureux de voir Claire Prélia, digne et élégante; Marcel Vallée d'une large ironie ; Noémi Seize tragédienne qui s'égaie de son mieux; Madeleine Geoffroy qui est, photogéniquement, une véritable révélation et qui devra s'attacher au cinéma; Siria, mexicaine si propre aux jotas séculaires; André Daven, ou Velasquez peint par luimême; Jeanne Cadix, Line Chaumont Rafane, et tous les partenaires de ce rêve brillant où la photo de Lucas achève le style bondissant, vivant, allant, parmi des éclats et des finesses qui nous font penser au Verdi de Falstaff ou au Rossini probable d'un chefd'œuvre inconnu, voire pas écrit. • Les films américains plaisent moins aux Français, maintenant. Sont-ils donc moins bons qu'autrefois ? Ils ne sont peut-être pas meilleurs, mais sûrement n'ont pas démérité. Je crois qu'ils sont plus américains, et après le cinéma tout court, c'est le cinéma américain plus personnel mais moins universel, et peu compatible avec notre mentalité. Si les films suédois étaient moins suédois, ils plairaient davantage aux Parisiens. Et les films allemands qui ne sont pas très allemands — par exemple leurs grandes imageries historiques — auront un succès mondial. « Les animaux ont toujours été aimés à l'écran. Innombrables sont les films qui depuis les comédies — ménageries Mack-Sennett ont profité de leur naturel photogénique. Ces jours-ci, tout Paris s'est récrié devant le singe des Quatre Cavaliers de l'Apocalypse, le chien de Jackie Coogan dans Le Gosse Infernal, le chien de Mary Pickford dans Le Petit Lord Fauntleroy. Et pourtant personne n'ose consacrer tout un rouleau de pellicule à une histoire de bêtes. • Le Cinéma est bien peu et bien mal mis à contribution (en France) pour la publicité. L'exception n'en est que plus charmante et nous avons savouré le petit film monté par une Société Financière de Cinématographie qui voulait lancer une émission obligataire de quelques millions. De jolies images, des rapproche ments imprévus, pas mal de fantaisie et un rien d'humour épicent cet original aperçu où — si j'ai bien compris— des personnalités comme Foch, Clemenceau, Carpentier, Douglas, Mary et Charlie nous invitent à souscrire d'urgence. • Le Pauvre Village est une harmonieuse illustration de cette grande école cinégraphique à quoi nous devons Les Proscrits. Le paysage en est lascar. Le seul défaut qui gêne le film de Jean Hervé c'est qu'il a construit des personnages trop ternes. Sjostrom les soignait plus profondément encore que s'ils avaient dû concentrer sur eux tout le sens d'un drame. Pour que nous soyons émus au spectacle du paysage écrasant l'homme, il est nécessaire que l'homme en tant qu'homme soit aussi important que le paysage en tant que paysage. Ainsi le grand solo de la nature prend un meilleur relief. • Un très joli film c'est Disraeli. J'ai pensé à David Garrick, dont la grâce un peu bourgeoise, mais si fine, n'est pas oubliée. Disraeli, histoire d'histoire, est délicat, spirituel, charmant, et Georges Arliss, avec sa roublardise de vieux comédien a sur le spectateur une séduction rare qui force l'applaudissement et, malgré cela, donne à penser. • Des cinéastes français bien intentionnés ont résolus de défendre le film national en boycottant la production étrangère, non seulement sur le terrain commercial mais encore dans les salles où ces francstireurs se proposent de siffler les films non français. Ils auront contre eux beaucoup de gens de goût et de sens. Les sifflets qui ont salué, à Paris, La Charrette fantôme et La Rue des Rêves ont indigné nombre de cinéphiles et en quelque sorte exalté leur sympathie pour ces œuvres. Je signale aux cinéastes français un procédé plus élégant : aller applaudir vigoureusement les films français. ... ou, ce qui est encore plus simple, faire des films qui méritent d'être applaudis . Louis Delluc.