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LECTURES a
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De Jean Navalo, dans L'Avenir : De temps à autre, de L'énorme autant que médiocre production cinématographique, 8e détache un bon lilm. C'est presque toujours un « documentaire. »
Ce soir, au Gaumont-Palace, j'ai la joie ili' me sentir transporté au cœur de 1 Afrique centrale. Ah! ce voyage dans la brousse immense OÙ vivent, loin de notre civilisation destructrice, tant de superbes et tiers animaux! Quelle sensation curieuse d'être paisiblement assis dans un fauteuil et de voir, à quelques mètres de soi, toute la faune sauvage et libre d'un pays inconnu se réunir autour d'une mare OU sur la rive d'un cours d'eau !
Parfois, une timide gazelle, un chacal rusé lèvent la tète et tournent, vers nous des yeux inquiets. On devine qu'ils entendent un bruit suspect et, méfiants tout à coup, surveillant le fourré où s'embusque L'opérateur, c'est-à-dire nous.
Peu à peu, nous oublions que nous sommes au théâtre. Il nous semble que nous faisons partie de l'expédition. La pensée, l'imagination, la suggestion plutôt nous transportent sur les lieux mêmes de la scène et, quand un lion marche dans notre direction, les yeux brillants, la gueule menaçante ou que fonce un rhinocéros, nous sentons passer sur nos échines, un peu de froid...
On dirait que, servi par d'heureuses circonstances, l'opérateur a pu saisir, d'un coup, toute la faune africaine. Les buffles en bandes, les singes en compagnies, les gazelles en troupeaux, les zèbres, Les girafes, les léopards défilent sous nos yeux, vivant leur vie prodigieuse, sans se douter que, du haut d'un arbre ou dé l'amoncellement touffu d'une tête de palmier abattu, nous les épions à loisir.
In léopard de belle taille, à deux pas, fouille de ses crocs le ventre d'un zèbre et boit, tout chaud, son sang avec une visible volupté...
Des oiseaux sinistres, ensuite, s'abattent sur le cadavre abandonné par le félin et nous sommes encore les témoins angoissés d'une curée sans pareille.
Alternent bientôt, avec ces visions impressionnantes, des vues admirables de campagnes broussailleuses, des horizons sans fin, des profils nébuleux de montagnes lointaines, des fleuves majestueux aux rives désertes, des eaux tourbillonnantes charriant des masses lourdes, pareilles à des troncs d'arbre, et qui sont des hippopotames...
Ah! l'attirance de cette Nature inviolée, mystérieuse, troublante comme un encens très rare et dangereuse comme un poison!
Ah! notre désillusion, la honte de nous-même, quand se termine la projection; que jaillit dans la salle, la lumière électrique; que nous nous retrouvons en veston, dans nos fauteuils confortables et que, dans le claquement des strapontins, se fait entendre, à nouveau, la voix gouailleuse, ridicule, du marchand de programmes !...
Nous retrouvons clans un numéro du Petit Bleu, daté de déeembre 1H11, ees lignes consacrées à une soirée de Réveillon au faubourg; . Elles sont signées de Lucien Wahl qui, on le sait, fut des premiers à « écrire sur le cinéma » :
« Dans le fond d'une cour, la façade éclairée par des lampes électriques. Des affiches reproduisent les scènes principales du programme. Le spectacle est annoncé pour huit heures trois quarts. Le bureau n'est pas ouvert. Elles sont cinq qui attendent, et deux gosses vêtus sans faux luxe. Des tabliers.
On entre : un hangar. Au fond : une scène surélevée cachée par l'écran. Le public vient peu à peu. Comme dans les plus grands théâtres des plus grands boulevards les dames arrivent nu-tête, les hommes ont gardé l'habit de travail ; des familles ont amené leurs chiens, et les plus jeunes d'entre les nombreux enfants n'ont pas trois mois. Au premier rang — au premier banc — une ribambelle de poulbots jacassent, ils bégaient, des bonbons dans la bouche, et des cacaouettes que l'inévitable mar
chand annonce avec un accent exotique.
Un couple d'ouvriers a deux jumeaux. L'homme tend le biberon à l'un ; la femme, à l'autre, le sein. Alentour se lit : « Défense de fumer. » On fume. L'orchestre — piano, violon, contrebasse — attaque. On entend des « oh T » de satisfaction, puis c'est le drame, la fiction, la vérité.
On applaudit aux vertus, on exhale des interjections vengeresses à l'endroit des criminels et de tous les abjects qui défilent, on se tord à la vue du marmiton facétieux que poursuivent deux sergents de ville, une bonne, un télégraphiste, un balayeur municipal deux dragons, une grosse dame et un caniche L'auteur d'une aussi belle histoire mérite la célébrité. Et l'on nous cache son nom le programme tait sa naissance. Il a pourtant des admirateurs en maints endroits, on ignore sa vie, et ses aspirations, et les meubles de son cabinet. C'est injuste et révoltant. Ah I pourquoi la presse n'a-t-elle pas encore inauguré la critique des cinématographes? Il devrait y avoir des premières de films, comme il en esti de revues et de pantomimes, des aristarques analyseraient, discuteraient, soupèseraient ; ils distribueraient des couronnes aux interprètes. L'opérateur, le monsieur qui projette toute sa lumière, nous est lui-même inconnu. Ce n'est plus du cinéma, c'est) de l'anonymat.
Mais voici des images : une aventure malheureuse de remplaçante, M. Brieux en serait ému. Le public dit : « Comme c'est ça ! » Mon voisin, qui doit bien avoir douze ans, honnit les méchants maîtres de la bonne nourrice : « Ah T les vaches I » Il l'a | dit alors je l'écris en toutes lettres, pourquoi l'hypocrisie des abréviations ?
Lepublic ayantainsiavalé quelques tranches de sentimentalisme et quelques hors-d'œuvre, un plat de résistance lui est servi, plat du jour, d'une fraîcheur incontestable, puisque tout chaud : « L'assassinat du garçon de recette ou le crime de la rue Ordener. » C'est une œuvre pathétique dont on regrette — surtout la Préfecture de