Cinéa (1922)

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18 clnéa passer toutes les beautés, le sourire confiant de L'ingénue, le regard triomphant du jeune premier, la provocation de la coquette et même l'exotisme de la Venue hottentote... Mais rappelez-vous ceci, petites filles qui devant votre glace grimacez, anxieuses de savoir si vous êtes photogéniques • le plus beau rôle sur le film comme dans la vie est souvent ré. serve à une laideur qui a beaucoup pleuré ! La fin d'une journée de figuration dans le décor romanesque du GrandOuest. Sur le versant de la colline, un enclos a été disposé. Sur trois côtés, un solide grillage. Un rocher à pic fait barrière dans le fond. A l'entrée de l'enclos, une cage et dans celle-ci un puma. Le puma est le lion d'Amérique. Il n'a pas la crinière de son cousin d'Afrique. De plus, nous atlirme-t on, le puma esl peureux. Je veux bien croire le directeur, qui conclut : « Voici l'épisode. Un homme mourant de soif gît à terre. On ouvre la cage. Le puma sort, flaire l'acteur et s'en va. Rien à craindre. Le fauve est vieux. D'ailleurs, il a déjeuné. » Etrange garantie î L'appétit ne vientil pas en mangeant? « Qui veut jouer l'homme mourant de soif ?» Silence parmi la figuration à pied et silence parmi les cow-boj s. « 10 dollars ! Pas d'amateur ? Mais vous avez tous les pieds froids I Allons, vous, le Français, donnez l'exemple î Pour 15 dollars T » Les fils de la Prairie ricanent derrière moi. Alors je dis : « C'est bien, j'y vais. » J'entre dans l'enclos, je me couche. Action I Caméra T La cage est ouverte. J'entends le tac-tac de l'appareil qu'on tourne de l'extérieur. Ma face est caressée par un souffle chaud et puant et je devine l'ombre du fauve qui s'éloigne. C'est fini, je vais me relever quand une voix crie : « Ne bougez pas ! On tourne toujours î » Le maudit puma est revenu vers moi. Cette fois le mulle de la bête me touche et soudain une langue chaude me râpe le visage. Un coup de langue, deux coups de langue T La composition alcaline de mon maquillage doit plaire au fauve. J'entends : « Photographe T Tourne/, toujours î Merveilleux épisode pour une comédie T » Troisième coup de langue, le dernier. Le puma s'est à nouveau éloigné. D'un bond je me relève, me glisse hors de l'enclos. Les cow-boys de William Hart ne me tireront plus, en î signe de mépris, des coups de re-j volver à blanc sur les pieds. Pickford-Fairbanks ou l'optimisme. Parcoure/. l'Amérique du Nord, de New-York à San-Francisco, de Chicago à la Nouvelle-Orléans, n'importe où et n'importe à quelle heure, demandez à n'importe qui comment il se porte, et vous recevrez toujours une seule et invariable réponse : Fine and dandy! La locution, intraduisible en français, signifie que tout va : le business national, la santé de votre interlocuteur, sa situation pécuniaire ou sentimentale, son exfemme divorcée de la veille, sa fiancée qu'il épouse demain, la politique de la Maison-Blanche, le marché de Wall street, tout va bien, parfaitement bien! Tous les veufs sont sur le point de se remarier, tous les faillis s'apprêtent à remonter un commerce, tous les ex-convicts prétendent se réhabiliter. Fût-il condamné par la science ou par la justice, fût-il sur son lit de mort ou sur la chaise électrique, l'Américain vous saluerait encore de ces mots d'admirable confiance : Fine and dandy! La race vous ment-elle? Elle se ment à ellemême. Ce mirage est indispensable à la vie du nouveau monde. Il est son stimulant, son dopping. Il est nécessaire pour parcourir les rudes étapes de l'existence américaine, pour affronter ses périls, subir ses hauts et ses bas effarants, faire face à l'éternelle incertitude de ses lendemains. Ce bluff, c'est l'optimisme yankee, et le sourire Pickford-Fairbanks en est le symbole. Ce n'est pas à ses tours de force que Douglas Fairbanks doit sa fortune. Ce n'est pas à sa chance seule que Mary Pickford est redevable de sa gloire. Leur sourire les a faits ce qu'ils sont. Et quel sourire! A l'époque, Douglas Fairbanks divorçait pour épouser Mary Pickford, et Mary Pickford divorçait pour épouser Douglas Fairbanks. Peut-on trouver plus éclatante manifestation d'optimisme? « Un double divorce en Amérique, direz-vous, la belle affaire I » C'en est une très difficile, plus difficile qu'en Europe... à moins que vous ne soyez rprêt8 à rouler durant cinq jours et cinq nuits par delà la prairie et le désert jusqu'aux neiges qui couvrent l'Etat montagneux du Nevada. Reno? Rappelez-vous cette petite capitale perdue dans les Rocheuses I Là naquit la plus libérale des législations post-matrimoniales. Notez Reno dans votre livre d'adresses, car on ne sait jamais ce qui peut arriver! Qui dira l'influence du décor sur lesprit des lois? Comment un petit groupe de pionniers, mineurs, trappeurs ou bergers en arrivèrent, du haut de leurs rochers, à jeter un défi unique au vieux droit romain, au droit canon, au code Napoléon, à toutes les procédures passées ou présentes? A Reno, le contrat de mariage est déchiré par le bon plaisir d'une seule des deux parties. A dire vr cette volonté de l'époux plaignant doit se baser sur une peine, mais si légère!... Une femme n'a qu'à se présenter devant le juge avec cet argument : « Mon mari a refusé de m'acheter une automobile de course!» Un mari n'a qu'à dire : « Ma femme ronfle en dormant! » Il n'en faut pas plus. Cela suffit, en Nevada, pour regagner sa liberté. Mais c'est dans la procédure que l'audace des législateurs de Reno se révèle surprenante. Rien ne l'arrête, ni la nationalité des parties ni l'absence du défendeur. Qu importe la caste où l'union s'est accomplie, par raison chez des bourgeois, par amour chez de pauvres gens, par convenance chez des aristocrates! Reno se déclare compétent pour détruire le mariage par achat de l'Arabe, le mariage par rapt du Caucasien, le mariage par dot de la Française. Quant à la question de la résidence légale, elle est tranchée : le poursuivi doit comparaître devant le tribunal du domicile du poursuivant! Six mois de séjour en Nevada (il faut bien que l'industrie hôtelière delà région profite un peu d'une législation si hardie!) vous permettent de sommer votre conjoint — celui-ci séjourna-t-il en Chine ï — de comparaître à Reno dans les soixante jours, et ce, sous sanction d'une condamnation par défaut et définitive dans les quatre semaines qui suivent. Les lois du Nevada ignorent les délais de distance et d'appel. Une Française peut citer devant le jury de Reno un mari siamois qui habite l'Australie! (Jl suivre.) FeRRI-PiSANI