Cinéa (1922)

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clnéa UN NOUVEAU CHEF-D'ŒUVRE DE GRIFF1TH LES DEUX ORPHELINES Il ne faut pas trop crier au chefd'œuvre ni prodiguer le génie principalement en cinégraphie où le *imple talent constitue presque l'anormal. Si j'emploie ces deux mots périlleux et rares à propos îles Deux Orphelines et de Griffith je m'en excuse comme d'une offense à toutes les médiocrités de l'écran, mais les faits sont là qui commandent l'admiration et le respect. Griffith est un créateur de génie. D'autres ont pu engendrer des chefs-d'œuvre ou des manières de chefs-d'œuvre. Mais sa souveraineté d'art et de pensée exaltée et consolidée par des ressources matérielles énormes s'est si bien identifiée avec toutes les conditions techniques et la vie même de la cinégraphie moderne qu'elle garde à nos yeux les plus hautes vertus de l'exemple, de la règle, du symbole. D'un drame populaire mondial et assez médiocre Griffith a extrait une série de fresques mouvantes et colorées qui le dépassent magnifiquement. Ce n'est pas la première fois que nous voyons l'illustration éclipser le texte littéraire. Imaginez Les Deux Orphelines de d Ennery et Cormon, illustré a la fois par Jacques Callot, Fragonard, Watteau, Gustave Doré et Daumier et vous aurez l'équivalent de cette rupture d'équilibre que nous offre l'interprétation cinégraphique de Griffith. L'auteur d'Intolérance, du Lys Brisé, de la Rue des Rêves, cinéaste intégral, composa toujours lui-même ses sujets. Qu'est-ce qui le tenta dans Les Deux Orphelines que nous-mêmes nous commencions a oublier ? Je suppose que Griffith cherchant une action dans le cadre de la révolution française trouva bon de profiter d'une notoriété populaire aussi solide que celle du vieux romanfeuilleton. Il vit dans l'œuvre de d'Ennery une ample matière à tableaux puissants, à types essentiels, à mouvements sublimes. Il y vit aussi une occasion inespérée de réunir les deux talents fraternels de Lilian et Dorothy Gish dans une aventure qui convenait à leur sentimentalité et à leur génie des larmes. La partie esthétique pure est du meilleur Griffith. Une chose nous étonna : l'aptitude encore insoupçonnée de cet homme extraordinaire à manier des élégances subtiles et des somptuosités déliquescentes. Griffith était l'animateur des foules torrentueuses, des misères humaines, des douloureux déchirements. Il était une sorte de Zola philosophe et prophète. Il semblait ignorer nos grâces surannées, nos délicates roueries de civilisés décadents auxquelles le dixhuitième siècle imprimera des folies d'apothéose. Et voilà que tout s'anime dans ce chapitre des élégances monarchiques d'un mystérieux parfum que nous ne leur connaissions pas encore. Rappellerai-je quelques tableaux étourdissants de science, de vérité, de suavité ? Le petit salon du comte de Liniére8, véritable gravure de Moreau le Jeune ou de Debucourt, la grande salle des Tuileries, somptueuse, rutilante, énorme, délicate et fleurie, et surtout la fête du jardin chez le marquis de Presles, miracle photographique dont les yeux ne voudraient plus se détacher. Comme toujours et en tout, Griffith atteint à l'essentiel et ce qu'il nous donne est plus beau que la vie. A côté de ces pages si délicatement stylisées, la verve populaire de Griffith éclate en des tableaux d'un relief hurlant : voici la porte de Vaugirard, familière aux amateurs de gravures anciennes, la grande cour de la Salpétriére, qui est peut-être la reconstitution la plus formidable de toute l'œuvre, les perspectives du vieux Paris, charmantes d'effet, mais à mon avis, un peu trop archaïques et plus moyennàgeuses que révolutionnaires. La foule. Elle est dans les Deux Orphelines la voix qui plane, qui commande, qui opprime. Griffith l'a traitée comme lui seul sait le faire. Et il y a des mouvements de masses irrésistibles. Les types. Ils semblent gravés au burin dans un métal impérissable. Vus, on ne les oublie plus. Reste l'interprétation. Les moin-' dres rôles sont parachevés et les Deux Orphelines constituent une galerie de types purs comme des héros de Balzac. Lilian et Dorothy Gish n'ont peutêtre plus cette fois des rôles dominateurs. Elles évoluent dans l'ensemble avec leur grâce diverse, leurs minauderies savantes et délicieuses, leurs apprêts simples et troublants. Et comme on prend plaisir à les v réunies, ces deux vraies sœurs, dans le jardin heureux qui clôt le film! Comme il fallait s'y attendre, la présentation des Deux Orphelines par la Société des Films Erka, éditrice pour la France, donna lieu à une émouvante manifestation de curiosité et de sympathie. La saison 19221923 s'ouvre sous de magnifiques auspices. Epardauu.