Cinéa (1922)

cinéa cM^adame tallien On connaît la destinée douloureuse de ce grand et pur chef-d'œuvre. Interdit pendant la guerre par une censure pudibonde et farouche il dût attendre des temps meilleurs. Mais le monde entier l'avait consacré. Nous attendions avec calme et confiance que le public français fut admis, à son tour, à s'en réjouir. Madame Tallien, dont nous devons la vulgarisation en France à M. E. de Thoran, est de ces trois ou quatre filme éternels qui sont assurés d'un succès indéfini. Sa récente présentation à Paris causa, malgré tout le bien qu'on pouvait en attendre, une émotion considérable. Brieux, de l'Académie française, l'éminent auteur des Remplaçantes, écrivait : « J'ai été émerveillé par la mise en scène des épisodes de la Révolution et particulièrement par la reconstitution, de la fameuse séance du I Thermidor. Tout est d'un art, d'un mou venu' nt et d'une réalité rares. . » Brieux exprimait la l'opinion générale et nulle voix discordante ne s'éleva dans le concert d'éloges. On sait que Madame Tallien est inspirée île la pièce de Victorien Sardou Thermidor. Guazzonl, i>' prestigieux animateur italien, le metteur en scène de (Jno Vadiê et du Sac de Home, préside à sa réalisation technique et artistique. L'art de Guazzoni se révèle là dans toute son ampleur. Jamais son aptitude à manier les masses, à brosser les vastes tableaux où se joue la destinée des peuples, à camper les figures, ne trouva plus belle et solide matière. La Révolution française! Quel thème cinématique I Aussi beaucoup s'y exercèrent, en Amérique, en Allemagne et même un peu en France. L'italien Guazzoni dans cette compétition internationale, parait être celui qui comprit le mieux l'esprit révolutionnaire et conventionnel, celui qui réalisa cinégraphiquement avec le plus d'âme et de mesure le formidable mouvement de 89 et de 94. Madame Tallien nous fait assister aux prémices de la Convention, aux événements malheureux et secrets qui aboutirent le 9 thermidor (27 juillet 1794) à la chute de Robespierre et à la disparition de la Terreur. Sardou avec son sens prodigieux du théâtre v mêla une prenante histoire d'amour que Guazzoni fidèlement respecta. Madame Tallien, pure ligure de l'histoire, eut encore une douloureuse figure humaine. Son sacrifice su hiinie, puisque Thérêzla consent à épouser Tallien pour sauver Jean Guéry, l'homme qu'elle aime, constitue une haute action que tous les romantiques onl exaltée. De sorte que ce film historique — le plU8 beau îles films historiques fHi aussi un magnifique roman d'amour. Lyda Borelli interprète Madame Tallien. Sa plastique et sa grâce, le charme profond de son visage, sa puissance dramatique et lyrique communiquent à cette interprétation une valeur exceptionnelle. Autour d'elle gravitent de farouches révolutionnaires et toute une foule grouillante qui donne le ton à l'ensemble. La foule a, dans l'œuvre de Guazzoni, toutes les audaces, toutes les vertus, toutes les beautés. Conduite avec une science des effets consommée et une sûreté de main prodigieuse, elle domine, comme un souverain leit-mothi, la formidable fresque colorée et sonore. Les tableaux de Madame Tallien resteront avec certains épisodes de Griffith le modèle de la mise en scène des masses. On y puisera toujours d'utiles leçons pour les grandes reconstitutions que nous attendons îles cinéastes de l'avenir. La Prise de la Bastille et la séance du 9 fhermidor sont des réalisations cinégraphiques que l'on n'oubliera plus. Madame Tallien va partir pour son tour des écrans île France qui l'ont tant attendue. Les grands lilms I. de i horan qui groupent d< biria, Jules César, Spartacu», Marc Antoine et Cléopdtre, et les plus rameuses réalisations italiennes se sont enrichis d'un authentique chef d'oeuvre il n'était pas Inutile de le souligner. î i