Cinéa (1922)

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10 cinéa lique ! Les inspiratrices d'œuvres théâtrales, Champmeslé ou Rachel, oe aont plus que des noms, et Phèdre reste. Si les films duraient, les visages dureraient plus que les noms. Tant que les films disparaissent, les noms même disparaissent. La Rachel ou La Champmeslé de l'écran d'aujourd'hui a l'honneur de mourir à la même heure — prématurée encore, séculaire plus tard — que la symphonie d'images qu'elle suscita. La destruction forcenée des films, maintenant, est cause de cette sorte d'angoisse qui nous étreint à voir un artiste aimé Quand Paris s'enthousiasme pour la dlvette d'un sketch à musique de Maurice Yvain il n'y a point d'inquiétude ni de hâte, si fragile soit l'enfant. On sait que dans quarante ans les répétitions générales des Capucines ou de Bobino fêteront encore ces jambes et ces yeux dignes des visites mémorables de grands ducs ou de princes Gallois. Je me souviens de la tristesse aiguë qui m'opprimait quand un jour, enfin, Sessue Hayakawa creva l'écran de son sourire poignard. Enfant, fleur, poème, il était si simple qu'on voulait s'attarder à en tirer mille suggestions. Mais à quoi bon oser? Il semblait toujours que ce félin, égaré là par un caprice, bondirait à la minute suivante vers je ne sais quel refuge brillant interdit à nos regards. Et William Ilart — Rio Jim, la plus belle conquête du cheval — alignait sur l'horizon les flammes sévères de ses yeux minces, prêt à fuir aussi vers la crête des collines du Nevada. Je ne parle pas do Fairbank*. Il allait tellement vite, ce jongleur de soi-même, que nous étions rassurés. Nous savions bien que de voler aussi hâtivement par dessus les maisons, tout autour de la terre, il devrait nous retomber sur la tète au moins une fois l'an. Tout n'est que jet, tourbillon, intensité, ardeur à vivre et à périr dans ces jeux d'images. C'est notre souvenir qui fixe les portraits et moins d'une heure après que le film vertigineux nous a plu, la torpédo — devenue, si je puis dire, toile de style — repose dans le musée intérieur. Mais je ne vous décrirai pas le mien. Il n'a pas de catalogue. Peut-être les masques muets sont-ils étiquetés selon l'âge, les tics ou la nationalité : je n'en veux rien savoir. Je veux pouvoir y errer à mon gré et cueillir de l'œil ces images d'hier, d'avant-hier ou presque de demain qui m'ont ilonné le plaisir d'espérer. • Na/.imova est une complète œuvre d'art. Pourquoi ai-je vu deux êtres en elle ? Bien avant qu'elle songeât à Salomé, j'avais l'impression qu'elle aimait couper les tètes — la sienne en particulier. La saveur d'Emmy Lynn, voilà Emmy Lynn. Gina Païenne, souple mais retenue, a cette espèce de race qui ne se portait plus et qu'elle pourrait remettre à la mode. Pas Margot : La Princesse (ieorges. André Nox : une sérénité qui se ravage. Le sens de la Mort. Et le sens du cinéma. Je le redirai. Après Le Torrent, quelqu'un disait de Jaque Catelain que c'était un petit Nijinsky d'appartement. Il danse toujours, mais en dedans. J'aime bien Modot parce qu'il est Modot et aussi parce qu'il me fait penser à Machaquito, à Belmonte, à Granero, enfin à X, torero de muette. Van Daële : des yeux qu'on a vus quelque part dans Sienkewicz — ou au carrefour de Tchékhov. C'est l'homme aux jeux clairs. Yvette Andreyor n'a pas toujours de la chance, elle a toujours du talent : ces deux malheurs sont cousins siamois. Roger Karl, qui ne peut pas ne pas penser à lui, a l'air dépenser à autre chose. Il trouve la vérité dans cet abîme mitoyen et dans sa fausse joie désolée. N'est-il pas un sculpteur, Signoret, un sculpteur sur cire? Il crée un visage étonnant. Vite, il le détruit. Il encrée un autre, moins bien. Puis un autre, meilleur. Et ainsi de suite. Parfois on le croit vide. Mais il n'est qu'inépuisable. Pour moi, l'interprète de théâtre, c'est la Duse.et l'interprète de cinéma c'est Eve Francis. Je n'y peux rien changer. Mathot, intime et humain, a perdu bien du temps à de tristes films. Et Toulout, sobre et équilibré, a perdu bien du temps à détester les vedettes d'Amérique. Marcelle Pradot, infante taciturne, se promène dans les allées savantes des films de Marcel L'Herbier. Musidora, brave, dompte ses scénarios. Geneviève Félix compose avec des détails très gris des figures très claires. Max Linder est cinéma comme le cinéma lui-même. • Asta Nielsen est de la préhistoire des drames d'écran. Elle reste soi, très soi, pas très « film allemand». fora Teje, la chatte suédoise. Comme elle est femme! Son talent est chaud comme la fourrure du fauve endorr Les yeux de Mary Johnson, on peut les boire. Les yeux de Jenny Hasselquist donnent soif. Mais sa pureté sensuelle désaltère, — saoule au besoin. On ne connaît pas bien Mabel Normand, mais je crois qu'elle ne se connaît pas du tout. Et on ne sait pas encore s'il faut servir cette palombe à des paysans chasseurs ou, sur un plat d'argent, à raffinés. De Priscilla Dean on dit si volontiers qu'elle est méchante que nous nous prenons de pitié pour cette enfant battue, et battue par elle-même peut-être. Je parie qu'elle avait parié, Betty Balfour d'imiter Mary Pickford. C'est raté. 11 ne reste que Bettj Balfour, toute tendre, négligée, distraite, et puis savante quand il le faut — ou bien alors, on l'est pour elle. • Quand Mosjoukine représente un « grand de ce monde », nous pensons à Gorki. Quand il représente un paysan, nous pensons à Tourqueniev. Beaux morceaux choisis de roman russe. Sjostrom est dur et fin comme ces arbres du nord que le fleuve dérive jusqu'aux villes et qui font quelquefois crouler le pont en passant. Stewart Rome. Oui, c'est un acteur. N'attendez pas que Werner Krause soit passé pour écouter tout ce qu'il a voulu vous dire en secret. Charles Ray, les dames du monde disent : « \rous savez bien, celui qui jonc les gourdes. » Charles Ray est charmant, même depuis qu'il le sait. On a tellement peur que Nathalie Kovanko se contente d'avoir de beaux yeux, qu'on ne s'occupe pas de ce qu'elle fait. A-t-elle un cœur et des sens? Vous consentez tout juste à avouer que ses bras sont magnifiques. • Mary Pickford n'avait que des qualités et de la patience. Elle a obtenu une telle science de sensibilité, de