Cinéa (1922)

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12 AU PAYS DU FILM Souvenirs de Los Angeles (Suite) par FERRI=PISANI l'iiritaniftinc riii<'<|i-:i|»lii<|ii< Il n'y a encore que la compagnie de Pauline Frederick pour savoir voyager avec pompe. Aux portières du train spécial qui va nous emporter de Los Angeles à San-Francisco, se pressent des parents, des amis, des admirateurs. On pourrait croire que nous partons à l'autre bout du monde tourner des aventures dont aucun de nous ne reviendra. La foule aime à imaginer qu'une troupe cinégraphique court toujours au-devant du danger et les directeurs laissent croire, ce qui est de bonne publicité. Pourtant notre scénario ne saurait offrir aucune prise à l'émotion. Pas d'enlèvement, pas de naufrage, pas d'incendie, pas de course de chevaux ou d'auto, pas même de séance de boxe. Rien qu'une histoire de tout repos à filmer dans un décor de grands arbres, au bord du golfe de Frisco, sur lequel, parmi les transpacifiques empanachés de fumée, passe quelquefois un fantôme d'Extrême-Orient venu à la voile dans une jonque asiatique. Au premier rang de ceux qui resteront sur le quai, Mumsie et Lew Cody... Mumsie est la mère de Pauline Frederick, et Lew Cody est le fiancé. Les mères et les fiancés ont toujours joué un grand rôle dans la vie des vedettes au pays du film ; mais tandis que les mères construisent la gloire des étoiles, bien souvent les fiancés s'appliquent à la détruire. Les mères préparent la signature des royaux contrats que les fiancés dilapideront. Les mères sont la raison et les fiancés sont le sentiment. Les mères haïssent les fiancés et les fiancés le leur rendent bien. Mumsie, à n'en pas douter, haïssait Lew Cody le plus dangereux des fiancés, parce que le plus séduisant don Juan dans la vie et sur le film, sur les deux côtés de l'écran, grand buveur, grand joueur, grand coureur, d'ailleurs parfait artiste. Quatre fois déjà Pauline Frederick s'est mariée, et si Mumsie est incapable de la protéger contre la cinquième catastrophe sentimentale que Lew Cody prépare, du moins Mumsie attend patiemment cette heure inévitable de l'abandon où, triomphante enfin, elle consolera sa fille, Mumsie mérite de prendre place dans la Jà PAULINE FREDERICK dans L'Appartement n~ /? galerie des mères célèbres, entre Mme Pickford et Mme Talmadge. Leur exemple ressuscite au pays du film les grandes traditions du matriarcat, cette institution féministe et préhistorique qui donnait à la femme le commandement dans la tribu, en ces temps hyperboréens où les hommes étaient conduits au combat par les walkyries, instruits par les pythies, mis en rapport avec les dieux par les druidesses. Boîtes de chocolats, paniers de fruits, bouquets de fleurs, mouchoirs. Enfin, nous partons. J'ai tout un long jour de voyage pour faire cinéà connaissance avec la troupe. L'héroïne d'abord, dans la personne de Pauline Frederick? Dès le premier contact, je la juge simple, délicate, bonne; elle semble perpétuellement avoir honte des 200.000 dollars qu'elle gagne si aisément chaque année; elle s'excuse de son succès financier et elle aime passer dans la vie et sur le film comme l'éternelle victime des hommes, ce qui lui permettra, après sa nouvelle mésaventure matrimoniale d'offrir au destin sa malchance amoureuse en expiation de sa chance en affaires. Le Héros? Il est Anglais et ancien élève d'Oxford. Très intellectuel, il croit élégant de mépriser le grand art muet à qui pourtant il doit une vie large et oisive qu'il consacre à fumer la pipe et à lire Eschyle dans le texte. Il est très bien. Le Père noble est moins bien. Dès le début du voyage, il m'entraîne dans une partie de poker où, avec des cartes que je soupçonne truquées, il me vole le salaire de ma première semaine. Le Comique (une réédition de Fatty, mais en plus soigné, plus spirituel) cherche à chasser mes soucis nés des pertes au jeu : il aiguille mes pensées vers Frisco, dont il me vante les cabarets que l'on ne quitte qu'à 5 heures du matin pour aller finir la nuit dans la ville chinoise. Mais comme dans les sentiments, je recherche plus de délicatesse, j'essaie d'éveiller chez ma voisine, la Soubrette, quelque curiosité pour le monde des âmes. Hélas I les seules paroles que je parviens à amener sur les lèvres de la jolie enfant sont : « My dear, on m'a donné l'adresse à Frisco d'une nouvelle modiste qui a des chapeaux garnis de cornichons japonais! Ça doit être admirable I » On serait découragé à moins. D'ailleurs, il se fait tard. L'Héroïne rêve toujours à don Juan. Le Héros converse en grec avec les dieux de l'Olympe. Le Père noble cherche pour son poker une nouvelle victime. Le Comique ronfle. La Soubrette est plongée dans un journal de modes. Je suis seul. La même pompe qui avait présidé à notre départ de Los Angeles devait nous accueillir à notre arrivée à San-Francisco. L'hôtellerie de Beverley allait devenir le lieu de rendezvous d'un peuple avide de voir, d'approcher, d'écouter l'Etoile et ses satellites. (A suivre). Ferri-Pisam.