Cinéa (1922)

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clnéa LES ROMANS DE CINÉ A AU PAYS DU FILM Souvenirs de Los Angeles (Fin) par FERRI=PISANI A quoi «ert d'avoir tourné le meilleur film du monde si son producteur, comme la Compagnie de Jean Willard, reste indépendant, isolé, sans attache avouée ou secrète avec la « chaîne » des cinémas du trust. Le trust? Nous avons lâché le grand mot. Le ciné, la quatrième industrie des Etats-Unis, ne peut aujourd'hui, pas plus que les autres grandes activités yankee, vivre en marge du trust. Qu'est-ce que le trust ? C'est l'accaparement d'une richesse par un groupe de businessmen qui, désormais, contrôlent le prix de revient et de vente de cette richesse, en fixent la production, la circulation, la consommation. Si stupéfiantes que puissent paraître les méthodes de domination du trust, il faut reconnaître quecettetyrannieéconomiquea forgé les Etats-Unis modernes et fait de la petite Amérique coloniale de Washington le pays le plus puissant du globe. Le trust aujourd'hui gouverne tout ce qui se boit, tout ce qui se mange, se porte, se consomme, se vend, se gaspille. De l'indispensable au superflu, rien n'échappe à l'accapareur. Voici le trust de l'acier et son capital de 2 milliards de dollars Voilà le trust du tabac fort de 250 usines et de 00.000 boutiques. De Chicago, Le trust de la viande peut affamer no millions d'estomacs, qui dé> pendent du bon vouloir des trains glaciéres, de* flottes -frigorifiques, des journaux, îles banques, des entrepôts delà gigantesque organisation. Le trust du sucre possède 85 0 0 des raffineries yankee. le trust du pétrole guide toute la politique extérieure îles Ktats-Unis, l'ait la paix ou la guerre, envoie, lora de l'élection présidentielle, son candidat favori siéger à la Maison-manche. Il j a le trust des faux cols, le trust des jeux de hase-hall, le trust des théâtres, le trust des music-halls. Le trust du ciné, lui, B'étend sur 20. 000 écrans. Qui peut calcule! la puissance exacte ilu trust cinégraphique américain ? L'organisation centrale est formée par la Paramount, doublure des FamoiiH Players Laskjf, qui s'appuient sur un capital avoué de 32 millions de dollars. A lui seul, ce groupe contrôle 250 0 du film yankee, depuis la fabrication du celluloïd qui servira à la pellicule jusqu'à la projection de celle-ci dans le théâtre du plus lointain village. Car, ave/.-vous la naïveté de croire qu'en Amérique vous pourriez, vous, simple particulier, prétendre ouvrir n'importe où une salle de cinéma pour y exhiber l'histoire qui vous plaît ? Que non pas I A peine ave/.-vous fini de peindre votre devanture que déjà le représentant du trust se présente : « Vous allez montrer exclusivement nos films et à nos conditions. » Si vous résistez, un autre théâtre, alimenté par une caisse inépuisable, s'installera en face de votre salle. Si vous offrez vos places à vingt sous, le concurrent mettra les siennes à dix sous et, au besoin, il les offrira gratuitement. Pour vous écraser, la maison voisine changera son programme tous les soirs. Après soixante jours de ce régime, vous êtes en faillite. Le trust rachète votre affaire et, s'il veut se montrer généreux, il nous offrira peut-être le poste de gérant dans votre ancienne affaire. Autour du trust, il y a les sous-trusts. Leurs combinaisons sont infinies. Hors d'elles, pour le directeur, l'interprète, ls scénariste, le photographe, l'cxhi biteur, le commanditaire, pour n'importe qui i) n'v a pas île salut. Le film de ,|ess Willard devait marquer La lin sportive du champion — et ma propre lin cinégraphique. Ce ne lut pourtanl pas,chei moi. faute d'avoir rempli avec conscience mon rôle. Refusant les* doublures •• auxquelles ma position d'acteur me .Ion nait droit, je n hésitai pas à me livrer durant ileux semaines aux plus ûan gereuses acrobaties. Je conduisis des charges vertigineuses <>à des coiffeurs et savetiers mexicains de Los revh aient a\ ,v H Op de fOUgUe les exploita tic huis ancêtres indiens. Je me laissai, sous l'œil impassible de l'objectif, assommer, moi et douze autres bandits, sous les poings vengeurs du champion. Je tombai du haut d'une falaise dans la mer, en compagnie d'une voiture qui se brisa et d'une mule qui se noya. Mais voilà qu'au cours de l'épisode capital, ayant à assommer l'Ingénue à coups de crosse de revolver sur la tête, je fus pris d'une faiblesse soudaine. Il y a dans la légende païenne de ces bras qui, arrêtés par une force mystérieuse, retombent inertes, incapables de sacrifier l'innocente victime. Il fallut reprendre la scène deux fois, cinq fois, dix fois. Après une demi-heure d'efforts, le directeur me cria : — Vous venez de me faire perdre trente minutes et 1.250 dollars î Et encore. VOUS tuez mal J Cinq cent mille dollars de dépenses faisaient, pour les vingt jours, 2."). 000 dollars par jour, et à dix heures de travail... I.e metteur en scène calculait avec précision ! Et encore, je tuais mal! Le mot fit fortune en défaisant la mienne. Je ne fus plus pour tous qu'un criminel honteux qui, après avoir franchi toutes les étapes du crime, s'arrête soudain, au dernier geste, et, pris de peur, claque îles dents et sans offrir de résistance attend son arrestation par les sergents de ville que le concierge a annuités. Dans tous les studios où j'allais me présenter maintenant, j'étais reçu par la phrase méprisante : « Oui... mais nous tue/ mal ! » L'espoir de nouveaux rôles de vilain s'écroulait Allaie-je recommencer au dernier échelon de la carrière cinégraphique, retourner comme extra dans les foules, tenter île franchir les dures étapes d'un nouveau » i\ pe I .' Je m m'en sentais plus le courage. Je dis adieu à Los Anfvlos et au ciné américain. Ma retraite ne me laissait d'ail leurs aucune amertume. J'avais été l'ami du vagabond Kalikao ; j'avaia immé parjess Willard. champion du monde. j'a\ ais aussi, un jour, revécu la plus eniolionnanlc page de Manon l escaui et toutes c es admirables choses m'étaient advenues dans l'espace d un an. Il \ a dis existences d'hommes qui. en trois quarts de Siècle, ont ete moins remplies que mes douas moi-, de ^ le au paj s du tllm i Pisa I l\ Dans notre prochain numéro : CIIAUKINL, DEMOISELLE PHOTOGENIQUE, roman pur Louis Dclluc.