Cinéa (1923)

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cinéa 17 Les Romans de ' Cinéa " CHAGRINE, DEMOISELLE PHOTOGÉNIQUE — Te voilà figurante, Chagrine? — C'est farce. Figures-toi que je n'ose plus vous dire « toi ». On est tellement dans le business à présenti La caserne, quoi. — On se tutoie à la caserne. — On ne tutoie pas son adjudant, c'est un frangin qui me l'a dit. — D'abord, tu n'as pas de frangins, ensuite tu... Vous savez, monsieur Daglan, que je ne suis pas figurante... J'ai un petit rôle... je représente une danseuse napolitaine dans un bar de luxe... Voyez-vous ça... — Comment as tu trouvé cette occasion? — Par vous... — Bahî Par moi? — Voui, voui et revoui. Un soir de Champagne (pouahî) vous m'avez signé quelques cartes pour faire visite à ce que vous appelez des metteurs en scène. — Bravoî Mais Tobbie me répétait : « Tu devrais... » — Je les ai vus, tous vos amis. — Ils t'ont reçue gentiment? — Je crois bien. J'avais mon brillant au petit doigt et je montrais ma main. — Petite sceptique I — AhT parole de moi, ça faisait de l'effet. — Tu ne l'as donc plus, ton brillant? — Heu, oui, non... J'ai eu un ami qui était dans l'embarras rapport à la Bourse. — Tu as trouvé facilement un rôle? — Non, puisque je le demandais. — Qui as-tu vu? Elle éclate de rire. J'ai commencé ma tournée par le baron. — Quel baron? — Tu sais bien, le baron en li ou en lui. — Baroncelli? — Si tu veux. Il est très aimable. Il n'a pas écouté une syllabe de ce que je lui ai dit. Il s'était posé sur le seuil du studio et distribuait des ordres contradictoires et précis à la monteuse, à l'électricien, au chef accessoiriste, à la demi-douzaine de gigolos timides qui lui servent d'état par LOUIS DELLUC (Suite) major. Au moment de s'envoler, il passa la main avec précaution sur ses ondulations dorées et me fixa, où peu s'en faut, d'un œil artiste. « Donnez votre adresse à Joubert, me dit-il très tristement... Je ne puis rien vous dire.., je ne travaille pas autant que je le voudrais... Huit films dans l'année, quelle misère!... et je ne demande rien que le silence, Avignon, l'Eclair, Le Bonheur universel... Tenez, je suis surmené... J'ai fait les « intérieurs » du Rêve en Provence, et je fais les « extérieurs » dans le studio... Ah! le cinéma, c'est charmant, charmant, charmant... Je trouve que mes films ne valent rien, mais je n'admets pas qu'on ne dise pas de la. Rose tout le bien que j'en pense. Donnez votre adresse à Joubert... je vais renoncer au cinéma... Je penserai à vous pour mon prochain film... Je m'éloignais pendant qu'il disait des choses du même genre à une dizaine de quémandeurs de mon espèce, alignés comme oignons secs dans une vérandah glaciale. — Alors ? — Alors, j'ai quitté Neuilly. Je suis venue aux Buttes Chaumont avec mes derniers dix francs. — Tes derniers dix francs? Et ton brillant?... — Je ne l'avais plus... C'est après la Bourse... — Ail right I Qu'as-tu vu au Studio des Buttes Chaumont ? — M. Feuillade. — De ma part. — Oui et non, j'étais si intimidée que je n'ai pas pu lui dire un mot. Et il a tant d'aisance lui. Il me fait penser à un professeur de lycée que j'ai connu et à un honnête dompteur. Et il avait l'air de voir la vie en rose, tandis qu'il contait des histoires chaudes à Biscot, et à Sandra Milowanof. Mais il redevint soucieux quand je 1 abordai : « — Ma petite, fit-il, je ne vous oublierai pas... Vous savez monter à cheval ?... J'ai justement besoin d'un motocycliste pour La Princesse de Clèves, mon nouveau roman feuilleton. Vous n'êtes pas envoyée par un journaliste au moins?... Les journalistes, les journalistes, voyez-vous... Oh, j'ai été journaliste avantyiu/cx-... « — Justement, risquais-je, je connais à Nîmes votre ami Cassouty qui m'a dit : « — Ah vrai, Cassouty, eh bé oui ! Et comment va-t-il? Oh nous ne manquions pas une corrida, nous deux... Le jour que Gallito est venu, voila une date, oui, ah, oui, voilà une date, Gaona aussi est venu... Et Machquito ! il était digne d'être de Nîmes, celui là. . et... mais vous devez avoir la collection du Torero. « — Je lui confiai que son journal d'oficiunados n'avait eu pas de meilleur lecteur que... toi... qu'un de mes bons amis lui dis-je... je m'échauffais à discuter avec lui des mérites de Belmonte, et de Paco Madrid, matadors illustres, que je n'ai jamais vus, non moins que des bêtes éduqués par Tabernero ou Santa Colonna, que j'ai vues à Mont-de-Marsan. Il s'épanouissait d'aise. « — Je vois, disait-il, je vois que vous comprenez notre art . Vous ferez quelque chose. « — Je ne demande qu'un petit rôle, un tout petit rôle. « — Vlan il redevint tout à fait sombre. <' — Hum î fit-il, donnez donc votre nom et votre adresse à mon régisseur. La porte en face. Bonsoir. « — Il cria à la cantonade î « — Faites entrer M. Arthur Bernède... » — Et voilà ! — C'est tout ? — Oh ï que non pas... j'avais encore trois cartes de visite de toi, M. Daglan... et je suis allé voir ton ami Louis Nalpas... Il m'admit dans 8on cabinet que décorent des broderies turques. Celui-là n'avait pas l'air pressé. On eût dit d'un personnage (de premier plan) des mille et une nuits. J'étais même assez étonnée de ne pas voir quelques houris, ou à la rigueur — un stock de bayadères voleter autour de sa grâce rêveuse. Son complet me parut d'ailleurs médiocrement coupé et j'eusse préféré tel manteau de soie avec culottes de la même couleur dont parlenlles contes. (A suivre)