Cinéa (1923)

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clnéa 17 Les Romans de ' Cinéa CHAGRINE, DEMOISELLE PHOTOGÉNIQUE « — Votre activité, légendaire, commençai-je... « — Le cinéma, dit-il avec un sourire d'enfant, le cinéma c'est du cinématographe... Reste à savoir ce que vous appelez un film... Quand je cherchais des éclairages avec Gance, j'aurais dit comme vous... mais il y a eu La Sultane de l'Amour... Le cinématographe est un brasier merveilleux... Mais il est impossible de savoir ce qu'on doit en penser... Bien entendu, il faut que vous fassiez de la mise en scène... « — Ma foi, monsieur, un petit rôle me suffirait, j'ai une garde robe modeste mais digne, et je crois que photogéniquement... « — Parfait! On tourne demain. Rejoignez mon régisseur à huit heures et quart devant le Casino Municipal. « — Où donc ? « — A Nice, naturellement. « Je lui exprimai hâtivement ma reconnaissance et m'en fus escortée jusqu'à l'huis par deux esclaves aux chairs pain d'épice sanglés dans des complets gris de perle ». — Comment trouves-tu ça ? — Je trouve que c'est se faire des relations. Tu as continué, naturellement... — Par une dame très bien... une charmante étrange personne autoritaire et confuse, tu sais... Elle m'a dit tous ses projets . . L'Invitation à la valse et Boris Ciodounow, quelquechose dans ce goût là, et elle m'a engagée, mais pour l'année prochaine, comme de juste, parce que pour cette année, c'est complet partout, elle a engagé beaucoup d'autres personnes déjà. — As-tu vu Marcel L'Herbier? — Oui, au dessert. Hein? — Je veux dire que c'était ta dernière carte .. Je l'ai vu entre son secrétaire qui n'en finit plus et son jeune premier qui a tout du roseau pensant... il s'est discrètement caché derrière son monocle... il m'a dit un « oui » qui ressemblait à un soupir, et s est envolé comme Karsavina... Le lendemain j'étais convoquée, aussitôt on a coupé la scène quelqu'un par LOUIS DELLUC (Suite) a dit tristement : « Si seulement c'était la censure qui avait coupé... » et j'ai touché quarante cinq francs. — Et puis ? — Et puis j'ai fait le compte de mes dettes. Le soir même j'entrais comme cinquième chahuteuse au french cancan du Moulin Rouge I C'est là que... Elle s'arrête, souffle un peu, lève le nez vers le toit de vitres où la pluie ne vacarme plus. — Tu es devenue très éloquente, Chagrine, depuis que tu t'occupes d'un art où on ne doit pas parler. Elle rit, pirouette comme au finale du quadrille, et reprend : — C'est là que... Une basse beugle au loin : — Où est Mlle Johnson? Mlle Vera Johnson ; on vous cherche, où êtesvous ? Un sous-régisseur obèse traîne ses grâces d'éléphant en hurlant : — Vera... Non, mais des fois, Vera, grouille-toi, nom de Dieu... Ma petite danseuse s'évade, légère, menue, imprenable. II Le studio crépite de bruissements sans nombre Un doux bruit de hautbois et de fifres qui cherchent le la. Dans cette ample verrière le soleil revenu semble élargir les sons et les rythmer parfois. Quand l'aide électricien laisse tomber son câble à bouches de fonte, l'oreille fait la grimace, dirait Chagrine. Je la vois, là-bas, la petite énigme, masquée de blanc, silhouettée par la projection du sunlight arc, tout occupée d'épanouir — ballerine I ballerine T — sa robe rose à volants plus roses. Je gage qu'on l'a chargée de représenter une fille de famille en flirt avec le vicomte de ci ou ça, représenté — lui — par un comique de café concert. Des échelles, mêlées aux pans des décors, s'inclinent aux cloisons. Un figurant fume en tapinois derrière le poêle éteint. Cinq ou six drames affreux se partagent la halle à images. Jocelyn meurt sur son petit lit ; Margot soupire dans un luxe intempestif. Don Juan convoite la fille du commandeur ; des cousettes guinchentdans un caboulot fleuri de guirlandes en papier vert ; les phares se croisent et bourdonnent indifférents à ces passions contradictoires qu'ils dominent jusqu'au moment où leur charbon cardiaque cesse de vivre. Un régisseur siffle pour imposer le silence. Le régisseur voisin glapit comme un sourd. Une douairière, à l'œil cruel, fait la cour à un adolescent. Pourvu qu'elle laisse les os T... Le chef jardinier arrose gravement un massif de fleurs artificielles, le chef accessoiristes fixe d'un clou sévère une jeune tulipe qui baissait le nez. La dame du magasin de meubles surveille ses collections et s'étonne probablement que les barbares ne cassent pas, plutôt que les siens, les mobiliers qu'ils ont apportés. Une cloche sonne de temps en temps, pour évoquer les arrivées de grands express. Le phonographe de Gina Païenne évoque la préférence des mœurs de paquebot. La robe rose à volants rose de Chagrine va et vient dans les lumières chimiques, et la scène en cours semble étonnante. Le vieux comique de café-concert — rôle du gentleman racé — souffle d'étranges : « Ts... Ts... Ts... » en mimant. Chagrine le nargue de gestes de mains empruntés aux petits jeunes gens badins. Alors, surgit, ce gaillard de Barbel, un grand diable bien bâti, superbe, idiot, autoritaire, bruyant comme un tragédien de Conservatoire, et pourvu lui aussi d'un rôle distingué. Il invente du texte. Quelle aisance T — Baron, dit-il, quandj'ai eu l'avantage de vous causer.,, chez la Princesse d'Uzès, à vrai dire .. Ça se corse. Le metteur en scène, Chinouelle, bée d'admiration. Il a composé un décor savoureux où le fauteuil moyenâgeux, la table de Mam, les rideaux de peluche, le sopha redondant, le bronze de Barbedienne, le lustre Louis XV et les chromos style calendrier des P. T. T. s'accordentsous les feux impudents de l'électricité. (A suivre)