Cinéa (1923)

Record Details:

Something wrong or inaccurate about this page? Let us Know!

Thanks for helping us continually improve the quality of the Lantern search engine for all of our users! We have millions of scanned pages, so user reports are incredibly helpful for us to identify places where we can improve and update the metadata.

Please describe the issue below, and click "Submit" to send your comments to our team! If you'd prefer, you can also send us an email to mhdl@commarts.wisc.edu with your comments.




We use Optical Character Recognition (OCR) during our scanning and processing workflow to make the content of each page searchable. You can view the automatically generated text below as well as copy and paste individual pieces of text to quote in your own work.

Text recognition is never 100% accurate. Many parts of the scanned page may not be reflected in the OCR text output, including: images, page layout, certain fonts or handwriting.

20 clnéa V A N I N A Ce film angoissant de ÏUItra-Film passe en exclusivité au « Ciné Opéra Nous avons déjà signalé à nos lecteurs cet émouvant et original drame d'amour qui se rattache à l'authentique histoire d'une conspiration italienne, au temps des républiques rivales. Le film nous avait paru d'une puissance tragique et lyrique singulière avec un mouvement irrésistible qui entraînait l'action vers son dénouement à la manière d'un torrent impétueux. Nous avons revu Vanina toujours sous l'égide delà marque Ultra-Film, au Ciné Opéra où il passe actuellement en exclusivité. Et notre impression première s'est confirmée. Dramatiquement, cette œuvre filmée est conçue et bâtie tout en logique et en force. Quelques heures seulement séparent les prémisses de la conclusion et, le sujet étant posé, l'action se déroule avec une rigueur implacable jusqu'au dénouement qui éclate alors comme un brusque arrêt de la fatalité. Les grands drames antiques, Œdipe Roi, Antigone, où le «fatum» jouait toujours le rôle essentiel, où encore certains drames de Shakespeare ont, seuls, cette continuité dans le développement du malheur humain. Le sujet mérite d'être rappelé. Le voici réduit à ses lignes essentielles : Une insurrection éclate dans la ville dont le gouverneur, paralytique cruel et tyrannique, a soulevé la haine générale. Le palais est envahi à l'improviste, au moment d'une soirée dansante. Le jeune chef des insurgés, dans le désarroi delà panique que ses partisans provoquent, se rencontre avec Vanina, la fille du gouverneur. Il ne la tuera pas, car elle est belle. Et dans la seconde où il hésite, un sentiment tendre naît au fond de son cœur. Un long baiser scelle l'accord secret. Mais le mouvement insurrectionnel est étouffé; les envahisseurs ont été refoulés par la garde du palais. On amène un prisonnier de marque au gouverneur. C'est le jeune chef auquel Vanina a livré son cœur. Il va être châtié et la mort seule peut punir sa trahison, mais Vanina s'interpose. Le jeune homme n'est pas un insurgé. C'est son fiancé. Elle réclame sa liberté. Le gouverneur feint de se soumettre et d'accepter ce gendre imprévu. Il consent même à faire célébrer le mariage sur l'heure. Une condition cependant s'impose : le chef livrera les plans de la conjuration. Un violent combat va se livrer dans l'âme du jeune homme. Son premier mouvement est de rejeter avec colère le marché infâme. Un regard implorant de Vanina l'oblige à rentrer en soi, à mesurer l'infini accablement de leur double perte quand l'amour radieux s'offre à leur jeunesse. Par amour, le chef consent à trahir les siens. Mais le gouverneur n'a pas de parole quand il s'agit de châtier ses ennemis. Les plans livrés, le mariage célébré, sa terrible vengeance s'accomplit. Et, malgré les supplications de sa fille, presque devant ses yeux, il livre le rebelle au bourreau. Tel est, dans son effroyable raccourci, le sujetde Vanina. Une courte nuit s'écoule entre le bal du palais et la mort du jeune chef. Entre ces deux événements extrêmes plusieurs actions superposées et solidaires se développent : l'attaque de la ville, l'idylle tragique entre Vanina et l'insurgé, le plan de vengeance du gouverneur. 11 y a là, au cinéma, un élément nouveau ou, du moins, un moyen dramatique dont on n'avait jamais usé avec autant de rigueur et de force. Et l'angoisse naît dans l'esprit du spectateur de ces images accumulées de mort qui plane, de tendresse libératrice, de tyrannie souveraine dont aucun pardon n'est à espérer. Le dernier mot reste à la cruauté, au châtiment impitoyable. Il y a la même continuité et la même unité dans le décor que dans l'action. Quelques salles du palais, les souterrains de la prison. Voilà pour les «intérieurs ». Quelques rapides « passages » de rues, la grande place du palais. Voilà pour les « extérieurs ». Ici et là nul truquage. Le décor est réduit à l'essentiel et ne sert qu'à encadrer les trois figures-types de ce terrible drame d'amour et de sang. On remarque à ce point de vue une stylisation très poussée du décor intérieur et du décor extérieur, tout à fait conforme à l'allure symbolique des -personnages. Esthétiquement, il n'y a, dans Vanina, aucune recherche vaine de beauté factice et superficielle. Le grand art ne s'embarrasse pas d'artifice et la vie dispense de subtilité. 11 faut donc, à notre avis, chercher la beauté de Vanina dans la force et la logique du sujet, dans le développement progressif de l'émotion, dans la parfaite cohésion des interprètes incorporés au drame et au décor. L'attention ne se détache pas une seconde de ces éléments prédominants et les amateurs de « distraction », ceux qui recherchent surtout l'amusement au cinéma, seront déçus à Vanina, s'ils ne sont pas prévenus. Nous dirons quelques mots des interprètes, des trois interprètes qui supportent tout le poids de cette action rapide et écrasante. La grande artiste danoise, Asta Nielsen, joue le rôle de Vanina avec une double force lyrique et dramatique qui l'apparente aux plus grandes tragédiennes. Nous goûtons en elle ces silences et ces immobilités auxquels l'art Scandinave nous a habitué mais qui revêtent ici une expression d intériorité particulière. Toute l'interprétation, d'ailleurs, est d'une homogénéité parfaite. Il faut faire une place à part à l'artiste qui joue le rôle du gouverneur et qui a composé, de cette terrible figure, un type inoubliable, monstre de volonté et de cruauté, symbole de froid égoïsme.