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Courrier d'Allemagne
Berlin, le 25 février 1913.
Une pâle lumière commence à percer les ténèbres où le marché cinématographique est plongé. Des contours sç précisent. La situation s’éclaire. Déjà s’affirme l’Ixtrême antipathie de la majorité des éditeurs à s’enfermer dans les liens juridiques d’une nouvelle convention. Chacun se refuse à aliéner encore une fois sa liberté reconquise et, s’il est encore quelques partisans tenaces du groupement quand même, leurs tentatives isolées sont vouées irrémédiablement à l’insuccès.
Une des conséquences du dernier conflit aura été de hâter le passage des fabricants au système de la location directe qu’inaugura en octobre la maison Pathé et qui, dès ce moment, fut considéré par tous les esprits avisés comme l’issue vers laquelle s’acheminait en tâtonnant d’industrie du film. Les divergences qui ont éclaté au sein de la convention et ont amené sa fin prématurée n’ont fait qu’accélérer la marche des événements.
Déjà en outre de Pathé, deux fabriques allemandes, de renom, la Vitascope et la Bioscope ont débuté dans cette voie, tandis que la Nordisk de son côté annonce son intention, en raison de la situation actuelle, de modifier ses méthodes de vente et de céder à trois loueurs le droit exclusif d’exploitation de ses films pour toute l’Allemagne. Ceci revient du reste à la location directe, puisque dans ce cas comme dans l’autre l’éditeur conserve sur les bandes qu’il émet un contrôle absolu.
Il n’est pas douteux que d’autres fabriques suivront, de sorte qu’à court délai il sera devenu tout-à-fait impossible d’acquérir en Allemagne une vue cinématographique émanant d’une marque de quelque importance.
Chose curieuse, l’opinion du monde cinématographique, hier encore si antipathique à l’idée même de monopole, envisage avec tranquillité cette nouvelle organisation du marché qui correspond à la consécration du monopole. Je suis surpris de rencontrer un courant plutôt favorable au nouveau système. D’aucuns y voient le remède définitif qui guérira infailliblement notre industrie de tous ses malaises et de toutes ses verrues.
Sans partager cet optimisme thérapeutique, il serait cependant injuste de méconnaître les avantages certains de la méthode et le progrès qu’elle réalise à l’égard de la règlementation étroite et égoïste du passé, ou de l’anarchie de l’heure présente.
L’exploitant jouira désormais de la faculté de composer à son gré ses programmes, non plus seulement comme autrefois, en ce qui concerne les premières semaines, mais aussi pour les films de vision ultérieure. En effet, quelque grande que fût la bonne volonté du loueur auquel il s’adressait, le choix de 1 exploitant se trouvait forcément limité aux achats de son intermédiaire. Cet inconvénient disparait et si, ainsi qu’il est probable, la majorité des grands producteurs entre dans la voie de la location directe, c’est sur l’ensemble même de la production que le choix de l’exploitant pourra s’exercer à présent.
Les fabriques y trouveront également leur intérêt. Fixant suivant les besoins les prix de location, elles auront en outre la possibilité de régler leur production, en ne livrant de chaque film que le nombre de copies qu’elles jugeront nécessaires à l’amortissement de la bande. Et l’on n’assistera plus au spectacle économiquement lamentable de ces œuvres qui après un succès énorme en première vision, — chacun les ayant voulu avoir en première semaine, —