Cine-Journal (1914)

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— 10 — pu rencontrer, dans le cours de notre enquête, dont les souvenirs peuvent être assez précis pour établir, à peu près exactement, la première période de la cinématographie sur les boulevards. Laissons lui donc la parole. Comme vous l’avez indiqué dans votre précédent article, nous dit-il, c’est au Grand Café, qui fait l’angle de la rue Scribe, que les frères Lumière installèrent de la façon la plus rudimentaire la première salle de spectacle cinématographique dans laquelle un public payant était admis. C’est au mois de décembre 1 895 que les premières représentations eurent lieu dans ce sous-sol inoccupé. La cabine de l’opérateur était située derrière les spectateurs, dans une loge drapée de velours. La salle contenait une centaine de spectateurs environ, et la représentation durait vingt minutes, pendant lesquelles passaient sept ou huit vues de I 7 mètres. Le programme était alors composé avec des films documentaires, de voyages, et quelques vues comiques tirées surtout des dessins de Caran d’Ache. On changeait à cette époque une ou deux vues par mois, et c’est dans le cours de cette exploitation que fut projeté l’enterrement de Félix Faure, qui se composait d’une qumzaine de bandes de 1 7 mètres chacune. C’est l’époque typique par excellence, nous déclare Gabriel Kayser; jamais le Grand Café ne revit de cohues semblables. Un public nombreux, curieux et impatient, faisait une queue qui se prolongeait jusque dans la rue Scribe, et cela de deux heures de l’aprèsmidi à minuit. Un cordon d’agents était en permanence pour maintenir la foule et assurer ainsi un service d’ordre. L’entrée et la sortie du cinéma se faisaient par le petit escalier qui existe encore et par lequel on accède aujourd’hui dans l’académie de billard qui occupe précisément le local précité. Si les frères Lumières firent de fabuleuses recettes, le Grand Café ne devait point s’en plaindre, car les spectateurs étouffaient littéralement dans ce sous-sol, où aucun ventilateur n’était installé. Aussi avait-on l’impresion pendant les vingt minutes que durait le spectacle, de se trouver dans une salle de sudation. La terrasse du Grand Café remettait les choses au point avec ses rafraîchissements. Cette exploitation se poursuivit plusieurs mois avant de cesser d’une façon définitive. En août 1 896, je m’installe à mon tour dans le passage de l’Opéra, à l’emplacement où s’élève aujourd’hui le Théâtre Moderne. Je donnais 1 5 à 20 séances par jour, et chacune d’elle ne dépassait pas un quart d’heure. Je ne possédais d’ailleurs que trois ou quatre films Edison de 22 mètres de longueur, qui représentaient la Loïe Fuller, la Belle Fatma, la Danse du ventre, et un combat de nègres dans un tunnel. Les appareils de l’époque nous jouaient quelquefois des tours pendables. Comme on ne pouvait pas cadrer le film, les spectateurs apercevaient de temps en temps les personnages en double, et chaque fois qu’un décadrage se produisait, le public devait attendre quatre ou cinq minutes que le tout fut remis en état. * * * On ne pouvait malheureusement que se servir d’appareils imitant plus ou moins ceux de MM. Lumière, mais fonctionnant beaucoup plus mal. En effet, MM. Lumière frères avaient formé une Société dont les statuts comportaient une clause dans laquelle ils s’obligeaient à exploiter eux-mêmes leur invention dans tous les pays. On comprend aisément pourquoi une masse d’inventeurs après la lettre s’attelèrent à la question, essayant de mettre sur pied un appareil similaire; mais très peu réussirent d’ailleurs. Le premier appareil fonctionnant à peu près normalement fut établi par un employé de commerce qui prétendait être, en qualité de mécanicien, ancien collaborateur des frères Lumière. Une démonstration de cet appareil eut lieu au café du Globe, démonstration à laquelle on avait convié plusieurs capitalistes. L’appareil devait projeter et prendre des vues, mais dans la réalité il ne pouvait ni 1 un ni l’autre. Aiguisé par l’espérance, l’engouement fui tel que c’est par mon intermédiaire que ce fabricant occasionnel vendit 12.000 francs au comte de Maroussen sa production industrielle. L’acheteur, très fier de son acquisition, engageait alors un ingénieur des arts et manufactures et l’emmenait en Autriche, avec des appointements considérables, pour faire fonctionner le dit appareil et prendre des vues. Il désirait surtout prendre les fêtes du Jubilé de François-Joseph, afin de les fixer dans la postérité. Il n’y put point parvenir. Seul Gabriel Lépée réussit en 1897-1898 à réaliser un appareil convenable, qu il fabriqua à Sainte-Suzanne.