Ciné-journal (1914)

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Sur une Tombe... Lucy Jousset Mlle Lucy JOUSSET C' était une petite actrice. Elle vient de mourir, brusquement. Elle avait eu deux sœurs qui n étaient point de théâtre, mais qui étaient jolies comme elle. Souvent elle disait : — Mes sœurs sont mortes très jeunes, tout à coup. Elle savait quelle était condamnée à ne point vieillir. Mais elle ne s'en attristait point. Elle refusait obstinément de se soigner. Elle ressemblait ainsi à Thyra, l’héroïne du Phalène. Comme elle, Lucy Jousset voulait vivre gaiment, violemment, puisqu’elle n’avait devant elle qu’un petit nombre d’années. Jamais je ne l’ai vue mélancolique. J’aperçois ses yeux qui brillaient étrangement et qui s'alanguissaient. J’entends la clarté de son rire. Elle portait des robes hardies, des coiffures inattendues. On la sentait toujours très souple. Elle n'avait nulle prétention littéraire; si elle avait songé à s’analyser, à se définir, elle se serait qualifiée de païenne. Pauvre Lucy!... Et nous ne la reverrons plus... Ou plutôt, — et c’est plus terrible encore, — nous la reverrons! Je ne parle pas d'un monde futur. Nous la reverrons sur l'écran du cinéma. Nous la verrons rire, faire des gestes burlesques. Car elle a posé pour les vaudevilles de M. Georges Feydeau, dont on a fait des films. Le metteur en scène, — M. Marcel Simon, — me vantait même son grand talent. Elle avait devant elle une carrière très brillante. Elle excellait dans ce travail délicat. Dans tous les quartiers, le public rit aux éclats en voyant Monsieur chasse. Cette jolie actrice qui plaît et qui amuse, cette actrice qui rit, qui court, qui s’agite, c’est Lucy Jousset! C’est la morte. Jadis, les ombres harmonieuses se promenaient dans le royaume du repos. Aujourd'hui, elles tremblent sur les écrans. Elles sont un divertissement pour la foule. Je ne sais rien de plus douloureux. Mais qui sait? Ainsi on échappe un peu à la destruction. C'est une forme de gloire. C’est une façon de se survivre. Elle n'est pas tout à fait morte puisqu’elle fait rire encore! Nous, qui l’avons connue, nous nous la rappellerons avec plus de recueillement, et j'ai tenu à déposer pieusement près d’elle, comme un bouquet printanier, des souvenirs et des pensées. Nozière.