Cine-Journal (1914)

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— 65 — LA CRISE DES THÉÂTRES Le Triomphe du Cinéma Le monde du théâtre n’est pas, en ce moment, moins en émoi que celui de la politique. La retraite de Gabriel Astruc, l’insuccès depuis longtemps prévu d’Antoine à l’Odéon, 1 ont mis sens dessus dessous. Ces liquidations désastreuses, surtout celle du créateur du Théâtre Libre, permettent de mesurer enfin l’étendue d’un mal qu’on soupçonnait déjà, que d’aucuns dénonçaient, mais auquel beaucoup se refusaient à croire : le théâtre est malade, le théâtre se meurt. Cette constatation faite, l’on cherche de tous côtés la raison de cette fin inattendue et l’on est à peu près unanime à déclarer que le théâtre est tué par le cinématographe qui triomphe de toutes parts et fait encaisser à ses promoteurs des bénéfices fantastiques, de véritables fortunes. Cette fois, la cause indiquée n’est que trop réelle. Dans les petites villes de province, tout au moins, le théâtre a bien été vaincu par le cinéma, il a fermé ses portes, disparu, cédé la place aux montreurs de films. On espérait que les grandes villes, que Paris, tout au moins, résisteraient. Mais la déconfiture de M. Astruc à rOoéra des Champs-Elysées, suivie de celle de M. Antoine à l’Odéon, a dessillé les yeux des plus incrédules. Paris luimême est gravement atteint. L’on a déjà dit et répété cent fois quelles sont les causes de la fortune rapide du cinématographe, qui sont à dire le vrai les mêmes que celles du succès des cafés-concerts, il y a une cinquantaine d’années : le bon marché des places et la variété du spectacle. Pour quelques sous, l’on peut voir se succéder sur l’écran les événements du jour, des scènes de la vie réelle, des voyages en tous pays, des tableaux de mœurs, et aussi de petits drames plus ou moins larmoyants, des comédies poignantes ou gaies, des farces réjouissantes. Comment le théâtre, beaucoup plus cher et bien moins varié, pourrait-il résister? Dans les petites villes de province, il est mort; dans les grandes viUes, il agonise; à Paris même, le voici mortellement atteint. La publication officielle, par les soins de l’administration de l’Assistance publique, des chiffres des recettes effectuées au cours de l’année 1913 par les théâtres et spectacles parisiens permet, en effet, de mesurer l’étendue du mal. Malgré la création des deux importantes salles nouvelles ouvertes aux Champs Elysées, les recettes des théâtres, en dépit du prix élevé de leurs places, n’ont augmenté que de deux millions (26. 1 38.007 francs en 1913, contre 24.077.339 francs en 1912). L’augmentation est presque la même pour les cinématographes, dont le nombre est resté le même cependant et dont le prix des places est demeuré modique : ils ont encaissé 8.655.864 francs en 1913, alors qu’en 1912 ils n’en avaient recueilli que 6.841.566. Naturellement, l’on s’est empressé de crier à la recrudescence du mauvais goût de la foule, qui serait seule coupable, en la circonstance, de cette décadence de l’Art. Mais la foule ne doit point être tenue pour seule responsable de l’état actuel des choses : nos comédiens et nos auteurs dramatiques, qui recherchent maintenant comment ils pourraient se débarrasser de l’intrus, peuvent faire leur rv.ea culpa et doivent se dire qu’ils ne sont pas tout à fait étrangers à son succès. Nous venons de voir, en effet, les intéressés commettre la mêm.e faute qui ruina jadis le cirque et naguère encore Montmartre. Autrefois, les cirques étaient prospères, non seulement à Paris, mais dans toutes les ville? de province que parcouraient régulièrement de célèbres et prospères compagnies. Que sont devenues ces troupes qui réjouirent notre enfance? Le public serait-il donc, moins qu’il y a une cinquantaine d’années, sensi'.'lc à la science de l’équitation, à la noblesse d.;i exercices équestres, à la difficulté des acrobaties, à l’élégance des jongleries, à la drôlerie des pitreries clownesses? Evidemment non. Mais jadis, pour admirer toutes ces choses-là, il fallait al’.er s’asseoir sur les gradins autour de la pijte; tou.s ceux qui voulurent admirer Eéotard durent défiler au cirque des Champs-Elysées. Tandis qu’aujourd’hui ces acrobates, ces clown-, on les peut voir partout. C’est tout simplement parce qu un beau jour, des gymnastes, des jongleurs, des athlètes, crurent faire merveille en acceptant les proposition tentantes des tenanciers du musichall et du café-concert. Quelques-uns y trouvèrent leur compte, certes! s’enrichiieni même : mais le cirque était mortellement atteint, il ne fut plus guère fréquenté que par les derniers amateurs d’équitation. Combien, par ce temps d’automobilisme, reste-il encore d’établisse’ ments de ce genre à tramer lamentablement une existence précaire? Il en fut de même pour les artistes de Montmartre. Vous vous rappelez la ruée des mondains et des snobs vers le Chat Noir où ils allaient admirer les ombres de Rivière et de