Le Courrier Cinématographique (March 1917)

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18 LE COURRIER CINÉMATOGRAPHIQUE TRIBUNAUX A Propos des Titres de nos Films Thémis vient d’avoir à s'occuper de nous et des titres que nous donnons à nos films. C’est Pathé et l’Eclair qui étaient sur la sellette. On leur reprochait d’avoir donné à ces films, projetés ‘sur l'écran, des titres que revendiquaient, comme leur propriété exclusive, deux auteurs dramatiques. A. Daudet a écrit autrefois une pièce sous ce titre: La lutte pour la vie; Jules Mary a fait paraître dans le Petit Parisien, un roman, sous ce titre : La Gueuse, puis il en a tiré un drame, productions littéraires sur lesquelles la publicité moderne s’est exercée à gros deniers. Or, Pathé a créé un film, sous le même titre que A. Daudet, et l'Eclair a projeté sur l'écran une Gueuse qui n’a de commun avec l’œuvre de Jules Mary que le nom. Il paraît qu’on n’a pas le droit de se servir de cette expression : « La lutte pour la vie », non plus qu'on ne peut parler de « Gueuse », depuis le roman et la pièce de Jules Mary ; c'était tout au moins la prétention des héritiers d'A. Daudet et de M. Jules Mary, et l’on demandait au Tribunal de faire défense à Pathé et à l’Eclair d’attacher ces titres à aucun de leurs films, à peine de cent francs par chaque contravention. C'était on le voit, gros de conséquences, c'était se créer un droit de propriété exclusif sur des titres d’un usage commun. Mais le tribunal n’a pas voulu suivre les demandeurs jusque là et il a repoussé en son entier la prétention des héritiers d'A. Daudet, à l’égard de la Société Pathé, et il s’est borné, pour l'Eclair, à une condamnation des plus platoniques, en | fr. de dommages-intérêts. Les deux jugements sont intéressants et nous les donnons plus loin à nos lecteurs. Le titre d’une production littéraire, roman, drame ou encore film cinématographique, si nous avons bien compris la pensée du Tribunal, constitue une propriété au profit de l’auteur, mais à la condition d’être une création originale, révélant une combinaison intellectuelle de mots accolés et non pas une dénomination générique de langage courant, appartenant à tout le monde, et, pour ainsi dire, nécessaire. Le titre n’est pas couvert par les lois sur la propriété littéraire, mais, quand même, 1l est protégé contre l’usurpation dommageable par le droit commun, tout comme l'enseigne et la marque de fabrique. Ainsi, tout se réduit dès lors à une question de fait des plus modestes et l’ont peut voir que le Tribunal a apprécié le dommage, causé par l’Eclair à M. Jules Mary, à un franc. La question de propriété du titre reste donc entière et sans avoir été entamée par une nouvelle jurisprudence qu’on voulait créer et qu’on annonçait à grand tapage comme un instrument de bataïlle contre l’industrie cinématographique. Voici les deux documents juridiques dont il est fait men tion dans la note ci-contre TRIBUNAL CIVIL DE LA SEINE Jugement du 2% Janvier 1917. — (Première Chambre) AFFAIRE DAUDET CONIRE PATHÉ FRÈRES Le Tribunal, oui en leurs conclusions et plaidoiries Menus, avocat, assisté de Wateau, avoué de la Dame Veuve Alphonse Daudet, des Sieurs Lucien et Léon Daudet, et des époux Robert Chauvelot ; Lardeur, avocat, assisté de Brunet, avoué de la Compagnie Générale des Etablissements Pathé Frères, en la personne de ses Directeurs et Administrateurs ; Le Ministère Public entendu après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant en matière sommaire et en premier ressort ; Attendu que la Société Pathé a créé dans le premier semestre de l’année 1914 un film cinématographique représentant une œuvre théâtrale sous le titre : La Lutte Pour La Vie avec, dans certaines affiches, la traduction anglaise de ces mots ; Que les demandeurs, pour la raison qu’Alphonse Daudet, leur auteur, à écrit un roman, puis une pièce sous ce même titre, entendent qu’il soit fait défense à la Société ci-dessus de s’en servir à l’avenir, et pour le passé lui réclament des dommages-intérêts qu’ils fixent à Un Franc ; Qu'ils reconnaissent d’ailleurs que le sujet des deux ouvrages n’a rien de commun ; Attendu que le titre d’un ouvrage, envisagé en lui-même et séparément, n’est pas une production de l'esprit à laquelle s'appliquent les lois sur la protection des œuvres littéraires ; Que si ‘auteur peut avoir éventuellement le droit de s’opposer à l'emploi par autrui de l’appellation par laquelle il a désigné son œuvre, ce n’est qu’autant qu’une concurrence illicite se trouverait ainsi obtenue ; Attendu en la cause que cette concurrence mapparaît pas ; Que le titre La Lutte Pour La Vie n’a pas le caractère d’une création qu’auräit faite Alphonse Daudet ; qu’il a pris cette formule dans le langage habituel et courant ; Que cette circonstance n’est sans doute pas exclusive d’actes éventuels de concurrence déloyale, mais qu’il faudrait pour créer celleéi qu’en fait eût pu s'établir une confusion abusive entre les deux ouvrages ; Attendu que l’œuvre d’Alphonse Daudet remonte à l’année 1889, que les représentations n’ont pas été nombreuses ; Que les dernières données aux Fantaisies de Montrouge, se placent en 1905 ; que le souvenir n’en persistait évidemment pas en 1914 dans l'esprit du public qui fréquente les établissements cinématographiques ; Qu’aucune réclame récente n'avait attiré son attention sur l’œuvre dont s’agit pour lui tombée dans l’oubli ; Que la confusion n’a pas été possible ; Que même la Société Pathé indiquait Zecca et Leprince comme auteurs de la pièce par elle reproduite ; Qu’aucune concurrence illicite ne saurait dans ces conditions être relevée, et que par suite il échet de rejeter la demande fermée par les Consorts Daudet ; Par ces motifs ; Rejette comme mal fondées toutes les demandes fins et conclusions des Consorts Daudet, les en déboute et les condamne aux dépens.