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Le Courrier Cinématographique (June 1917)

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22 LE COURRIER CINEMATOGRAPHIQUE Autour du Cinéma Vanité Ce n’est pas le titre d’un film. C’est une simple histoire. Mais on pourrait la tourner, — holà ! les plagiaires ! — et obtenir, de ce fait, un superbe film d’enseignement à l'usage des directeurs de cinématographes. L'année dernière, la bonne ville de T... ne possédait qu’un seul cinéma. Son directeur, n'avant aucune concurrence, \composait ses programmes avec les meilleurs films de toutes les marques, qu'il payait un prix très raisonnable. Les spectaleurs étaient satisfaits et les affaires marchaïient bien. V'ovant cela, un brave homme retiré du commerce avec une certaine fortune, eut l’idée d'ouvrir un autre établissement, pensant : Quand il y en a pour un, il y en a pour deux. En effet, il y en eut pour deux. Là où un cinéma faisait de bonnes affaires, deux cinémas firent des affaires médiocres. C'est alors qu'un excellent homme, retiré lui aussi du commerce, jugea opportun d'installer un troisième cinéma, plus grand que les autres. Il ne se dit pas : Quand il y en a pour deux, il y en a pour trois, maïs il pensa que son établissement plus confortable que les deux premiers attirerait la clientèle de ceux-ci. Voici ce qui arriva : Le propriétaire de la plus ancienne salle, tenant à conserver son public, voulut d’abord louer le meilleur de la production. Le directeur du deuxième cinéma, avant l’idée bien arrêtée de faire les plus belles recettes, partit à Paris avec l’intention de retenir les plus beaux films. Quant au troisième, réflexion faite, il s’apercut que pour arriver à ses fins, il lui fallait non seulement la plus jolie salle, mais aussi de sensationnelles exclusivités. Ce fut donc la surenchère dans toute sa folle bêtise. Les films qui étaient pavés dix centimes le mètre, monterent jusqu’à vingt-cinq et trente centimes ! Résultat : les trois directeurs mangèrent de l'argent. Mais l’un d'eux, moins entêté que ses collègues, les laissa se disputer les chefs-d'œuvre entre eux, et se mit à passer du stock. Seulement, pour relever la sauce de ses navets, il dut augmenter considérablement sa publicité et les billets de faveur. El tant il est vrai que l'homme ne peut se défendre d’imiter ce qu’il voit faire, les deux autres exploitants agirent de la même manière. Dès lors, la lutte porta sur la réclame. Ce fut à qui aurait les plus grandes affiches, le plus grand nombre de lithos. On faisait des économies sur le prix des programmes, mais en revanche on recouvrait les murs de la ville de papiers multicolores. Et dame, ça coûte cher le papier depuis quelque temps ! Les receltes des cinémas étaient toujours maigres et les frais toujours énormes. . Je me demande comment tout cela aurait-pris fin, si le public habitué aux plus beaux films présentés sans tapage, ne s'était subitement dégoûté du cinéma en n°v voyant que des rossignols annoncés à grand bruit. Il s’imagina que l’art cinémalographique baissait étrangement, et l’on vit les foules -eñvahir les cafés et passer les soirées en sirotant de multiples verres de liqueur. Acculés à la faillite, les trois rivaux durent fermer leurs établissements. Voilà succinctement racontée, l’histoire des trois cinémas de la Ville de T... Vous la connaissez à Elle est banale ? Etes-vous sûr de ne point vous tromper. Car lorsque vous la vivrez, celle histoire, vous vous imaginerez qu'elle est inédite... Marcez BONAMY. Dans l'intérêt général, tous droits d'adaptation et de reproduction, tant pour le théâtre que pour le Cinéma, formellement réservés. Copyright by M. Bonamy 1917. EE Sarah Bernhardt aux États Unis Au moment où les Etats-Unis vont entrer à nos côtés dans la guerre mondiale, il est intéressant de noter l'impression produite dans ce pays par notre grande artiste nationale lors de la tournée qu’elle y accomplit actuellement. Partout lillustre tragédienne est accueillie avec enthousiasme dans un spectacle curieux au cours duquel elle ne « meurt pas moins de cinq fois de suite, dans cinq actes ou fragments d’actes empruntés à des pièces diverses de son répertoire. Le succès qu’elle obtient lorsqu'elle se produit devant le public n’est en rien comparable à celui qui l’accueille quand elle paraît sur l’écran dans Mères Françaises, La première représentation de Mères Françaises, dont l’action se déroule en partie à Reims et dans les tranchées, fut là-bas l’occasion, lors de sa première representation, d’une manifestation émouvante que La Tribune, le grand journal New-Yorkais, décrit en ces termes : « Le grand cœur si palpitant de la France fut mis à nu hier au Théâtre Rialto, dans le remarquable film « Mères Françaises ». « Chaque spectateur sentit passer en lui un peu de l’âme indomptable de la plus aimée des nations belligérantes. On ne se souvenait plus qu’on était au théàtre : chacun voulait se joindre aux combattants et marcher avec eux en avant aux accents de la Marseillaise. De frénétiques applaudissements couvrirent le bruit de l’orchestre et les assistants se levant tous d’un seul mouvement agitèrent leurs programmes avec frénesie aux cris mille fois répétés de Vive la France. Il est difficile de préciser de façon exacte les raisons pour lesquelles ce film eut le don d’exalter chez les spectateurs de tels sentiments de courage et de patriotisme, mais il est incontestable que les scènes qui se