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VIII LE COURRIER CINEMATOGRAPHIQUE LE D SU EU nn og D ot Pt OR
les règles de l’art où Carpentier et Joé Jeannette se taillèrent une renommée mondiale.
AN quel round en sommes-nous ? On l’ignore, car depuis des mois et des mois, c’est le même match qui dure. Depuis des mois et des mois, le cinématographe échange des coups avec l'entité : pouvoirs publics.
Quelques petites différences dans le jeu et dans la physionomie des adversaires : le premier ne change ni sa méthode ni la couleur de ses gants ; le second (et cela est tout à fait normal, n’est-ce pas ?) frappe à tort et à travers en dehors de toutes les règles établies. Les fervents du ring n’y comprennent plus rien. Par habitude, ils suivent les phases de ce match au finish, mais ne parient plus sur personne. Ils attendent la fin par curiosité autant que par devoir.
Qui l’emportera ?
Le cinéma paraît cependant légèrement handicapé par les aspects successifs que prend son adversaire. Celui-ci s’habille tantôt en ministre des restrictions, tantôt en président de conseil municipal; une autre fois il ceint l’écharpe tricolore du commissaire de police, ou bien encore il coiffe son chef de la barrette des avocats. Enfin, à intervalles réguliers, il se déguise en agent du fisc.
Sous ce dernier costume, il est le plus dangereux. Le fait est notoire. En Juin 1917 l’adversaire du cinématographe a revêtu encore un coup cette redingote élimée.
Vous avez lu dans les quotidiens la’ note suivante :
« On s’émeut fort dans les milieux des spectacles d’un projet émanant d’un fonctionnaire de l’Assistance publique, tendant à ce que les diverses taxes atteignant ces établissements
soient désormais unifiées en une seule pouvant s'élever jus
qu’à 30 0/0.
M. Franck, président de PAR des directeurs de théâtres, doit voir M. Mesureur à ce sujet. En attendant, les directeurs, réunis au concert Mayol, ont décidé de s'opposer énergiquement à l’adoption de ce projet et sont résolus, disentils, à fermer leurs établissements plutôt que de l’admettre. »
Eh bien, que dites-vous de cela ? Je ne veux pas forcer votre opinion, mais vous déclare franchement que moi, çà m'inquiète.
Ce projet d’unification de taxes spéciales qui, à première vue, semble frapper seulement bals, concerts, musics-halls, théâtres, fera tache d'huile, soyez-en sûrs, et nous atteindra aussi. Instruit par l’expérience, je ne vois jamais avec sympathie s’approcher de ma caisse l’agent du fisc qui me déclare : Je vais modifier et simplifier. On sait les désagréables surprises que cachent ces deux termes, en style administratif. Aussi, fera-t-on bien d'ouvrir l'œil et de ne pas se laisser amuser par le jeu de l'adversaire.
La seule modification que nous accepterions, ça serait la réduction de nos charges. Mais celle-là, hélas, n’y comptons pas avant de longues années !
De deux choses l’une: ou le fisc a besoin d’argent (ce qui
est fort compréhensible) ou l’on veut entraver l’essor du cinématographe qui a le gros défaut de déplaire à certains fonctionnaires.
Dans le premier cas, qu’on aille donc frapper à d’autres
portes. La nôtre n’en peut plus... Et l’équité réclame une juste répartition des charges entre tous les citoyens. Je n’ai jamais compris qu'on prélevât un pourcentage sur nos recettes et qu'on laissât indemnes celles d’autres commerces autrement « de luxe » que le nôtre... Vous les connaissez aussi bien que moi. Quant au reste, je veux dire la cinéphobie des fonctionnaires, il existe d'excellents remèdes pour la vaincre. . Je les citerais bien tout de suite, mais au Courrier on ne fait pas de politique pendant le temps de « L'Union Sacrée ». Après, nous verrons ! Et comme nous l'a promis un personnage officiel, « on fera ce qu'on voudra ! »
à — Tache d'Huile ou.
La France n’est pas le seul pays où certains journaux mènent contre le cinéma une campagne des plus violentes.
L'Italie, à son tour, est touchée.
On lit en effet dans le Giornale d’lialia, sous la signature de M. Renato La Valle, les lignes suivantes :
Par Censure Cinématographique instituée chez nous en juin 1913, écrit-il, a fort bien agi en interdisant « Fantômas », le « Club des X » et autres pellicules qui sont des défis au bon sens. En deux ans, 7.685 films ont été examinés dont 7.013 ont été approuvés intégralement ou après modifications, 372 interdits dont 47 passés antérieurement à l'existence de la Censure et qui ont été supprimés d'office.
« La Censure a refusé si nettement de sanctionner l'audace de certains genres, que les auteurs à imagination trop spéciale ont dû abandonner la lutte.
« Elle a pu commettre des erreurs. Mais il lui faut tenir compte que l’industrie cinématographique fait vivre en Italie, qui est le pays où elle a acquis le plus extraordinaire développement, plusieurs centaines de milliers de familles, et que toute interdiction est un grave dommage
‘pour la maison qui édite le film. »
Le remède, prétend M. La Valle, au film mauvais, c'est de payer largement les auteurs de scénarios. Alors on ne fera plus des pellicules qui, n'étant montées que pour telle actrice ou tel décor, exposent des sujets ridicules et dangereux, des pellicules qui coûtent fort cher aux éditeurs à cause du prix réclamé par les acteurs, ou des déplacements nécessaires, et qui ne rapportent rien à ceux qui en ont eu l’idée.
— Créez l’auteur cinématographique, conclut l'écrivain italien, et la Censure n'aura plus à refuser des .« Fantômas ».
Tache d’huile ou plutôt plaidoyer pro domo... : M. Renato La Valle doit avoir des scénarios à placer.