Le Courrier Cinématographique (October 1917)

7° Année N° 40. (Édition de guerre). So 0obv0000000 00000000 E 0 Le N°: 30 centimes % Le Courrier DU 00 OQ0'0 CINÉMATOGRAPHIQUE EE T; G°H-'0 ORGANE HEBDOMADAIRE INDÉPENDANT DE LA CINÉMATOGRAPHIE DES ARTS, SCIENCES ET INDUSTRIES QUI ABONNEMENTS : FRANCE Fe ÉTRANGER See 90 fr. Directeur : Un an. Un an. CH. LE FRAPER Rédaction et Administration : 28, Boulevard Saint-Denis, PARIS. S'Y RATTACHENT Direction : Nord 56-33 TÉLÉPHONE : Imprimerie : Central 66-64 ADRESSE TÉLÉGRAPHIQUE : COURCINÉ-PARIS Types de l'arrière Bon Papa La guerre a fait éclore une variété vraiment curieuse de pes amusants. Ses caractères de comédie — ne sont-ils pas ien à leur place? — vont se renouvelant avec les âges et Peut-être que les vaudevillistes de l'avenir. de l'après-guerre, Puiseront ici quelques silhouettes assez typées. En voici une qui m'a beaucoup réjoui au cours de ma derMère permission Au Cinéma... — pas de réclame en article de tête! — où j'allais toutes les semaines aux temps heureux de la paix, J'avais accoutumé de passer toutes mes soirées du vendredi aux côtés d’un fringant, ingambe et cosmétiqué bel homme, Que je prenais pour un officier de cavalerie en disponibilité. va boutonnière rougissait d’une manière fort civile, son œil impérieux imposait une individualité d'acier chromé, à traVers un monocle sans monture et sans cordonnet. Quel monocle! Vissé, embouti sous une arcade sourcilière d’une autaine indifférence. Quant à son poil. — Qu'on m'excuse, Mais j'ai tant eu le loisir de l’examiner « dans son fauteuil » avant la guerre, que je le connais presque autant que celui Æ mon cheval et que je me sens capable de vous détailler état de ses boulets, la force de ses paturons et la résistance € ses ganaches. Quant à son poil, dis-je, il était lisse, brilant, le cheveu savamment ondulé et la moustache longue, Soyeuse, d’un beau châtain foncé, sans un fil d'argent, une Moustache non pas seulement d'homme jeune, mais de jeune omme. Aussi, c’est que c'était un jeune homme... et il en rencontrait peu de cruelles dans le rayon de son œil d’aigle aux ascinations miroitantes et. monoclées, mon gaillard affChait tout au plus trente-cinq à quarante... il était épatant, ingant, reluisant : un vrai coq gaulois. Vint la guerre. À ma première perme, j'inaugurai mon vendredi dans mon fameux cinéma. et le hasard voulut que je vinsse m'asseoir aux côtés de mon fringant « cadre noir » comme je l'avais dénommé. Quelle surprise, quelle catastrophe! Dans quel état, grand Dieu! la guerre me l’avait mis! Des bésicles d’écaille ou de cellulo chaussaient son nez, à l’arête jadis si aristocratique, si fière! Son œil... que dis-je, ses deux yeux pleuraient, son cheveu, autrefois si brillant, était tout gris, tout terne, tout pauvre, tout décoloré. IDE moustache tombante, telle un saule pleureur, ombrait une lèvre molle: et celle-ci, en profil de gargouille, s’effondrait sur une barbe d’un blanc sale. Ah! certes, elle ne payait pas de mine, sa pauvre vieille figure toute retournée. Il n'était plus le beau cavalier, son regard n’errait plus de la brune à la blonde et cet antique jeune homme, seul au monde à cinquante-cinq ans, qui n’avait eu la propriété — que dis-je, la propriété? — en usufruit que la femme des autres. sans ménage et sans enfant, se mettait à jouer les . bons papas. Cet « inutile » qui, sans la guerre, continuerait à faire le céladon, s'était enfin mis dans les emplois de « son âge ».… Et il fallait voir avec quelle sollicitude paternelle, à la sortie, il tapait sur les grosses joues des petits poupards réjouis. « C’est un bon papa! » pensaient les mamans, et je me disais, le regardant quitter le cinéma, le dos volontairement voûté et le pas incertain par calcul... « Encore un qui a honte de paraître jeune. » Adieu, fards et cosmétiques, c’est la guerre, appuyons un peu sur le poil blanc. C'est si bien porté, en ce moment, le rôle des pères nobles et des bons papas. Farceurs! guignols!! pantins!!! CHarLes LE FRAPER. € 13 Octobre\#17. A3 s + CE OEISEPE