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8 LE CouURRIER CINÉMATOGRAPHIQUE
Ceux qui rentrent
Avec les prémices de la paix, mille sympathies se réveillent autour de nous. Les amis retenus au loin par la guerre, soit aux armées, soit en territoire envahi sous le joug odieux des boches, rentrent les uns après les autres et envoient une pensée précieuse au Courrier qui leur exprime à tous sa sincère reconnaissance en leur souhaitant la bienvenue.
M. Arnaud de Masquard (Jim Business), notre excellent collaborateur d’avant guerre s'inscrit en tête de Ceux qui rentrent. Nous publions la lettre toute pétillante d’esprit qu’il adresse aujourd’hui à nos lecteurs. L’éminent écrivain reprendra bientôt d’une manière plus effective sa collaboration. Elle nous fait bien augurer de l’avenir.
Lettre de M. Arnaud äe Masquard
Mon cher Directeur,
La main, voulez-vous? Me voici de retour du front et je retrouve mon ami Le Courrier aussi vivant, aussi ardent qu'il ÿ a quatre ans. Ça fait plaisir, ces choses-là. Et si j'en crois le « Vieux Photographe », les belles polémiques ne sont pas prêtes à s’éteindre. Ah! Vieux. Photographe, que tu me fais plaisir quand je le vois monter à l'assaut de la tranchée de la S. P. C. À. Avec quelle maestria ne lances-tu pas la grenade du sarcasme, le crapouillot de l'indignation, la fusée éclairante de la vérité. Mais que tu manques de philosophie! Æt pourtant, un photographe, surtout vieux, c'est un homme qui a vu passer et poser devant lui toute la laideur des âmes et des visages. Cela ne m'étonne pas que lu aies repéré M. Pierre-Marcel Levi. Tu le pourfends, le pauvre homme qui n'en peut mais. Îl ést à sa place, ce garçon. Comme architecte, bien entendu. N'a-t-il pas construit, d’après les plus pures règles de Vitruve et de Vauban, un redoutable fort blindé dans lequel, en embuscade tel le chasseur au canard, il Le fait la nique. Tu saisis bien alors qu'il est compétent. en mulière de construction. Tu invoques cependant l'arrêté du 17 août 1918. Que tu es pressé! Tu ne veux pas cependant qu'il soit encore appliqué. Attends donc que la démobilisalion soit un fait accompli. Tu sais bien que l'Art étant éternel, les Beaux-Arts ont devant eux le Temps et l'Espace! Æt, à ce propos, je vais te raconter l'histoire de mon am Alcuin, qui vivait vers la fin du VIII siècle. Il s’occupait de théologie et était par suite très bien avec Dieu et avec ses saints. Îl avait la manie épistolaire. Il écrivait des lettres et des lettres. Elles n'arrivèrent jamais à destination lorsqu'un jour de l'an mil neuf cent dix-sept, le secrétaire du Département des Manuscrits de la Bibliothèque Nationale trouva toutes ces lettres dans le cartonnier de son bureau (1). On crovail que ce carlonnier ne contenait que des papiers d’administration ét de comptabilité! Et, depuis des millénaires, il
élait contemplé, mais non ouvert. Peuh, il ne devait contenir que des papiers d'administration et de comptabilité! Tu comprends, au lieu de lui répondre, le scribe du VIIIe siècle avait placé là-dedans les lettres de ce malheureux Alcuin en se disant : « Ça se retrouvera bien un jour. » Et tu comprends aussi que le décret du 17 août a pris le même chemin. Pierre Marcel se dit avec juste raison qu’en l’an 3000, le secrétaire de la Bibliothèque Nationale, passant par hasard devant ce cartonnier dans lequel on croira qu’il n°» a que des papiers d'administration et de comptabilité... tu vois la suite.
Aussi, mon cher Directeur, pr‘ez votre collaborateur de ne pas m'en.vouloir de le taquiner. Il existe des milliers de cartonniers dans lesquels on croit qu'il n’v a que des papiers. et c'est de cela aue la France a failli mourir. Faisons en sorte, et Le Courrier donne l'exemple, qu’elle n’étouffe pas à présent sous les cartonniers accumulés.
Votre dévoué, Jim Business.
Nos correspondants ne se font pas attendre ainsi qu’en‘témoigne le mot de M. B. Auvertin, notre colJlaborateur de Lille.
À peine dégagé de l’horrible oppression boche, il s'empresse de nous crier présent! et de reprendre sa place au Courrier.
Voici ce qu’il nous écrit : Lille, le 19 novembre 1918. Cher Monsieur Le Fraper,
Débarrassés du joug odieux que nous subissions depuis quatre années mortelles, les soirées cinématographiques étant recommencées à Lille dans les salles épargnées par hasard, échappées à la destruction, je viens me remettre à votre disposilion pour la correspondance locale de notre vaillant Courrier Cinématographique.
B. AUVERTIN
J'aurai à cœur, comme je l'ai fait jusqu'ici, de renseigner utilement vos lecteurs et de suivre pour eux le réveil de notre aït cinématographique en cette cité du Nord où l’on compte tant d’admirateurs du prestigieux écran.
Veuillez croire, mon cher Directeur, à mon entier dévoue
ment. B. AUVERTIN.