Le Courrier Cinématographique (Mar 1920)

20 LE COURRIER CINÉMATOGRAPHIQUE Le Penseur Le Carnaval des Vérités Présentation GAUMONT (Série PAX) Le Penseur, de Rodin, superbe morceau de sculpture que nous avons tous admiré devant le Panthéon, fut pour M. Edmond Fleg l’idée initiale d’un scénario fantastique dont la primeur nous a été donnée samedi 13 mars, au Gaumont-Palace. Le Penseur, de M. Edmond Fleg, c’est l’homme illuminé, le fou qui voit claïrement au fond des âmes et déshabille de leurs hypocrites conventions, les individus et la société. Un soir, dans une maison d’aliénés, un des internés est trouvé mort, le corps raïdi, dans l'attitude du Penseur de Rodin. Sur la table, près de lui, se trouve un cahier où il a écrit l’histoire de sa vie. Et c’est le contenu de ce journal qui va se dérouler sur l'écran. Pierre Dartigue, un célèbre peintre de portraits au génie empreint de bizarrerie et de folie, est poursuivi par l’idée de voir la pensée humaine. Tous les siens, mère, femme, enfant, passent au second plan, ül ne se croit qu’un ami au monde: la statue du Penseur de Rodin, dont il a une réplique dans son atelier. é Une lettre anonyme fait naître la jalousie dans le cœur de Pierre et dans une crise, il croit voir le bras du Penseur qu'il interroge, tracer en lettres lumineuses ces paroles: « Chaque foïs que tu feras mon geste, tu liras dans les âmes comme en un livre ouvert. » Et depuis, à ce geste, suggestionné, illuminé, il voit le fond des âmes, la vérité sous le mensonge. Ce sera l'occasion pour M. Edmond Fleg de nous montrer la vie dépouillée de conventions, comique souvent, bouffonne parfois, dramatique presque toujours. Le drame finit en effet tragiquement. Dans une dernière crise, Pierre blesse mortellement son innocente femme, commet de telles violences qu’il est enfermé. Sur ce scénario fantastique et troublant, M. Léon Poirier, un de nos meilleurs metteurs en scène français, a réalisé une bande remarquable qui lui fait grand honneur. Les scènes se déroulent dans une atmosphère d’art et de mystère, dans de délicieux décors d'intérieur ou de plein air. La photographie, splendidement lumineuse, contribue à faire du Penseur une œuvre ide premie: ordre. L'interprétation est inégalable. M. André Nox a créé une figure de fou, hallucinante et terrible, il m’a rappelé cer taines scènes tragiques, du Grand Guignol. Mie Madys joue avec simplicité et émotion le rôle de Madeleine, la femme du peintre. Avec de telles qualités, Le Penseur est assuré d'un gros succès auprès de tous les publics. | Les Etablissements Gaumont nous ont présenté encore un drame de M. Marcel l'Herbier: Le Carnaval des Vérités. Ce drame, sans être horrifique comme celui de M. Fleg, ne laisse pas cependant de nous émouvoir. Dans une atmos phère un peu factice, les pantins humains nous sont montrés sous leur véritable jour. Le mensonge, l’adultère et pis encore se cachent sous les sourires conventionnels. Ne portons-nous pas tous un mâsque dans la vie? Carnaval des Vérités, dit M. L'Herbier. Après des péripéties diverses, où quelques coupures me semblent possibles, les masques tombent, les méchants sont punis, les innocents trouvent le bonheur, ce qui n’est pas toujours vrai. Il y a, dans le film, de jolies scènes, il y a de charmants tableaux, comme la féerie des masques en deuxième partie, interprétée par Mlle Mado Minty. La mise en scène est soignée, la photo excellente et avec des interprètes comme Mlle Suzanne Després, Mlle Marcelle Pradot, MM. Capellani, Jacques C., etc., le Carnaval des Vérités ne peut manquer d’être apprécié par le grand public. Les Etablissements Gaumont, avec leur nouvelle production, série Pax, ont bien mérité de l’industrie cinématographique française. Toutes nos félicitations. F. CAMOIN. FAN-FAN Présenté par la MONATFILIM Continuant la série de ses jolis succès, M. Monat nous a présenté Fan-Fan, féerie japonaise, inspirée du scénario de Bernard Mac Conville. Film féerique s’il en fut, tourné au royaume des fleurs et du Soleil-Levant, dans la cité antique et sacrée des empereurs. Histoire touchante aussi, l’histoire des amours de FanFan, fille du potier, et d'Hanki-Pan, fils du tout-puissant empereur Hu-Kong. Toutes les coalitions n’arrivent pas à vaincre la volonté du jeune prince, toutes les violences, toutes les persécutions ne triompheront pas de la fidélité de Fan-Fan. Et vous le devinez, n’est-ce pas? Fan-Fan connaîtra les joïes d’une légitime union avec l'héritier du trône, le chevaleresque et bienheureux Hanki-Pan. -Et quel charmant spectacle pour les yeux, quelle continuité de sites pittoresques, de riches décors, de costumes fantaisistes. Somptueuse est la mise en scène, le mot n’est pas trop fort. Remarquable et d’un grandiose effet le palais de Hu-Kong dans la nuït, remarquables sont les jardins publics où, dans les délices d’une matinée de lumière, de rosée et de parfums, les yeux émerveillés de Hanki-Pan verront pour la première fois la jolie fille du potier Lia-Pou. Cette délicieuse légende, ce conte parfumé a pour interprètes Francis Carpentier, Virginia Lee-Corbin, les deux bambins inégalables qui feront toujours notre admiration. Fan-Fan, bande féerique, richement mise en scène, interprétée par de ravissants enfants, est digne de figurer dans la liste déjà longue des succès de la Monatfilm. É'IC