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6 LE (COURRIER CINÉMATOGRAPHIQUE
rivalisait aimablement de banditisme avec « l’Autocouleur-de-brume ». L'un et l’autre n'eussent pas fait de bobo à une souris blanche, ce qui est bébête n'étant pas nuisible. La grande coupable, c'est la guerre qui, envoyant les papas au front et les mamans à l’usine, permit aux jeunes garnements, non surveillés, de mal jouer aux mâles, avant l'âge; de vouloir de l'argent, sans le gagner.
— Au fond, bien qu’atténuée, vous reconnaissez la responsabilité.
— .… du film? Jamais de la vie! Sans remonter au déluge, je pourrais vous dévider en un long chapelet les noms des malfaiteurs célèbres, de Cartouche à Troppmann, et de Mme Lafarge à Gabrielle Bompard. Ils surent pratiquer et même innover sans avoir pu connaître ce que vous nommez absurdement : K les funestes leçons » du tableau de clarté.
D'ailleurs, si les films français n’ont rien à se reprocher sous ce rapport, il ne nous est pas permis de fermer notre porte à ceux de l'étranger; d’abord parce que nous ne fabriquons pas assez pour alimenter nos programmes; ensuite parce que ce serait ouvrir la voie aux représailles commerciales. Chacune de ces deux raisons suffirait. Conservons le commerce à défaut de l'industrie.
— Alors, comment relever le niveau moral de cette invasion obligée?
— Le remède? Le voici; il faudrait encourager une association productive et commerciale entre pays alliés. Les uns, dans la fabrication des scénarios ont un esprit inégalable et possèdent un avoir intellectuel capable d'alimenter en larmes, en rire, en drames, en comédies, tous les films du monde: les autres, moins heureux en trouvailles saines, distrayantés, instructives, ont par contre l'argent, les studios, les usines et les moyens mécaniques qui manquent aux premiers, pour fabriquer, sur une vaste échelle, du beau, du bon. Pourquoi ne point marier le travail des inventifs à celui des réalisateurs? Parce que les auteurs seraient de chez nous? Mais les artistes se privent-ils d’aller chanter, jouer et déclamer nos œuvres dans les pays où nous sommes frustrés de nos droits les plus légitimes.
Diamant-Berger est d’un avis différent: pour lui, l’auteur doit rester prisonnier du sol. Il écrit :
& L’avidité naturelle des auteurs les plus célèbres, et surtout de leurs héritiers, a fait passer le droit de tirer des scénarios d'ouvrages célèbres à l'étranger: Enumérer quelques-uns de ces maquignonnages, c’est en souligner la folie : l'Italie nous a renvoyé, accommodés à sa façon : Salammbé, de Flaubert, Le Pha lène, La Femme nue, La Marche nuptiale, Maman Colibri, L'Enfant de l'Amour, de Henri Bataille, Joujou, Israël, de Bernstein, Le Disciple, de Paul Bourget, tout Sardou, Carmen, Manon, Papa, de de Flers et Caillavet, La Vagabonde, de Colette ».
Dans cette liste de treize ouvrages, je trouve plus d’auteurs vivants que de morts tombés dans le domaine public à l'étranger. De ces derniers, celui de Flaubert, appartenant à une firme française, a été rétrocédé par elle à une maison italienne contre une somme dont l'intermédiaire garda sa bonne part. Mon cher Diamant-Berger, l'exemple n’est pas concluant, surtout en ce qui concerne l’avidité naturelle des héritiers.
Passons. A tort le cinéma est mis en cause dans les affaires criminelles; celles-ci relèvent surtout de l'Epoque, toute grande conflagration étant généralement suivie d'exactions et de crimes. Les bandits du rapide furent-ils inspirés par le film? Non, Charrier l’a avoué. Ce n’est pas le ciné qui fit Landru, ni le boucher Grossmann, de Berlin, dont les quinze victimes durent passer dans le ventre de ses clients : tous deux prirent pour modèles, Gilles de Raiz, le Sire de Coucy et la dame de Vergy, dans l’histoire de France.
Quant-à la femme coupée en morceaux, c’est une pâle imitation de Le cœur de ma Mie, roman policier de Maurice Landay, paru il y a plus de six ans. Dans le roman, comme dans le drame mystérieux, les restes du corps sans tête se retrouvent aux deux pôles de Paris : pour l’un dans le lac Daumesnil et à l’île de la Jatte; pour l'autre à Choisy-le-Roi et à Neuilly.
Vous le voyez, n’inculpez plus le film: son innocence est démontrée.
Paul FÉVAL fils.