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6 LE COURRIER CINÉMATOGRAPHIQUE
Et voilà! Pour quiconque sait lire, cette lettre sans ambiguïté aucune est une véritable profession de foi et son auteur, pour autant qu'il ait pour principe de faire accorder ses actes avec ses paroles, paraît être digne de figurer au nombre des amis du Cinéma.
Mais par une coïncidence au moins ironique, le même numéro du Courrier publie, à deux pages d'intervalle, c’est-à-dire voisinant avec la lettre de l’éminent M. Herriot, un compte rendu d’une assemblée tenue à Lyon, précisément, compte rendu dont je détache le passage suivant :
€ En quelques phrases énergiques le vice-président de la Fédération expose le but de la réunion. Il s’agit, dit-il, d'éclairer le personnel sur la terrible situation qui est faite au spectacle par les exigences immodérées de l’Etat et de la Ville. Lyon est la ville de France où notre industrie est le plus lourdement frappée. Il faut protester contre ces taxes qui nous tuent; le personnel du spectacle doit se joindre à nous, c'est son intérêl, c’est son gagne-pain qui est en jeu. »
Je crois superflu de dire que je ne nourris aucun sentiment hostile contre M Herriot. Si j'insiste sur la contradiction éclatante qui existe entre les deux documents que Je reproduis, ce n’est pas dans le but mesquin d’envenimer une querelle qui ne date pas d'hier, mais bien d'attirer l’attention du monde cinégraphique sur le cas qu'il faut faire des déclarations d’amour dont notre art est l'objet de la part des puissants du jour de tous les partis.
M. Herriot aime le Cinéma, il ne le lui envoie pas dire. Le malheur est que notre langue française manifeste parfois une indigence à laquelle il appartiendrait à l’Académie de remédier. En anglais on ne dit pas de la même façon: J'aime ma femme et j'aime le rumsteack. Cette distinction est précieuse, et si M. Herriot traduisait en anglais sa pensée relative au Cinéma, il nous apprendrait qu'il aime le cinéma à la manière dont les insulaires aiment le rumsteack, c’est-à-dire pour le dévorer. Il, y a une nuance.
Si on interrogeait un renard sur ses sentiments à l’égard des poules, le malin répondrait sans crainte
aucune d’altérer la vérité: « Les poules, mais je les adore! » Je soupçonne le bourgmestre de la bonne ville de Lyon d'adorer le cinéma à la façon du renard: Lyon est en effet la ville de France où les brimades les plus rudes, les plus vexatoires, les plus imprévues ont été le lot de l’exploitation cinématographique. On n’a pas oublié l’ukase municipal qui, il y a un peu plus d’un an, enjoignait aux directeurs de cinémas lyonnais d’avoir à substituer à la pellicule ordinaire une pellicule ininflammable. Si aucune suite ne fut donnée à l’iradé du sultan des bords du Rhône, c’est qu'il y à une force contre laquelle M. Herriot lui-même ne peut qu’échouer, c’est le bon sens. Aujourd'hui même qu’un industriel pris de vertige prétend, de sa propre initiative, imposer à toute la France l’emploi du produit de ses usines, ce même bon sens qui est à la base de l’esprit français se moque des circulaires presque comminatoires envoyées aux municipalités et M. Herriot hésite devant une nouvelle offensive contre les cinémas de sa bonne ville.
Dans sa lettre à M. Olivier, le maire de Lyon déclare qu’il veut aider les entrepreneurs de spectacles, à la condition qu'on ne fasse pas de politique sur l'écran et que le film serve à autre chose qu’à diffuser la bêtise
Voilà qui est parlé, et sur ces deux points je suis heureux d’être tout à fait d'accord avec M. Herriot. Pas de politique à l’écran; mais qui donc jusqu'ici 4 introduit cette gêneuse dans les scenarï? J'ai beau chercher, je n'ai pas souvenance de films à tendances politiques. À part J’Accuse, dont le symbolisme puéril et prétentieux a fini par ouvrir les yeux de s0n auteur lui-même, il n’y a pas eu, à proprement parler: de films politiques On a bien tâté l'opinion avec une histoire de Jaurès, mais là encore le bon sens a fait hésiter l’auteur lequel est, du reste, un ami politique de M Herriot.
Quant à la bêtise, j'en demande pardon à l’hon0” rable maire de Lyon, mais je voudrais lui demander si, dans sa sollicitude pour les entrepreneurs de spec” tacles, il a parfois consacré quelques instants à l’audition de ce qui se chante ou se joue dans les music” halls ou les cafés-concerts. En cas d'affinmative, qu'il