Le Courrier Cinématographique (Mar 1922)

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6 LE COURRIER CINÉMATOGRAPHIQUE Un détail particulièrement intéressant que j'ai noté dans plusieurs villes, c’est l'importance qu’attachent les spectateurs provinciaux à l'interprétation. On peut dire que la somptuosité de la mise en scène et la qualité de la photographie cèdent le pas, et de beaucoup, à la valeur des interprètes. Tels acteurs dont la critique a célébré unanimement les mérites et que le public parisien a également trouvés fort convenables, sont impitoyablement conspués. Je pense qu’il faut voir dans ces manifestations critiques une preuve nouvelle de la plus grande liberté d’esprit du public de province. Lorsque je faisais du théâtre j'avais déjà pu apprécier l'extrême sensibilité des spectateurs dès qu'on a quitté la capitale. Tel artiste consacré par des lustres de succès au boulevard ou sur les scènes subventionnées, rencontraient en province ou à l'étranger un accueil totalement dépourvu d'indulgence. Tel ténor applaudi à l’Opéra-Comique, telle cantatrice dont la presse parisienne vante chaque jour la voix de cristal provoquaient les murmures désapprobateurs du public d’une ville de 50.000 habitants. Et s’il m’est arrivé de maudire sur le moment le fâcheux esprit critique de spectateurs à mon gré trop difficiles, il me faut bien reconnaître aujourd’hui, en toute conscience, qu'ils n'avaient pas tous les torts. J'ai pu me rendre compte que le cinéma n’est, pas plus que le théâtre, exempt des sévérités du public. L'autre jour, dans une grande ville du midi, on donnait un film dont le sujet est emprunté à l’époque napoléonienne. Lorsqu’apparut Bonaparte ce fut dans la salle, d’abord un Ho ! prolongé, puis des rires, des réflexions désobligeantes proférées presque à haute voix et enfin quelques coups de sifflet. Je recueillis précieusement quelques phrases des protestataires Ils étaient indignés de la tournure, parfaitement ridicule du reste, de l’acteur chargé de représenter le grand homme. Le même film a cependant subi l'épreuve des écrans parisiens sans soulever le moindre incident, sans provoquer une marque’ de protestation. C’est que dans cette région, le peuple a, inconsciemment, gardé le culte de la tradition latine, l’amour de la ligne, le sens de la beauté qui est aussi celui de la vérité, Pour ces cœurs simples un personnage comme Napoléon, D’Artagnan, Jeanne d’Arc ou Vercingétorix, a une forme précise que leur imagination poétique a reconstituée d’après l'histoire ou la légende. Leur instinct ne saurait se tromper dans cette matérialisation de l'idéal. : En cette circonstance particulière j’ai eu l’agréable surprise de me trouver d'accord avec le sentiment populaire. J'ai souvenance, en effet, d’avoir nettement protesté contre la façon grotesque dont le même acteur avait, une première fois, interprété le rôle de l'Empereur dans un autre film. Ma critique m'avait valu d’être copieusement eng. .uirlandé dans une lettre du metteur en scène. Je verrais avec intérêt mon bilieux correspondant assis dans un cinéma de Gascogne lorsqu’apparaît son fantaisiste Napoléon. Les réalisateurs de films ont beaucoup à apprendre en se mêlant au public, et surtout au public de province. J'ai collectionné également, au cours de ma tournée, les nombreuses revendications formulées par les directeurs. J'ai consulté aussi bon nombre de personnages officiels, de ceux qui ont la mission délicate de tondre le mouton cinématographique, voire même de l’écorcher un peu, beaucoup, parfois jusqu’au sang. Ces documents serviront de base à un prochain article ; mais je ne veux pas renvoyer à une date ultérieure la réflexion d’un exploitant tellement exploité qu'il va être réduit à fermer son établissement si on ne réduit pas les taxes sous le poids desquelles il succombe : & J'ai lu, me disait-il, dans les journaux parisiens le compte rendu d’un attentat, heureusemént avorté, contre la caissière d’une brasserie-restaurant. « La dame en question montait la recette de la journée, environ deux cent mille francs. & Or, 200.000 francs cela représente mes recettes d’une année ; sur cette somme le fisc, sous diverses formes, me soulage de plus de 60.000 francs. & Vous, qui devez tout savoir en votre qualité de journaliste, dites-moi donc combien le restaurant verse au percepteur sur cette recette d’un seul jour >» Mais le journaliste que je suis ne sait précisément pas cela et je suis resté coi en face de mon interlocu teur. P. SIMONOT,