Le Courrier Cinématographique (Dec 1922)

8 LE COURRIER CINÉMATOGRAPHIQUE de tous les côtés à la fois supprime l'impression de relief que donne l'opposition des plans dans l'ombre et les plans dans la lumière. Prenons un exemple : Une crisse éclairée d’un seul côté nous paraît cubique par la différence de valeur des faces éclairées et des faces dans l'ombre, si nous éclairions cette crisse de toutes parts également, les arêtes ne se verront plus, toutes les faces seront claires, elle n’aura plus de relief.« La forme est l'intersection de la lumière et de la matière » a dit Emile Trélat, lumière de tous côtés, plus de forme. Trois moyens au cinéma sont à notre disposition pour accentuer les reliefs, pour les exagérer, pour les rétablir un peu. Le premier de ces moyens consiste à peindre. d’un ton plus foncé les ombres propres des objets sur les reliefs vrais, en supposant une source lumineuse unilatérale : fenêtre, lustre, lampe. Bien entendu, pendant toute la prise de vues, il est impossible de changer la direction de la source lumineuse, les ombres sont fixes puisque peintes. Le deuxième moyen d'affirmer le relief, est de découper le plan par terre des décors et de faire la prise de vues assez haut, pour que l’observateur (dans le cas qui nous intéresse : l'objectif) voit le dessin du plan sur le sol. Supposons que nous soyons au bord de la mer, nous sommes allongés sur le sable et nous regardons vers l'horizon : les promeneurs, les rochers, les bateaux et la ligne d'horizon se plaquent les uns sur les autres, se confondent. Si, au contraire, nous montons sur la falaise et regardons toujours vers l'horizon : les promeneurs se détachent sur la plage, les rochers s’espacent à la surface de l’eau, les bateaux s’isolent les uns des autres jusque vers la ligne lointaine de l'horizon. Dans un décor l'effet est le même : au niveau du parquet les lignes se ‘confondent, vues de plus haut elles se découpent sur le sol. Le troisième moyen de donner l'impression du relief ou de profondeur d’un décor, consiste à placer des éléments de premiers plan qui forment un arrêt pour le regard. Une colonne, un arbre, un poteau, un lustre, disposés en premier plan. éloignent le fond. Les peintres, les photographes, depuis longtemps ont eu recours à ce moyen. Les branches du cèdre placées au premier plan de la carte postale de Côte d'Azur n’ont pas d’autre but. # Le format des pellicules étant rectangulaire en large, placer la décoration assez bas. Les vues cinématographiques sont fixées sur des pellicules dont les images ont des dimensions dans le rapport de trois à quatre, trois étant la hauteur et quatre la largeur. La décoration en hauteur se trouve coupée du fait de la forme de l'épreuve photographique et d'autant plus coupée qu’ilest indispensable de prendre du sol. La décoration doit donc être située vers la partie basse du décor. 5° La perspective étant exagérée sur l'écran, éviter de placer des meubles dans les fonds, ils paraissent trop petits et d’une échelle autre que ceux placés au premier plan. L'appareil de prise de vues a un « œil » différent du nôtre. Un personnage qui parcourt vingt mètres sur l'écran paraît s'éloigner à des distances énormes. La fuite des lignes est accentuée. Une chaise normale au premier plan, a l’air d’une chaise de poupée si elle est placée à l'extrémité d'un grand décor. 6° La valeur des couleurs n’étant Pas respectée par les produits chimiques de la pellicule, peindre les décors en gris pour avoir les valeurs exactes que l'on veut obtenir. Le vert, le rouge, donnent noir, le bleu donne blanc. J'ai vu dans un studio un décor aux murs verts, une porte rouge tranchait brutalement au milieu; à l'écran, la porte avait complètement disparu, il ne restait qu'une surface sombre sans aucune ouverture. Ne nous servons donc que d’une seule couleur, en employant la gamme de toutes les valeurs du blanc au noir. 2 Chercher des lignes simples et assez rigides qui, par leur calme, permettent le jeu des artistes. Dans un film présenté il y a quelques mois, deux acteurs avaient à jouer devant un massif de plantes et'de fleurs : les lignes embrouillées des tiges, la silhouette des figures, les taches d'ombre et de lumière des feuilles, des nez, des joues, les blancs des faux-cols, des fleurs, tout cela Ccomposait une espèce de puzzle confus, informe, illisible. Dans certains films allemands où le cubisme n'intervient que dans le seul but d’étonner, des lignes tracées au hasard absorbent les figures et les mouvements des personnages, on ne peut plus distinguer les têtes des fonds: Au contraire, les grands plans calmes, les verticales pures, les courbes géométriques mettent en valeur les jeux d'expression, ils contribuent à donner de la vie à l’action par leur aspect nettement inanimé. 8° Eviter de placer dans un décor des tableaux et Sculptures représentant trop fidèlement la nature. Un portrait d'Ingres, un buste de Houdon, quelle que soit leur parfaite beauté, ne sont pas